Des milliers de nouveaux logements, mais toujours la crise

La construction résidentielle a connu une année faste en 2021 et les chiffres de la Ville de Sherbrooke le confirment aisément.

Un nombre record de logements a été construit l’an dernier sur le territoire sherbrookois, ce qui n’a malgré tout pas suffi à soulager la pénurie, a-t-on appris mardi à l’hôtel de ville. L’administration municipale y présentait le bilan des mises en chantier et des développements réalisés à Sherbrooke en 2021.


Au net, la Ville a ainsi gagné 2381 portes supplémentaires dans la dernière année, en hausse d’environ 25 % par rapport à 2020, qui n’était pas non plus une petite année. Autre indicateur soulevé par le directeur du Service de la planification et de la gestion du territoire, Yves Tremblay, pas moins de 663 M$ en travaux déclarés ont été comptabilisés par son équipe pour l’année 2021. Les revenus liés aux octrois de permis atteignent également 4 M$ pour la Ville, a-t-il rapporté.

En dépit de ces chiffres records, le taux d’inoccupation des logements a cependant baissé durant cette période, atteignant 0,9 % en 2019. M. Tremblay a identifié d’entrée de jeu le facteur qui explique ce portrait en apparence contradictoire, soit la croissance démographique que connaît la région, et spécifiquement Sherbrooke.

La Ville a en effet atteint un total de 172 950 citoyens, en croissance de 7,2 % depuis le recensement de 2016, une hausse largement supérieure à la moyenne québécoise. La « migration interrégionale », une tendance renforcée par la pandémie, explique en bonne partie l’afflux de nouveaux résidents, a décrit Yves Tremblay.

Les prévisions démographiques de l’Institut de la statistique du Québec anticipent par ailleurs une poursuite de cette croissance dans les prochaines années. Il faudrait même créer 15 000 nouvelles portes d’ici 2040, considérant les prévisions, a indiqué le directeur du Service de la planification et de la gestion du territoire.

Disponible… et accessible

Au-delà du nombre brut d’unités construites, l’autre enjeu déterminant dans le contexte actuel est leur accessibilité pour la population, ont soulevé plusieurs élus, ce qui représente un « grand défi » pour l’heure, ont-ils convenu.

La conseillère Fernanda Luz s’est dite désolée de voir qu’en dépit de la construction record, l’offre résidentielle ne répond pas encore aux besoins toujours criants des Sherbrookois.

La présidente de la commission de l’aménagement du territoire, la conseillère Geneviève La Roche, a averti qu’il faudra « être créatif sur notre façon de développer notre territoire » pour pouvoir « offrir des milieux de qualité » aux Sherbrookois et aux futurs résidents.

Pour répondre à l’urgence climatique et à la nécessité de préserver les milieux naturels, une nouvelle façon de concevoir l’urbanisme pourrait contribuer à « faire baisser notre niveau de consommation », selon Mme La Roche, qui pointe en exemple le projet de mini-maisons qui devrait être approuvé ce printemps à Sherbrooke. Sa collègue Hélène Dauphinais a quant à elle évoqué l’idée de fixer une limite à la superficie des nouveaux terrains à développer.

L’autre élément incontournable dans l’équation est la densification du cadre bâti, selon l’élue Laure Letarte-Lavoie, qui a insisté pour qu’on cesse de penser d’abord aux inconvénients de la densification et qu’on envisage plutôt les avantages qu’elle peut amener, comme l’arrivée d’un centre communautaire ou d’un parc dans une communauté.

Il faut aussi mieux expliquer les raisons qui amènent l’actuelle tendance à la densification, « la voie d’avenir, la seule voie d’avenir », a ajouté la mairesse Évelyne Beaudin. « Il n’y en aura juste plus de forêts un jour » si on poursuit le développement de la façon actuelle, a-t-elle exprimé.

« C’est un mythe [de croire] que ce qui est construit en ce moment, c’est ce qui répond à la demande », a aussi livré Mme Beaudin, qui a cité en exemple « des centralités du type Vieux-Québec ou Plateau Mont-Royal », où il n’y a pas nécessairement des « tours à condos », prônant ainsi une « densification intelligente, à échelle humaine ».

Après tout, ces quartiers sont denses et attirent malgré tout une population, en plus de concentrer une plus grande valeur foncière, a observé la mairesse.

« Trou de beigne »

Autre analyse intéressante, en jetant un regard à la répartition territoriale des travaux et des transactions survenus en 2021, on peut clairement constater une concentration des investissements dans la périphérie de la Ville, en même temps qu’en plein centre-ville, où de nombreux chantiers sont aussi actifs, un effet « trou de beigne », comme l’a imagé M. Tremblay. « C’est normal, on s’y attendait, mais c’est intéressant de voir comment le centre-ville a tiré son épingle du jeu », a-t-il commenté en parlant de la répartition territoriale.

Les zones de développements résidentiels ouvertes en 2021 représentaient 45 hectares de terrain utilisés, apprend-on aussi dans ce bilan.

Après le boom actuel, une baisse des mises en chantiers est maintenant à l’horizon, selon les perspectives disponibles, mais elle sera sans doute moins marquée à Sherbrooke qu’ailleurs, a aussi informé M. Tremblay.