Chronique|

«T’as encore des idées suicidaires?»

CHRONIQUE / Yolande accompagne son fils à l’urgence psychiatrique, il y est connu. «Ils l’ont accueilli en lui disant : “Pourquoi tu viens encore? T’as encore des idées suicidaires?” Ce n’est pas une façon…»


Même pas un «bonjour».

Son gars avait 18 ans la première fois où il s’est rendu à l’hôpital pour ses problèmes de santé mentale, il en a aujourd’hui 25. «Je sais que c’est difficile pour le personnel, mais la manière d’aborder les personnes est très importante. Il faudrait au moins lui demander comment il va.»

La bienveillance et le respect sont pourtant inscrits noir sur blanc dans la politique du Centre intégré universitaire en santé et en services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale pour lutter contre la maltraitance envers les personnes vulnérables.

On insiste, c’est «tolérance zéro».

Mais dans les faits, comme l’a constaté Yolande, ces principes passent trop souvent à la trappe. Son gars lui a raconté d’autres situations où il ne s’est pas senti écouté, ni respecté, où il s’est senti carrément dénigré, même poussé au suicide. Elle a porté plainte, mais elle tient aussi à s’impliquer concrètement sur différents comités pour améliorer les choses dans le réseau.

Elle veut éviter à d’autres de vivre ce qu’elle et son fils vivent.

Elle est également allée chercher de l’aide pour composer avec le fait d’avoir un fils qui vit avec un problème de santé mentale, pour éviter de sombrer. Elle s’est tournée vers le Cercle polaire, où elle a pu parler avec d’autres proches comme elle, qui ne savent souvent pas sur quel pied danser.

Ajoutez à ça la pandémie, «où on a mis encore plus la santé mentale aux oubliettes». Yolande veut qu’on en parle plus, surtout qu’on agisse plus. 

Une autre chose qu’elle aimerait changer? Elle veut qu’on l’écoute elle aussi. Après tout, c’est elle qui connaît le mieux son fils, qui sait quel genre de «choses banales qui deviennent une montagne» et qui le font sortir de ses gonds. «Comme proche aidant, on ne nous donne pas la chance d’être avec lui dans le bureau, on ne nous écoute pas. Je pourrais leur parler de sa façon d’agir. C’est abominable qu’on ne serve pas du proche aidant pour aider la personne.»

Surtout que cette personne, souvent, n’a pas le toujours rationnel pour prendre des décisions éclairées.

La première fois où il a dû aller à l’urgence psychiatrique, elle a insisté pour accompagner son gars. «Ils m’ont dit : “non, madame, nous allons être seuls avec lui.” Je leur ai dit : “ce sont ses droits d’être accompagné”. Ils m’ont laissée entrer, mais on voyait que ça dérangeait. Je voulais vérifier les comportements de mon fils et aussi comment ces gens se comportent avec lui.»

Parce qu’elle connaît son fils, elle sait que son trouble de personnalité limite le rend très sensible à tout ce qui se passe autour de lui, qu’il exprime des pensées suicidaires et a aussi tendance à proférer des menaces. Et lorsque ça arrive à l’hôpital, ce sont des policiers, plutôt qu’un psychiatre, qui sont appelés en renfort.

À chaque quart de travail, les patrouilleurs du Service de police de la ville de Québec répondent en moyenne à 16 appels pour des cas de santé mentale.

C’est beaucoup.

Si on résume, le fils de Yolande se présente à l’urgence pour ses problèmes de santé mentale et les comportements que cause son trouble le conduisent au palais de justice. Yolande a ainsi assisté, impuissante, à la spirale de judiciarisation de son fils, aujourd’hui derrière les barreaux «Mon fils est judiciarisé depuis 2017 et il n’est pas le seul qui a des problèmes de santé mentale et qui est judiciarisé. Là, il achève sa sentence, elle finit en septembre, je ne sais pas où s’en va le bateau…»