Notre rencontre du 7 mars, portant sur le projet de relâchement de la norme sur le nickel, a été l’occasion de vous exprimer l’inquiétude du groupe Parents de Limoilou et de la Basse-Ville de Québec pour un air sain. Malheureusement, les voix des 850 parents signataires et celles de leurs 1000 enfants n’ont pas suffi à vous faire reconsidérer. Comme parent et comme ministre, vous avez choisi de répéter que «ça ne se ferait pas au détriment de la santé de la population». Vous êtes même allé jusqu'à ajouter «je ne sacrifierai pas votre quartier».
Je vous adresse cette lettre pour vous réitérer l’envergure et le sérieux de la mobilisation citoyenne autour de cet enjeu. Des parents informés comme nous, qui distinguent les PM10 des PST, se trouveront sur votre chemin à toutes les étapes du processus.
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Vous avez choisi d’ignorer notre inquiétude, comme celle des groupes d’experts, de la Ville de Québec et des 18 directions régionales de la santé publique. Cela témoigne du peu d’importance que vous accordez à l’intelligence citoyenne. Pourtant, nous ne sommes plus en 2013 : la création d’un comité indépendant et la promesse d’une station d’échantillonnage ne suffiront pas à calmer la colère des parents. En dépit des comités déjà en place, plus d’une centaine de journées ont dépassé la norme à la station située dans Limoilou. Jamais les responsables de cette pollution n’ont été sanctionnés.
Le plénier de la Ville de Québec et la lecture des mémoires publiques, ont révélé que votre proposition reposait sur une interprétation cavalière de votre propre «cadre de détermination». La règle qui régit l’émission des polluants atmosphériques et autoriserait l’augmentation d’un risque «négligeable» à un risque «acceptable», exige que vous démontriez les bénéfices pour la collectivité du changement prévu, son acceptabilité sociale ainsi que sa nécessité pour les industries en question. Cette démonstration n’est faite dans aucun cas.
Cette règle porte le nom quasi ironique de Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. Dans son éloquent mémoire, Le CQDE insiste sur le respect du principe de non-régression, un principe émergent en droit international de l’environnement selon lequel «la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques». Comme le dit notre maire : vous allez à contresens de tout le monde !
En vérité, la collectivité en prend pour son asthme dans votre projet. Les impacts sanitaires liés à la pollution de l’air sont immenses et documentés. L’avantage économique que vous brandissez avec votre slogan «Ça prend du nickel pour fabriquer des batteries», implique 1600 emplois (ETC) directs et indirects pour l’ensemble du Québec. En contraste, ce sont 86 000 citoyens de la ville de Québec qui subissent déjà les impacts négatifs de la mauvaise qualité de l’air et que l’on propose d’exposer d’avantage.
La science dont vous vous réclamez semble elle aussi vous jouer des tours. La forme de nickel transbordé au Port de Québec et échantillonné dans Limoilou, un sulfure de nickel et de fer (pentlandite) est potentiellement cancérogène. Pourtant, aucune des études auxquelles vous référez ne tient compte de cette spécificité. C’est là une «erreur scientifique fondamentale», d’après l’AQME. Comme parents prudents, nous nous efforçons toujours d’appliquer le principe de précaution.
Lorsqu’il est question de la qualité de l’air, les populations défavorisées sont doublement affectées. Ces familles sont plus exposées aux risques environnementaux et les milieux de vie de moindre qualité qu’elles habitent aggravent leur vulnérabilité, en contraste avec les milieux mieux nantis. L’injustice sociale et environnementale fait partie du passé de notre Basse-Ville, mais elle ne doit pas constituer son futur. Nous sommes profondément attachés à nos quartiers et refusons qu’ils soient encore et désormais des zones sacrifiées.
Au cœur de cette injustice se trouvent nos enfants ; mes deux enfants, les 1000 enfants des parents signataires et ceux de leurs voisins. Ils respireraient déjà sept fois plus de nickel que dans la moyenne des grandes villes canadiennes. Chez les enfants vulnérables, une exposition au nickel a été associée à une diminution de la fonction pulmonaire, de l’asthme, une augmentation de la pression artérielle et l’autisme. L'OEHHA recommande donc que le nickel soit identifié comme contaminant atmosphérique toxique, qui peut avoir un impact disproportionné sur les enfants. Comment peut-on accepter une augmentation de la norme quotidienne par un facteur 5 et en même temps insister sur l'importance de réduire l'exposition de nos enfants ?
En 2017, quand le comité d’examen interministériel de la norme de nickel a vu le jour à la demande de l’industrie, le gouvernement a choisi d’ignorer l’indignation citoyenne déjà immense. Au lieu d’inciter les entreprises à investir dans la couverture des opérations de manutention et de transbordement du nickel, votre Ministère a opté pour marchander notre qualité de vie. Nous voilà en 2022, à respirer un air toujours aussi médiocre, forcés en pleine relâche à refaire une démonstration accablante que vous refusez néanmoins de considérer.
Comme parents, nous savons que le risque zéro est irréaliste. C’est pourquoi nous exigeons l’assainissement de l’air à un risque négligeable. Comme citoyens, nous n’avons pas de pouvoir sur la direction des vents chargés de particules fines. C’est pourquoi nous exigeons le retrait de ce projet de règlement délétère.
Nous vous invitons à faire preuve d’un leadership robuste pour défendre les droits de tous les Québécois.ses. Dans quelques années, assis dans l’herbe d’un parc de quartier à respirer un air sain, nous aimerions raconter à nos enfants que le vent a tourné en 2022.