Yannick Marcoux : faire la paix avec son enfance

Chroniqueur culturel et collaborateur à diverses publications, Yannick Marcoux signe avec <em>L'île sans pont</em> son premier roman.

Il y a quelque chose de confrontant dans le fait de devenir parent : l’accès au rôle de mère ou de père renvoie les principaux intéressés à leur propre enfance, à leur statut d’adulte. Dans L’île sans pont, Yannick Marcoux explore ainsi la paternité et les questions qu’elle sous-tend avant l’arrivée d’un nouveau-né.


Début des années 2000, Yannick Marcoux part à la rencontre de Charlevoix avec un ami. Ensemble, ils affrontent en vélo la région montagneuse. Lorsqu’ils débarquent sur le quai de Saint-Joseph-de-la-Rive, ils découvrent L’Isle-aux-Coudres camouflée derrière une brume dense et «majestueuse». 

Charmé par cette première rencontre avec l’endroit, le Montréalais y retournera une dizaine d’années plus tard «avec plein d’appréhensions». 

«Il y avait encore exactement cette brume-là. C’était comme un rêve! (rires)

«Autant [le décor] était identique à cette fois précédente, autant je prenais la mesure des dix années qui venaient de passer : comment j’avais vieilli; comment ma vie avait changé. Tout au long de ce second voyage, j’ai été habité par cette scission en moi, entre le petit gars de vingt ans et celui qui entamait sa trentaine», raconte Yannick Maroux, en entrevue au Soleil.

Après plusieurs séjours de création réalisés au fil des ans sur l’isle, l’auteur s’inspire donc de cette matière riche autour du temps qui passe ainsi que des paysages qu’il observe. L’île sans pont se construit tranquillement et l’habite pendant plusieurs années.

On entre dans le roman de Yannick Marcoux en faisant la connaissance de Félix Plante, un jeune homme né sur l’île sans pont, mais qui vit à Montréal depuis son enfance, depuis le décès de son père. 

L’exil, le deuil, voilà des épreuves qu’il croit avoir surmontées jusqu’au jour où il perd à nouveau un proche, puis qu’il apprend que sa copine Sarah est enceinte. Souvenirs et fantômes du passé viennent alors le hanter. Ils brouillent ses pensées, minent sa relation de couple.

<em>L'île sans pont</em>, Yannick Marcoux, 232 pages.

«J’avais envie d’aborder comment, chacun, à diverses échelles, on peut avoir un drame immense et néanmoins cheminer dans la vie, s’émanciper. Tout en rappelant qu’il y a des moments qui font ressurgir ces blessures malgré nous», explique le critique littéraire du Devoir.

Au fil des 232 pages, les lecteurs de L’île sans pont suivront ainsi la quête personnelle et identitaire de Félix. Avant d’embrasser le rôle le plus déterminant de sa vie, le jeune homme doit trouver des réponses aux questions qui l’habitent. Il doit retourner sur l’île qu’il fuit depuis des années.

«Devenir parent, ça demande un ancrage dans le monde, une certaine paix avec sa propre histoire», estime le poète qui a publié en 2021 le recueil L’horizon des phares.

«Avoir un enfant, c’est presque une vertu. C’est le projet d’une vie au complet, un engagement — quoi qu’on en dise — bien plus grand que le mariage», écrit d’ailleurs le trentenaire, qui souhaite présenter dans L’île sans pont une paternité «positive» et «complexe».

S’ancrer dans la territoire

Lorsqu’il crée à L’Isle-aux-Coudres, Yannick Marcoux s’installe sur la pointe Est de l’île, au Bout d’en bas. De cet endroit intime, il se positionne «comme un peintre» et fait la description des paysages qu’il observe. 

«J’ai comme une dépendance au sentiment de vulnérabilité et à la fois de puissance qui se déploie quand on va sur cette pointe du Bout d’en bas. […] Ressentir cette vulnérabilité-là, de la terre par rapport au fleuve, par rapport à l’eau, c’est extrêmement inspirant. […]

«J’aime beaucoup ce jeu entre les deux forces. Je crois qu’il y a, dans la construction de mon personnage [principal], quelque chose qui résonne fortement là-dedans», explique l’auteur, qui développe chez son narrateur une hyperconscience de ce qui l’entoure. 

Tout au long de l’ouvrage, Yannick Marcoux met ainsi en lumière la puissance de la nature, que ses personnages soient à Montréal, dans Charlevoix, en Gaspésie ou dans le Nord. Le fleuve, les feuilles dans les arbres, la lune, les étoiles, le vent, la neige et plusieurs autres prennent ainsi un sens particulier. 

Yannick Marcoux l’affirme : il se sent chez lui partout lorsqu’il voyage dans la province. Un sentiment d’attachement qu’il s’explique par la façon dont le Québec a construit son appartenance au territoire, par sa culture du partage et surtout par la bienveillance des gens qui y habitent et avec qui il prend toujours «un grand plaisir à discuter». Leur accueil chaleureux berce d'ailleurs son livre.

L’île sans pont est offert en librairie.