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La situation inquiète grandement la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, alors que les départs à la retraite ne ralentissent pas.

«Le manque d’attractivité est majeur et il est important de s’y attarder, d’en parler, de reconnaître la direction d’école comme étant une profession de haute importance», soutient Linda Pagé, présidente de l’Association de directions d’établissement d’enseignement de l’Estrie.

À ses yeux, Québec doit faire vite pour améliorer les conditions d’emploi, sinon la pénurie ne cessera de s’accentuer. Le salaire des directeurs d’école, a-t-elle calculé, est à peine 15 % plus élevé que celui des enseignants. Si l’horaire de ces derniers est loin d’être conventionnel, celui des directeurs d’école s’en éloigne encore plus. Mme Pagé parle de journées de 10 h, en semaine, en plus de devoir travailler certains week-ends.

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«Pour l’Estrie, les enseignants qui nous voient travailler ne sont pas intéressés par le nombre d’heures qu’on peut faire, par la tâche qui est de plus en plus complexe et les besoins criants des élèves de tout âge. Les exigences sont fortes pour remplir notre mandat d’éducation avec de moins en moins de ressources.»

Directeur général du Centre de services scolaire du Chemin-du-Roy, en Mauricie, Luc Galvani abonde dans le même sens.

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Le défi est de taille au niveau des conditions d’emploi. Des enseignants gagnent le même salaire que des directions adjointes.

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«Je ne veux pas dénigrer le rôle d’un enseignant, mais au niveau des responsabilités et des redditions de compte, on en demande beaucoup plus aux directions adjointes.»

Vers un meilleur salaire?

Le milieu a bon espoir que des changements importants — et rapides — permettront de redonner envie à des enseignants de passer à la gestion d’une école.

«C’est une question de temps, assure M. Galvani. Je sais que le gouvernement est en train de finaliser les négociations de la partie qui concerne les cadres d’établissements du Québec. Et selon ce que j’ai comme retour, ou comme indices, le tout va être rétabli dans les prochaines semaines par le ministère de l’Éducation, dont la décision passe par le Conseil du trésor et les sections patronales. Les conditions d’emploi devraient être bonifiées.»

Il n’a pas été possible de parler à la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel.

Tâches lourdes

Linda Pagé est directrice d’école depuis 2000. Elle a vu sa profession se métamorphoser au fil du temps, notamment depuis la suppression des commissions scolaires pour des centres de services.

«Il y a 20 ans, l’organisation était beaucoup plus centralisée au niveau des commissions scolaires, qui étaient plus petites. Il y avait un esprit d’entraide et de collaboration. On participait aux décisions et aux réflexions parce que c’était plus petit. Il y avait moins de complexité, les budgets étaient moins gros, les enjeux d’éducation étaient moins grands, il y avait moins de jeunes avec des difficultés d’apprentissage», raconte Mme Pagé, qui évoque aussi le manque de reconnaissance, ou encore les échanges avec les parents, qui ne sont pas toujours simples.

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Résultat: les banques de relève se vident et les aspirants à la direction d’école sont de moins en moins nombreux.

Les données fournies par la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement et par les centres de services scolaires contactés individuellement démontrent que moins d’une dizaine d’entre eux ont une banque de relève de directeurs d’école comportant plus de cinq noms.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en Abitibi-Témiscamingue et dans certains secteurs de l’Estrie, les banques sont vides ou presque. À Portneuf, près de Québec, la banque de relève est à zéro, même s’il s’agit d’une région attrayante ayant une grande population. «Il est de plus en plus difficile de pourvoir nos postes, pour un ajout ou un remplacement, en cours d’année», confirme Marie-Claude Tardif, directrice générale du CSS de Portneuf.

De Rouyn-Noranda à la Côte-Nord, en passant par Amos, Magog et les commissions scolaires anglophones, les départs à la retraite et le retour à l’enseignement de certains directeurs d’école mettent du plomb dans l’aile aux efforts de recrutement.

Plus confiants

À Gatineau, un centres de services scolaires compte sept candidats prêts à s’installer derrière l’un des bureaux de directeur d’école et de directeur adjoint, tandis que les deux autres n’en ont que deux. «Avec une dizaine de personnes dans la banque, à la grosseur de centre qu’on a, pour l’instant, je suis confiant», soutient Daniel Bellemare, directeur général du CSS au Cœur-des-Vallées.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Comme l’enseignement, la direction d'école est une histoire de passion.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fc7b79aa5-f341-423b-b1df-dd881b306788.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":8,"text":"

À Granby, Drummondville, Nicolet, Saint-Jean-sur-Richelieu, Nicolet, Lévis, Saint-George-de-Beauce et Montmagny, les banques de relève sont relativement bien garnies. Par contre, ces candidats ne sont pas assez nombreux pour répondre aux besoins à court et moyen terme.

« En connaissant nos besoins pour les trois prochaines années, cette banque ne sera pas suffisante pour combler tous nos éventuels postes», observe Isabelle Bourque, secrétaire générale au CSS de la Riveraine, à Nicolet, donc la banque contient sept candidats.

Même chose au CSS de la Côte-du-Sud, à Montmagny. «Bien que notre banque comporte onze personnes, huit sont déjà en fonction et il y a parfois des gens dans cette liste qui ne sont pas disponibles pour différentes raisons, mentionne la conseillère aux communications, Isabelle L’Arrivée-Lavoie. Notre marge de manœuvre n’est pas très grande. Nous devons tout de même faire appel à nos retraités lors de certains remplacements.»

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L’essayer avant de se lancer

Le CSS du Chemin-du-Roy, à Trois-Rivières, compte 38 personnes dans ses banques de relève, ce qu’on peut qualifier d’heureuse anomalie, dans les circonstances. Tout comme au CSS des Navigateurs, à Lévis, le centre trifluvien a mis en place, il y a deux ans, un plan de relève qui permet aux enseignants intéressés par la direction d’école d’en apprendre les rudiments avant de passer par le processus de recrutement.

Les aspirants font des remplacements ou des journées d’accompagnement de directeurs d’école pour mettre la main à la pâte. Certains abandonnent avant les entrevues, tandis que pour d’autres, la vocation se confirme instantanément.

« Notre plan de relève nous a beaucoup aidés», explique Esther Lemieux, directrice générale des Navigateurs, admettant du même coup que la relève pour des postes permanents l’an prochain reste incertaine. «Le plan de relève permet d’aller chercher des directeurs adjoints, de voir ce qui leur manque, comment ça se passe en poste. Comme avec un stage.» Ils profitent en même temps du mentorat des directeurs d’expérience.

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Il y a cinq candidats dans la banque de relève pour le territoire desservi par le Centre de services scolaire De La Jonquière. La Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE) en compte trois dans celle du CSS Lac-Saint-Jean. Les listes des CSS des Rives-du-Saguenay et du Pays-des-Bleuets sont complètement vides.

Alors, il arrive quoi, lorsqu’un directeur a besoin de se faire remplacer pendant une longue période ? « Un autre prend la relève et s’occupe de deux, trois ou même de quatre écoles pendant un moment», répond le président de la FQDE, Nicolas Prévost.

C’est arrivé à certains moments à Johanne Bouchard, aujourd’hui retraitée, mais toujours très active. Elle est, entre autres, mentore pour les nouveaux directeurs d’établissement.

«Mon école comptait plus de 330 élèves. Une année, j’en ai pris deux autres. Je me déplaçais entre Saint-Félicien, La Doré et Saint-Méthode. Souvent, tu as un adjoint, alors ça aide, mais c’est difficile. J’avais seulement le dimanche de congé pendant un an.»

Elle a fait le saut derrière le bureau de directrice, après une carrière de 17 ans comme enseignante en anglais langue seconde. Elle y est restée 18 ans. En 2019, alors que l’heure de la retraite venait juste de sonner, on la rappelait pour devenir consultante.

«Je suis allée pendant trois mois dans une école. J’ai arrêté tout juste avant la pandémie et je leur ai dit que je ne voulais pas y retourner. En fait, je leur ai dit de perdre mon numéro!», indique celle qui est appelée à aider dorénavant de manière ponctuelle.

«Elle pourrait reprendre le travail chaque semaine si elle le voulait», souligne M. Prévost, ajoutant que plusieurs retraités sont régulièrement appelés. Les banques de relève s’amenuisaient déjà avant la pandémie, mais la situation a précipité des départs, ce qui les a carrément mis à sec, observe-t-il. «Les directeurs se sont retrouvés à gérer davantage de problèmes relevant de la santé publique que de l’éducation de nos jeunes.»

Parlez-en à Francis Côté, à la tête de l’École polyvalente de Normandin depuis janvier. Au cours des 18 dernières années, il a également été directeur au primaire dans le nord du Lac-Saint-Jean.

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Ça fait deux ans que je suis très loin de faire ma réelle job. Là, je gère du Purell, un manque de personnel et des parents anti-masques

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Des semaines de 50 heures

Pour être à la direction, il faut avoir au moins cinq ans d’expérience en enseignement et trois autres comme adjoint, explique M. Prévost. Le candidat doit aussi avoir réussi les premiers cours du diplôme d’études en administration scolaire et s’engager à le terminer dans les cinq années suivantes. « C’est sûr que, dorénavant, on a plus de souplesse. Par exemple, il y a des gens qui n’ont pas les cinq années d’expérience. Il n’est toutefois pas question de prendre des gens qui n’ont pas leur brevet d’enseignement.»

C’est aussi ce que pense Johanne Bouchard. «Au Conseil du Trésor, certains pensent que n’importe quel gestionnaire peut diriger un établissement. On gère des enfants. Ce ne sont pas que des chiffres et des budgets.»

Francis Côté, qui est aussi président régional de la FQDE, ajoute qu’il ne faut pas niveler par le bas. «Le critère le plus important c’est le brevet d’enseignement. Il ne faut pas qu’un cadre de la santé qui n’a plus de tâche se retrouve dans une école.»

La fédération est d’ailleurs en pourparlers avec les ministres du Conseil du Trésor et de l’Éducation. Il ne s’agit pas d’un syndicat, puisqu’on parle ici de personnel-cadre, mais d’un groupe aux intérêts communs. «Il faut valoriser la profession», souligne le porte-parole de la Fédération.

«Aujourd’hui, 70 % des directions sont des femmes et la moyenne d’âge est de 40 ans. Elles ne veulent pas travailler 50 heures par semaine avec un salaire qui revient au même que celui des enseignants et beaucoup moins de vacances.»

Johanne Bouchard est du même avis. «Quand tu es directrice, tu arrives au travail à 7h tous les matins et repars la dernière à 17h. C’est impossible de concilier la vie familiale. L’été, tu n’as pas de vacances et, d’un point de vue salarial, c’est quasiment une diminution, si tu es une enseignante qui était dans le haut des échelons. Les conditions ne sont pas gagnantes.»

Les trois intervenants espèrent que les négociations avec le gouvernement connaîtront un dénouement positif et que davantage de gens seront intéressés à se lancer dans cette aventure. Francis Côté assure que son métier reste le plus beau du monde, mais qu’il a besoin de reconnaissance. «Quand tu as deux ou trois écoles sous ta gouverne, tu manques de temps et tu n’es jamais à la bonne place au bon moment. À la fin de la journée, tu n’aimes pas ça.»

«Quand j’avais une grosse journée, j’allais dans une classe et là, ils étaient heureux de me voir et venaient me faire un câlin. Ils nous redonnent tellement les enfants», termine Johanne Bouchard.

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«Depuis deux ans, même si on n’a pas besoin de remplacements, on met nos candidats sur le terrain une journée par semaine pour aller essayer ce métier-là, poursuit Ginette Masse, directrice générale adjointe au Chemin-du-Roy, en Mauricie. On sait que, dans les prochaines années, on va avoir de nombreux départ à la retraite, alors on doit préparer notre relève.»

Le CSS des Hautes-Rivières, en Montérégie, utilise également un système de banque d’aspirants en apprentissage, en plus de ses deux banques de relève annuelles. Les nouveaux directeurs profitent d’un accompagnement et d’une formation continue de trois ans.

«Tout n’est pas noir», assure Linda Pagé. Comme l’enseignement, dit-elle, la direction est une histoire de passion. Et elle sera à son bureau de directrice d’école pendant encore bien des années.

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