{"accessibility":"METERED","authors":[{"coverUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F32d78de9-715d-4e38-ac9e-829d9f25590f.png&width=1024&stripmeta=true","description":{"fr":"Journaliste et chroniqueuse "},"email":"ktremblay@latribune.qc.ca","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Feb0b7a9e-c0d8-4b3e-a772-a81f5f461178.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","location":"Sherbrooke","name":"Karine Tremblay","source":"La Tribune","twitter":"tremblayk"},{"description":{"fr":"Photographe"},"email":"sbertrand@ledroit.com","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fa2c19d4b-4609-48eb-ab28-dc7a4c63ce93.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","name":"Simon Séguin-Bertrand - Photographe","source":"Le Droit","twitter":"SimonSB"}],"channel":"Notre équipe aux frontières de la guerre","chapters":[{"position":0,"text":"

Selon les données officielles, le cap des 3,4 millions de personnes réfugiées a été franchi la semaine dernière. Et le chiffrier continue de tourner. Chaque jour, les pays frontaliers accueillent de nouveaux arrivants. La Pologne est depuis le début du conflit la principale porte d’entrée des Ukrainiens, puisque les deux tiers d’entre eux ont transité par ses frontières.

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À Przemyśl, on prend la pleine mesure de cet exil forcé. Les réfugiés sont partout dans la ville. Dans toutes les directions où le regard se pose, il y a des valises. Des cages à chats. Des enfants qui toussent. Des vieillards voûtés. Des bébés qui pleurent. Des mères qui tiennent monde et bambins comme elles le peuvent dans leurs bras fatigués.

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On débarque à la gare de l’endroit, plaque tournante du parcours migratoire des Ukrainiens. Ils arrivent de Lviv, poursuivent souvent leur chemin vers Varsovie. Ou bien ils transitent au Tesco. On y reviendra. Pour l’heure, près des wagons et des convois, on constate le déracinement des victimes de la guerre.

Partout, il y a aussi des journalistes. Les médias de tous horizons viennent planter leur caméra dans le décor de la ville fondée au 8e siècle. Les lieux transpirent d’histoire. Ils sont aussi l’écrin où s’amorce un nouveau chapitre pour les réfugiés.

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Sur le quai, au moment de notre passage, certains arrivent, mais d’autres s’apprêtent à faire le chemin inverse et à retourner au cœur du cauchemar.

C’est le cas d’Alexandre, qu’on rencontre dans le train qui part de Varsovie et qui nous rapproche de l’Ukraine. L’homme à la soixantaine bien entamée fixe l’horizon, joue machinalement avec son alliance. Son air est résigné. Il n’y a pas d’autres mots.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Alexandre répond à l'appel du président Zelensky et se dirige vers Kyiv pour reprendre son travail de chauffeur de taxi.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F4b4c1ee8-c9c8-46c0-b7f0-cd2c408bae95.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":8,"text":"

Il ne s’en va pas combattre comme tant d’autres. C’est néanmoins par sens du devoir qu’il met le cap sur la capitale ukrainienne.

«Je suis chauffeur de taxi. J’étais parti depuis 15 jours. Je retourne à Kyiv faire mon travail. Parce que les transports sont compliqués et le président Zelensky a lancé un appel à tous.»

S’il a peur? Oui. Bien sûr.

«J’ai cette vive crainte de ne pas arriver à l’abri assez vite, en cas de frappe aérienne», lance-t-il avant de nous dire au revoir.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Le Tesco de Przemysl est transformé en centre d'accueil pour les personnes réfugiées.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":9,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F8c8feb67-2809-4051-a404-a3d998a36421.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":10,"text":"

On échange avec lui un dernier regard, un dernier signe de la main, et sous le chaud soleil d’après-midi, on file au Tesco, à moins de 3 km de la gare.

Le gigantesque supermarché a été transformé en centre d’aide pour les réfugiés. Depuis une semaine les règles ont changé, «parce que la sécurité des personnes sur place est en jeu», nous explique la bénévole Claudia Mayans.

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Elle frémit en nous racontant que la traite de personnes et le trafic humain étendent leurs tentacules en sol polonais. Il y a eu des victimes. Ici même.

«La plupart des personnes réfugiées sont des femmes et des enfants. Celles qui ne savent pas où aller sont vulnérables. Il y a eu des histoires qui me font frissonner d’effroi. Certaines personnes ont disparu. On a complètement perdu leur trace. Cette semaine encore, une femme est partie avec un homme qui lui promettait un logis. Il l’a plutôt amenée dans un hôtel et il l’a violée…»

L’idée du traumatisme qui s’ajoute à celui déjà immense de la guerre est douloureuse. Intolérable. Il fallait agir.

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«Un système d’enregistrement a été mis en place, autant pour les réfugiés que pour ceux qui viennent aider. Ça nous permet de bâtir un filet de sécurité», mentionne le coordonnateur du centre, Konrad Malinowski.

Chacun hérite d’un bracelet, associé à une fiche d’identification. Les antécédents sont vérifiés.

Certains conducteurs privés opèrent toujours, mais l’organisme espagnol Juntos por la Vida, pour lequel œuvre Claudia, ne laisse plus partir les gens avec des quidams.

«La plupart des personnes sont bien intentionnées lorsqu’elles offrent du transport ou un toit aux réfugiées, mais certaines ne le sont pas», résume-t-elle.

Pour éviter d’autres drames et pour amener les gens à bon port, Juntos por la Vida a instauré des transports en bus.

«Même si ceux-ci sont à demi pleins et que ça coûte très cher, ils ne changent pas les plans. C’est une fondation qui fait bien les choses et qui avait déjà de solides liens avec l’Ukraine parce que depuis 30 ans, elle organisait des séjours estivaux en Espagne pour les enfants de Tchernobyl», raconte Claudia.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Des gens s'apprêtent à monter dans un autobus.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":15,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F10e863ab-a880-4204-b075-d83f760ee53f.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":16,"text":"

Celle-ci est venue de Majorque pour donner un coup de pouce. Elle va rester le temps qu’il faut.

«Je ne pouvais tout simplement pas demeurer à la maison. Je suis allée à différents endroits, comme Hala-Kijowska, à Korczowa, mais ici, c’est beaucoup mieux organisé.»

Son ami Roberto a, lui, fait une halte obligée.

«Je viens de Malaga, mais je voyage. J’étais parti de la Thaïlande en vélo. Quand la guerre a éclaté, j’ai interrompu ma course. Je ne repartirai pas tout de suite. Pas quand il y a tant à faire ici», expose le bénévole espagnol.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Claudia et Roberto","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":17,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F500497d5-c04e-4bfb-8932-a5580c3facad.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":18,"text":"

On marche tous les quatre vers l’entrée du centre. Sur la façade de la bâtisse, une large affiche indique «No foto». Caractères gras, encre noire appuyée. Les journalistes ne sont plus admis à l’intérieur depuis quelques jours.

«Par moments, ça ressemblait à un vrai cirque. Certains médias ne faisaient pas attention à la détresse des gens, comme s’ils ne réalisaient pas qu’ils filmaient des victimes de la guerre», explique Claudia.

Des policiers guettent l’entrée et s’apprêtent à nous barrer le chemin quand elle leur fait comprendre que nous n’irons pas plus loin. À l’orée du centre, elle nous décrit ce que nous ne verrons pas. Les larges dortoirs découpés par destinations. Les cuisines. Les douches. Le cabinet médical. Les immenses rangées de nourriture et de matériel.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Des gens se servent dans une cargaison de dons déposée devant le Tesco de Przemysl.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":19,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F865ded95-56b7-4a50-9fce-af995eefa3c7.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":20,"text":"

«Au début, il faisait froid, on avait besoin de couvertures. Maintenant, on en a plus que suffisamment et c’est l’eau, le matériel médical et les médicaments qui manquent. Les besoins changent très vite, ça varie d’une semaine à l’autre», révèle Konrad Malinowski.

Il précise aussi que le nombre de réfugiés fluctue lui aussi d’un jour à l’autre, mais que l’endroit, chapeauté par la mairie, peut accueillir jusqu’à 4000 personnes.

Ici comme ailleurs, on ne fait pas trop de cas de la Covid-19.

«C’est la guerre. C’est ça qui supplante le reste. Le virus, on n’y pense pas trop. Les gens ne restent pas longtemps, ils sont de passage avant de partir pour un pays d’Europe, où ils ont des amis ou de la famille. On les aide à orchestrer leur départ», dit Claudia.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Claudia a reçu des bijoux.","contentType":"image","credits":"Le Droit, Simon Séguin-Bertrand","position":21,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F87f81d5e-9139-4695-9a41-30b3364f0c68.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":22,"text":"

La veille, juste avant d’embarquer dans l’autobus, une grand-mère ukrainienne lui a donné des bijoux pour la remercier. Des pierres enchâssées sur des anneaux d’argent. Le cadeau est inestimable.

«Elle a amené ceci dans le peu de bagages qu’elle avait. Et après, elle a choisi de me le donner parce qu’on avait tissé un lien ensemble. Je suis touchée au cœur. On va rester en contact», dit l’Espagnole de 26 ans en rangeant la précieuse offrande.

«Cette expérience est une première pour moi, poursuit-elle. Et ça change ma vie. Je sais que dorénavant, c’est ce que je veux faire. De l’aide humanitaire.»

Et c’est dans l’écrin de Przemyśl que s’est déposée en elle cette certitude. Peut-être parce que c’est là où, pour certains, de nouveaux chapitres s’amorcent.

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Ce reportage a été réalisé grâce à une bourse du Fonds québécois en journalisme international.

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