C’est en effet à la fin mars que le Canada devra déposer son plan, en conformité avec sa Loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité — qui stipule que cette carboneutralité devra être atteinte d’ici 2050.
Avec ses objectifs quinquennaux de réduction — un engagement de l’Accord de Paris de 2015 —, ce plan vise, d’ici 2030, des réductions des GES de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005. Mais certains experts doutent que le Canada y parvienne, du moins pas sans un changement de cap majeur.
« Ce sont deux cibles en une, 2030 et 2050, alors que nous ne sommes pas si loin de 2050, et il y a un paquet de mesures qui ne sont pas assez chiffrées », affirme Simon Langlois-Bertrand, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal. L’Institut organisait justement mercredi dernier un webinaire sur la question.
La publication, l’automne dernier, du rapport de ce centre de recherche, Cap sur la carboneutralité — le jalon 2030 mettait l’accent sur les ambitions du Canada, tout en soulignant l’écart entre les stratégies de réduction annoncées et celles qui devraient être mises en place. Tardent encore : les planifications des transformations des secteurs de la production d’électricité, de la production pétrolière et gazière ou encore du transport.
La tarification du carbone, le financement d’amélioration à l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels, l’élimination progressive du charbon dans la production d’électricité d’ici 2030 : certaines mesures déjà en cours de réalisation risquent d’être plus payantes dans la course à la carboneutralité.
Malgré cela, il semblerait que la réduction des GES ne sera pas à la hauteur attendue. C’est plutôt entre 25 et 35 % de réduction que le Canada atteindra d’ici 2030, plutôt que 45 %.
Entretemps, le deuxième volume du sixième rapport du GIEC publié lundi, portant sur les impacts des changements climatiques et l’adaptation, se penchait sur les impacts au niveau régional, contrairement aux éditions précédentes de ce rapport. Et dans le cas des impacts en Amérique du Nord, il est question d’incendies de forêt en nombre accru, de hausse du niveau de la mer particulièrement sur la côte atlantique et d’une diminution de la production alimentaire en raison, entre autres, de l’acidification des océans et d’un plus grand nombre de sécheresses.
Dans ce contexte, les auteurs du rapport de l’Institut Trottier sont d’avis qu’il importe de se concentrer sur les secteurs où de fortes réductions sont possibles, mais aussi d’entamer les transformations majeures des secteurs de l’énergie. La mise en avant de l’électrification, par exemple dans le chauffage des bâtiments, doit être arrimée à un réseau énergétique national entièrement décarboné. Ce qui loin d’être le cas comme on le voit au sein des provinces qui tirent le bilan vers le bas, comme l’Alberta, la Saskatchewan et même l’Ontario. Les solutions technologiques existent pourtant, il faut les mettre en avant et faire les bons choix rapidement, pense Simon Langlois-Bertrand.
Même chose dans le transport, autre secteur très polluant, où la vente des véhicules électriques doit être poussée plus fortement. « Je ne comprends pas les chiffres qu’avance le gouvernement. Il faudrait investir beaucoup plus pour atteindre 30 % de nouvelles ventes de véhicules électriques ou 40 % des passagers. C’est très optimiste et il manque des données pour ne pas répéter les erreurs des politiques passées », note M Bertrand.
Un exercice nécessaire
Appelé à commenter ce rapport de l’Institut Trottier auquel il n’a pas participé, Mark Purdon, expert de la politique environnementale comparée, note que les chercheurs ont réalisé un bon exercice. Ce document « compare trois modèles, comme autant de boîtes noires, et montre les cibles à respecter et en quoi les technologies choisies pour les atteindre peuvent aider à le faire », poursuit celui qui est aussi professeur au Département de stratégie, de responsabilité sociale et environnementale de l’ESG UQAM.
Du côté des transports, la réduction en 2020 des émissions de GES pourrait être attribuée à la pandémie et à la réduction de la mobilité durant plusieurs mois. « Quel est l’impact de la Covid-19 sur les émissions canadiennes ? Cette réduction temporaire du transport ne reflète pas le fait qu’on a sans doute atteint un plateau, ce qui peut être difficile à accepter », soutient l’expert.
De nouvelles technologies contribueront peut-être aussi aux efforts de réduction dans l’industrie, suggère-t-il, en donnant en exemple la technologie Elysis, d’une entreprise canadienne qui assure pouvoir réduire les émissions de GES de l’industrie de l’aluminium.
Il souligne également l’importance d’évaluer la gouvernance climatique dite polycentrique — c’est-à-dire une forme de gouvernance climatique qui émerge comme alternative depuis une dizaine d’années. L’argument étant que les acteurs à plus petite échelle (villes, entreprises, organisations non gouvernementales) peuvent mener eux-mêmes les actions climatiques.
L’un des principaux défenseurs de cette approche, le chercheur de l’Université d’Oxford Thomas Hale, reconnaît cependant que peu de chercheurs ont tenté de mesurer l’impact de ces petits joueurs sur la réduction des émissions. « Mon sentiment est que ce type d’actions pourrait être beaucoup moins efficace qu’on ne le pense généralement ».