Le ministre estime que les gouvernements précédents ont manqué de «courage politique». Ce qui fait que toutes sortes de propositions porteuses sont restées en plan depuis plus d’une génération.
Du «courage», son gouvernement en aura, est-on prié de comprendre.
Ce que le ministre ne dit pas, cependant, c’est que, contrairement à ses prédécesseurs, son propre gouvernement a un vrai intérêt politique à aller de l’avant, à faire bouger les choses concrètement sur le terrain.
En présentant son plan, qui embrasse large, il porte le débat sur l’avenir et moins sur la gestion de la pandémie. Et moins sur ses engagements rompus dans le domaine de la santé.
Mais ce n’est pas tout.
Des logiques de base
«Le plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé» table sur un guichet unique d’accès à la première ligne (l’idée d’être vu par «le bon professionnel», que ce soit un médecin, une infirmière ou un pharmacien, entre autres).
Il table sur l’interdisciplinarité, sur un recrutement massif d’employés, l’ajout de nouveaux lits dans le réseau, un «virage massif vers les soins à domicile», ainsi que sur une «reprise du contrôle de la rémunération des médecins»; autrement dit, sur l’«accélération du financement axé sur le patient».
Le consensus est devenu assez large autour de ces thèmes.
Plusieurs de ces propositions s’inspirent de toutes sortes de rapports importants publiés au fil des ans — de celui de la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux présidée par Michel Clair, en 2001, à celui, plus récent, de la Commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay.
Et si le gouvernement Legault trouvera le «courage politique» d’aller de l’avant, c’est également parce qu’il a lui-même compris qu’il ne pouvait plus promettre n’importe quoi. Songeons encore à cet engagement voulant que chaque Québécois puisse compter sur un médecin de famille en 2022.
Et si le gouvernement aura le courage d’avancer, c’est, enfin, parce que l’on vient de vivre une crise sans précédent avec la pandémie. Il n’est plus possible pour qui que ce soit de faire comme avant.
Les acteurs du réseau sont mobilisés et veulent eux-mêmes du changement. Comme l’ensemble des Québécois, d’ailleurs.
On verra jusqu’où Québec ira, mais disons qu’il existe une base pour démarrer et pour aller sans doute assez loin cette fois. Une base et une demande.
Pièces à venir
L’application et l’exécution constitueront les manches les plus difficiles à jouer.
Une bonne partie du plan ne réussira que si l’on offre davantage de pouvoirs et d’autonomie aux gestionnaires et au personnel sur le terrain, reconnaît M. Dubé.
On touche là à l’organisation même du système. C’est fondamental.
Le ministre a confié à sa sous-ministre Dominique Savoie le soin de revoir et de préciser les rôles et les responsabilités de chacun. Elle doit remettre sa copie dans quelques semaines. Ce sera une étape cruciale.
Plusieurs autres pièces sont à venir, dont une majeure concernant les soins à domicile. La semaine dernière, la commissaire à la santé et au bien-être a reçu le mandat de se pencher sur tout ce volet.
Les programmes actuels ne répondent bien souvent pas aux besoins et pas du tout à la demande; et encore moins à celle qui apparaîtra avec les années. Les recommandations finales de la commissaire sont attendues en décembre 2023.
Plan de campagne
Personnellement, Christian Dubé a beaucoup joué la carte de l’humilité en présentant son plan, mardi. Il a remercié les acteurs du réseau de lui avoir appris et expliqué tout ce qu’il ne savait pas.
Politiquement, il vient d’offrir à son gouvernement une pièce importante de la prochaine campagne électorale de la CAQ.
Le plan de santé sera nécessairement un plan de campagne.