Le paradoxe exprimé dans la chanson Passe-moé la puck des Colocs vient en tête en visionnant ce film de Nadège Loiseau. On songe à ce gars qui va «s’chauffer les fesses au bureau du BS» et qui repart les mains vides parce qu’il n’a pas d’adresse à fournir. La réponse à laquelle il se bute lorsqu’il visite un «p’tit logement deux pièce»? «On peut pas t’le louer, t’as même pas d’BS!»
Le trio réuni par la réalisatrice française a davantage à encaisser qu’un chèque d’aide sociale et fera lui aussi face à son lot d’absurdités afin de toucher la somme qu’il a gagnée à la loterie.
Affrontant beaucoup de bureaucratie et trouvant quelques âmes charitables qui leur faciliteront la tâche, les trois complices réunis par la force des choses deviendront colocataires et devront à leur manière gérer la transition.
Sous l’angle de la comédie, Nadège Loiseau réussit à donner une belle profondeur à ses personnages, qu’on ne prend jamais de haut. Et ce même quand leurs comportements frisent le ridicule.
On comprend Casquette (Philippe Rebbot), qui a vécu dans la rue depuis très longtemps, de chercher ses repères et de rester accroché à ses vieilles habitudes lorsqu’il se retrouve en appartement.
Même chose pour le plus jeune, La Flèche (Côme Levin), qui a fugué de tous ses foyers d’accueil jusqu’à ce qu’il atteigne la majorité et que les autorités cessent de le chercher. Bien sûr que les excès guettent ce grand naïf qui n’a jamais eu un sou à lui.
Quant à Brindille (Antoine Bertrand), il est nettement plus enclin à réintégrer le système et voit cette entrée d’argent comme un tremplin. Il jouera au père de famille — ce qu’il est de toute façon — avec un côté gentil, mais bourru qu’Antoine Bertrand incarne de belle manière.
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On ressent une franche complicité entre les trois acteurs qui campent ce trio dépareillé dans l’apparence, la personnalité, l’âge et la façon de parler.
Saluons ici l’initiative de la scénariste et réalisatrice d’avoir écrit un personnage de Québécois pour Antoine Bertrand. Il ne joue pas le «cousin» de service, ici. On n’est pas dans la caricature non plus. Même que ses origines importent peu dans l’histoire, à part quelques gags inspirés par son accent (c’est de bonne guerre!).
Voilà qui nous prouve — et c’est tant mieux! — que nos différences langagières ne sont pas un obstacle quand vient le temps de parler d’un sujet qui, justement, traverse les frontières.
Les thèmes de l’itinérance et de l’insertion sociale passent à travers le filtre de l’humour dans Trois fois rien. Les côtés plus tragiques sont évoqués à travers des lunettes roses. Ils sont portés par des personnages (deux d’entre eux, du moins) qui n’ont pas perdu leur innocence dans l’adversité.
À défaut d’être réaliste, la comédie de Nadège Loiseau mise sur l’espoir et joue plutôt habilement la carte du réconfort et de l’émotion.
Trois fois rien est présenté au cinéma.
Au générique
Cote : ***
Titre : Trois fois rien
Genre : Comédie
Réalisatrice : Nadège Loiseau
Acteurs : Antoine Bertrand, Philippe Rebbot, Côme Levin
Durée : 1h34