Parmi les six régions métropolitaines québécoises, c’est dans la capitale que le taux de crimes haineux déclarés par la police a été le plus élevé en 2020, selon un classement effectué par Le Soleil à partir des plus récentes données de Statistique Canada.
Avec un taux de 8,5 crimes haineux par 100 000 habitants, la région de la capitale devance les régions de Montréal, Gatineau, Trois-Rivières, Sherbrooke et Saguenay (voir notre tableau).
Les crimes haineux déclarés par la police sont en hausse pour la deuxième année consécutive dans la région de Québec. C’est la première fois depuis 2018 que le ratio de crimes haineux par rapport à la population place la région de Québec au sommet de ce sombre palmarès.
Pour le président de la Grande Mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah, la hausse des crimes haineux déclarés à Québec montre qu’il ne faut pas baisser la garde envers une «partie minime de la société qui est très aigrie» contre les musulmans ou d’autres communautés culturelles.
Mais, à son avis, la présence de Québec au sommet de ce classement est peut-être aussi un reflet d’une plus forte dénonciation des crimes haineux dans la région.
Depuis l’attentat de la Grande Mosquée, les membres de la communauté musulmane de Québec sont de plus en plus prompts à dénoncer des crimes haineux, souligne Boufeldja Benabdallah.
On a pris conscience que quand il y a un acte haineux contre nous, il ne faut pas qu’on se taise, dit-il. Donc, on le déclare automatiquement.
Pour Maxime Fortin, coordonnateur de Ligue des droits et libertés à Québec, le fait que Québec enregistre le plus fort taux de crimes haineux déclarés par la police confirme une inquiétude. «Ça fait plusieurs années qu’on tire la sonnette d’alarme», dit-il. Selon M. Fortin, la présence de groupes d’extrême droite à Québec favorise le passage à l’acte en matière de crimes haineux.
Maxime Fortin estime toutefois que seulement une petite partie des crimes haineux est dénoncée à la police de Québec. «Beaucoup de personnes racisées ne portent pas plainte ou sont réticentes à collaborer lorsqu’il y a un crime haineux, parce qu’elles ne font pas confiance à la police», dit-il.
70 crimes haineux
Au total, 70 «affaires» de crimes haineux ont été déclarées par la police dans la région de Québec en 2020.
Les statistiques sur les crimes haineux doivent toutefois être interprétées avec prudence, note le directeur scientifique et stratégique du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, Louis Audet Gosselin.
Selon lui, une combinaison d’au moins trois facteurs peut produire une hausse des crimes haineux déclarés par la police. Il peut effectivement y avoir une augmentation de ce type de crimes dans la région concernée. Mais une hausse peut aussi indiquer un changement dans la manière dont les policiers prennent en compte les affaires de crimes haineux ou une plus grande mobilisation des certaines communautés pour dénoncer ces crimes.
«Ça peut vouloir dire qu’il y a des crimes qui passaient sous silence auparavant ou qui n’étaient pas considérés comme haineux [et] qui le sont aujourd’hui», dit M. Audet Gosselin.
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Pour les mêmes raisons, le fait que la région de Québec affiche la plus forte proportion de déclarations de crimes haineux dans la province ne signifie pas nécessairement que le problème y est plus criant que dans les autres régions métropolitaines québécoises, soutient Louis Audet Gosselin. «Est-ce que c’est un problème plus grand à Québec qu’ailleurs? Probablement pas».
Un nom, plusieurs crimes
Partout au pays, les services de police dévoilent leurs données criminelles — dont les crimes haineux — à Statistique Canada dans le cadre du Programme de déclaration uniforme de la criminalité, dont l’objectif est de mesurer la fréquence des crimes dans la société canadienne.
Dans la région métropolitaine de Québec, les données proviennent des services de police de Québec, Lévis et Wendake, ainsi que de la Sûreté du Québec pour les MRC de la Côte-de-Beaupré de la Jacques-Cartier, indique Statistique Canada.
En vertu de la Déclaration uniforme de la criminalité, un crime est considéré haineux lorsqu’il est motivé ou soupçonné d’être motivé par la haine de la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, l’incapacité mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou l’identité ou l’expression de genre d’une personne visée.
Certains crimes haineux sont plus flagrants. C’est le cas des infractions relatives à la propagande haineuse prévues au Code criminel, comme l’encouragement au génocide ou l’incitation publique à la haine.
Mais parfois, explique Marie-Pier Rivard, porte-parole du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), le caractère haineux d’une infraction distincte — comme des voies de fait, des menaces ou du harcèlement — constitue une circonstance aggravante et peut mener à une peine plus sévère devant les tribunaux.
Dans tous les cas, indique Mme Rivard, des enquêteurs dédiés du SPVQ prennent en charge chaque crime à caractère haineux. «Dès qu’un crime haineux nous est signalé, ce dernier est rapidement attitré à un enquêteur et devient prioritaire».
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