Samian et les langues autochtones

Le musicien anishinabé Samian

POINT DE VUE / Le musicien anishinabé Samian est dans l’actualité pour deux raisons.


Le Festival international de la chanson de Granby lui a demandé que 80% de son concert soit en français. Ça tombe mal: le programme qu’il tourne est surtout en anishinabemowin. Samian est de la nation Abitibiwinni. Ne pouvant accepter que les langues autochtones soient traitées ainsi, elles qui peinent à survivre, il se retire du festival. Vouloir réduire la présence d’une langue autochtone sur scène, sur le plan linguistique et politique, est pour lui inadmissible. Une polémique a suivi, nourrie comme il se doit par la présence de l’artiste à TLMEP.

Je me souviens nous amène dans une autre direction. Son utilisation de la devise nationale, comment dire, retourne celle-ci comme un gant. Ce rap très personnel explique strophe par strophe qui il est, d’où il vient, le sort réservé aux siens, les injustices qui le mettent en colère, ce qu’il entend défendre, la lutte qu’il mène pour son peuple et toutes les Premières Nations. Ce rap est bilingue, anishinabemowin et français.

Ces deux événements allument chez moi cette réflexion.

Les locuteurs de langues autochtones qui couvraient l’Amérique ont quasiment disparu. Pendant des siècles, nous avons tout fait pour qu’ils perdent leur langue, leur culture, leur âme. Au Québec, en 2019, La Fabrique culturelle affirmait qu’il ne restait que cinq locuteurs d’abénakis.

Lorsque les langues autochtones menaceront le français, qu’il faudra leur imposer des limites, des quotas, comme nous le faisons maintenant à l’anglais, et comme un festival voulait le faire à Samian, c’est que les Autochtones auront réussi non seulement à sauver leurs langues, mais à les imposer sur la place publique. Ce jour sera extraordinaire. Mais nous sommes loin de là. 

Traiter la langue de Samian comme on traite l’anglais est une grossière erreur de perspective. Les deux j’espère trouveront comment se raccommoder.

Si nous voulons promouvoir les langues autochtones, qu’elles se répandent, nous devrions tous faire l’effort d’apprendre ne serait-ce que quelques mots, quelques phrases, de la langue parlée sur le territoire où l’on habite. Apprendre au moins le nom des langues autochtones qui se parlent sur le territoire du Québec. Sur l’île d’Orléans, où j’habite, la langue principale est le wendat. Emprunter ce chemin serait un petit pas, j’en conviens, mais un pas quand même vers la réconciliation.

Tiawenkh! Merci!