Malheureusement pour l’amateur d’histoire que je suis et que vous êtes sans doute, mettre la main sur des reliques sportives est beaucoup plus complexe qu’on puisse l’imaginer. Le Musée a dû trimer dur pour en trouver et a pu compter sur de généreux prêteurs. C'est donc un véritable tour de force de rassembler ces rares artéfacts relatant la riche tradition de la pratique sportive dans notre ville.
La vitrine-exposition Viens jouer dehors! 200 ans de pratique du sport à Québec est déclinée autour de trois grands axes majeurs : l’eau (le fleuve et les différentes rivières de la ville) le dénivelé (la basse et la haute ville) et les grands espaces (les grands parcs comme les Plaines d’Abraham ou celui du domaine Maizerets).
Mon collègue Ian Bussières a d’ailleurs fait un bon résumé des grands attraits de la nouvelle exposition du Musée dans cet article.
Cette vitrine-exposition, elle fait sourire pour plusieurs raisons. Elle nous rappelle d’abord à quel point la pratique sportive fut forte dans le secteur du Parlement alors qu’elle y est plutôt limitée aujourd’hui. Rien de plus normal avec l'étalement urbain des 100 dernières années.
Club de tennis, pistes de courses de chevaux, vaste terrain de golf et aréna de hockey sur les Plaines, les exemples de sports jadis pratiqués tout près de la colline parlementaire sont nombreux. Tout ce qui ne devait pas être joué sur des plans d’eau était pratiqué dans ce coin de la ville.
Pour comprendre à quel point l'époque est lointaine, on laissait les vaches brouter la pelouse du premier club de golf de Québec, en 1874, question de la maintenir à la bonne hauteur!
Sport et la politique... font bon ménage
Les photos des premiers terrains de tennis, construits à partir de 1885 par le Quebec Tennis Club, nous font aussi réaliser à quel point cette discipline, d’abord appelé lawn-tennis (traduction de tennis sur gazon), a profité aux élites économiques et politiques du temps. Comme à peu près tous les sports d’ailleurs.
Il ne faut donc pas se surprendre que ces terrains aient été érigés en plein cœur de la ville, sur l'espace gazonnée devant le Parlement, tout juste derrière l’actuelle Fontaine de Tourny. Le club house, lui, longeait les fortifications de la Porte Saint-Louis. Les courts y sont restés jusqu’en 1968.
La seule vue des résultats de quelques élections des officiers du prestigieux club de tennis de Québec suffit à démontrer ses liens étroits avec les pouvoirs politiques de l'époque. Le Soleil du 7 mai 1927 en annonce la composition principale : l’honorable Narcisse Pérodeau, lieutenant-gouverneur de la province, Louis-Alexandre Taschereau, premier ministre, et l’honorable Joseph-Napoléon Francoeur, orateur de l’Assemblée législative. Rien de moins!
Plusieurs femmes de juges et de politiciens ont d'ailleurs été nommées sur le comité de patronnesses (lady patrons) du club, dont l’épouse du premier ministre Honoré Mercier. Dans un diaporama construit par le Musée, on en aperçoit d'ailleurs quelques-unes, dans de belles grandes robes blanches, jouer devant le Parlement.
Les terrains permettent aussi aux «jeunes et aux joyeux couples» de se livrer à cet amusement, rappelle L’Électeur quelques jours après leur construction en 1885.
Ces courts ont parfois donné lieu à des matchs relevés, comme le duel entre Erik Tegner, du Danemark, et Henri Laframboise, de Montréal, deux concurrents de la Coupe Davis de 1921. Laframboise jouera un rôle clé dans la démocratisation du tennis chez les canadiens-français de l’époque.
Les terrains de tennis construits devant le Parlement servaient, à Québec comme à Ottawa d’ailleurs, aux députés et ministres de ces deux villes. Dès la fin du 19e siècle, les journaux s’amusaient d’ailleurs à leurs dépens : «Un jeu de Lawn Tennis et de Base Ball a été installé sur les pelouses, en face des Édifices du Parlement, pour le délassement des députés. Signe de longue session, peut-être…» ironisait un correspondant du Trifluvien à Ottawa en mai 1891.
L'héritage britannique des sports à Québec n'est qu'un autre des autres des grands constats faits à la vue de cette vitrine-exposition.
Ça vaut un petit détour. À voir d'ici le 19 septembre prochain!