Deux ans au front pour le personnel de la santé

Même si le pire de la vague Omicron semble passé, cela ne signifie pas pour autant que les travailleurs et travailleuses du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec ont droit à un répit.

Cela fera bientôt deux ans que la COVID-19 a radicalement transformé notre existence. Si la pandémie a affecté tout le monde, d’une façon ou d’une autre, la pression est particulièrement grande sur les travailleurs et travailleuses du réseau de la santé et des services sociaux. Le Nouvelliste a voulu savoir comment, deux ans plus tard, ceux-ci tiennent le coup, et ce que la pandémie a le plus changé dans leur travail.


Même si le gouvernement multiplie ces dernières semaines les allégements aux mesures sanitaires, alors que le pire de la vague omicron semble passé, cela ne signifie pas pour autant que les travailleurs et travailleuses du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec ont droit à un répit. C’est du moins ce que signalent plusieurs syndicats.

«C’est encore fragile. Est-ce que l’arrivée du printemps et l’assouplissement des mesures, ça va être positif pour nous? Je ne sais pas. On n’a pas encore choisi nos vacances et l’employeur émet déjà des réserves. C’est un climat négatif et lourd», explique Nathalie Perron, présidente du Syndicat des professionnelles en soins au CIUSSS MCQ (SPS-MCQ-FIQ).



Du côté de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) de la Mauricie, on estime que les travailleurs et travailleuses du réseau sont loin d’être sortis de l’auberge, notamment en raison du délestage.

«Il y a des gens qui reviennent sur leur poste de travail régulier et qui constatent que les listes d’attente se sont agrandies et que des cas qui ont dû attendre se sont dégradés. Il y a beaucoup de retard qui a été pris et ils doivent encore une fois se remettre à la tâche, relever leurs manches et rattraper ce retard», indique Pascale Leclair-Gingras, représentante nationale de l’APTS, attitrée à la Mauricie.

Du côté du Syndicat du personnel paratechnique des services auxiliaires et de métier (SPPSAM-CIUSSS-MCQ) affilié à la CSN, on confie avoir hâte que les allégements surviennent aussi dans les établissements du CIUSSS.

«Je crois qu’il est temps que les procédures sanitaires diminuent, parce que tout le monde est fatigué et aigri de ça. La patience n’est plus là. Les gens continuent à donner de bons soins aux personnes, mais le lien est moins bon avec l’employeur», estime Marie-Josée Hamelin, présidente du SPPSAM.



Nathalie Perron

Défis

Parmi les éléments les plus éprouvants de cette pandémie, les représentantes syndicales mentionnent notamment la sécurité, ou plutôt le manque de sécurité face à la COVID-19.

«Le plus gros défi, en premier, ç’a été la crainte. La crainte de l’attraper [la COVID]1, surtout qu’on n’avait pas toutes les mesures de protection en place au début. Il y a des travailleurs qui sont décédés, d’ailleurs. On a finalement appris comment se protéger, mais il a fallu aller devant les tribunaux et négocier avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour que ça se fasse», mentionne Nathalie Perron.

Cette crainte a aussi été vécue par les professionnels et professionnelles de l’APTS, qui ont été déplacés d’un endroit à l’autre pour palier aux urgences.

«Les gens se posaient beaucoup de questions: où est-ce que je vais travailler, est-ce que je vais dans un endroit où il y a beaucoup de cas de COVID, est-ce que je vais avoir les mesures de protection adéquates? Est-ce que je mets ma famille en danger?», évoque Pascale Leclair-Gingras.

Du point de vue de Marie-Josée Hamelin, un des gros défis de cette pandémie a été de se familiariser avec les mesures de prévention et de contrôle des infections.

«Les équipes peuvent passer je ne sais pas combien de fois dans une chambre pour refaire les mêmes choses dans la même journée. On arrive au travail, il faut s’habiller, se déshabiller, se rhabiller pour ressortir. Il y a plein de choses qui ont été chamboulées et on en rajoutait toujours», indique-t-elle.



«Le bon point, c’est que ça a inculqué à tout le monde l’importance du lavage des mains. Je pense que tout le monde a intégré ça dans sa façon de vivre à l’intérieur des murs des établissements», ajoute-t-elle.

Marie-Josée Hamelin

Un autre changement notable que la pandémie a apporté est la crainte des jours fériés, qui sont devenus synonymes d’une augmentation des contacts dans la population et, mathématiquement, des cas de COVID-19.

«Avant, on avait hâte aux jours fériés, on se disait qu’on pourrait se reposer. Maintenant, on se dit: ça va être l’enfer en revenant», explique Mme Hamelin.

Impacts à long terme

Une crise comme celle qu’a traversée le réseau de la santé et des services sociaux risque de laisser des traces. Il reste à savoir lesquelles et combien de temps elles seront visibles. Du côté syndical, on espère que la dimension des relations de travail sera appelée à changer, d’autant plus que la pandémie a mis en lumière la fragilité du réseau.

«On recommence une tournée de négociations, puisque notre convention collective arrivera à échéance en 2023, et si on veut faire de la rétention, il faut en faire plus. Si on veut continuer à faire rouler le CIUSSS, si on veut garder les gens avec de l’expérience sur le plancher, il faut trouver quelque chose», soutient Marie-Josée Hamelin.

Celle-ci rappelle d’ailleurs que le CIUSSS a beaucoup tardé avant de verser à ses membres les ajustements salariaux après le règlement de griefs concernant l’équité salariale et l’entrée en vigueur de leur nouvelle convention collective. Un problème que vivent également les infirmières du SPS. Nathalie Perron croit d’ailleurs que les nombreuses erreurs liées aux paies sont une preuve de plus que le CIUSSS est une entité trop grosse pour gérer efficacement tous ses employés.

«Il faut être réaliste et s’ouvrir les yeux. Elles sont dépassées, ces personnes-là (qui gèrent la paie). Un directeur général ne peut pas gérer 22 000 personnes. C’est énorme», insiste-t-elle.

Mme Perron affirme par ailleurs qu’avant la pandémie, des travaux avaient été entrepris pour décentraliser la structure du CIUSSS. Elle espère que ceux-ci reprendront sous peu.



Pascale Leclair-Gingras

De son côté, Pascale Leclair-Gingras espère que l’exposition des ratés du réseau de la santé et des services sociaux forcera le gouvernement à réinvestir dans ce secteur, qui accapare près de la moitié des dépenses faites par l’État.

«Souvent, les priorités sont mises dans la relance économique et on ne voit pas la nécessité d’avoir des conditions de travail attrayantes dans le réseau de la santé. Mais il y a quand même une volonté forte, phare, au Québec, d’avoir un réseau public et gratuit», indique-t-elle.

«La pandémie montre qu’on a besoin d’un système de santé public pour gérer des crises comme ça», ajoute la représentante syndicale.