Il est chef du service de psychiatrie de l’enfant, de l’adolescent et de psychiatrie générale de l’hôpital Avicenne, en région parisienne.
Q: Quel est le rôle des équipes de psychologues ou de psychiatres auprès des familles ukrainiennes venant d’arriver en France?
R: «Nous pouvons aider les personnes à sortir de l’effroi dans lequel elles sont parfois toujours plongées, sortir de l’enfer pour revenir dans la réalité. Certaines sont désorganisées par l’angoisse. Des parents et des enfants n’arrivent plus à se parler.
Dans les jours qui suivent, nous tentons de repérer les personnes particulièrement atteintes par le choc traumatique et qui vont nécessiter des soins plus soutenus. Nous les orientons vers des filières de soins qui assureront une thérapie dans la durée.
Un état de stress aigu peut évoluer favorablement, en quelques jours ou semaines, ou s’aggraver. Quand les symptômes sont présents pendant plus d’un mois, on parle de troubles post-traumatiques.
Nous mettons en place ce travail d’évaluation, de réévaluation, d’orientation et de prise en charge précoce avec différentes techniques selon le temps écoulé depuis le traumatisme. Sans se lancer dans les thérapies».
Q: Quelles sont les particularités de la prise en charge de ces réfugiés?
R: «La plupart du temps, ces personnes sont en transit, pour un temps indéterminé, avant une relocalisation sur le territoire national. Dans ce contexte, nous parons aux situations les plus urgentes.
Si vous essayez d’aller au fond des choses, vous allez amener les enfants et les parents à se mettre à nu, et fragiliser les défenses qu’ils ont pu construire pour s’adapter à cette situation terrible. Or vous n’êtes pas certain de les revoir la semaine d’après. C’est un peu comme si un chirurgien commençait une opération et partait au milieu, en laissant le ventre ouvert. Nous sommes attentifs à ne pas faire d’interventions qui feraient finalement plus de bien que de mal.
On gère l’urgence. Et on attend que les personnes soient installées quelque part pour se lancer dans de véritables prises en charge».
Q: Quels sont majoritairement les profils des réfugiés?
R: «Ce qui est exceptionnel, c’est que ces réfugiés sont presque exclusivement des femmes et leurs enfants. Les pères sont pratiquement toujours restés en Ukraine.
Si toute la famille était là, qu’elle était à l’abri avec comme tâche de se reconstruire pendant le temps qui lui est donné en France, la situation serait plus simple.
Les enfants doivent faire face aux traumatismes qu’ils ont vécus dans le pays et pendant le trajet, avec en plus ce stress extrêmement intense et continu lié à leur père. Ils se demandent : "Que se passe-t-il pour mon père ? Va-t-il survivre?"».