Plastic.Medusa : un monstre envoûtant venu du fleuve

L’artiste Alex Côté devant <em>Plastic.Medusa</em>, installée à l’Aquarium de Québec

Depuis mercredi, l’Aquarium de Québec accueille une nouvelle créature marine, immense et lumineuse. Constituée de 2000 déchets récupérés dans le fleuve Saint-Laurent, Plastic.Medusa, une œuvre crée par Alex Côté pour l’organisme Waterlution, danse au-dessus des visiteurs.


Suspendue entre les escaliers qui résonnent sous les pas des nombreux jeunes en sortie ou en relâche scolaire, la méduse géante frémit sous la ventilation. Des lumières LED sillonnent sa tête. Une projection vidéo l’enveloppe et l’anime.

«C’est une méduse à crinière de lion, celle qui est la plus dense, qui a le plus de tentacules, ce qui permettait de mettre plus de matière, expose Alex Côté. De loin, elle est séduisante, mais en s’approchant, on s’aperçoit que son contenu est le résultat de la pollution humaine.»



L’oeuvre est installée au milieu des escaliers, qui résonnent sous les pas des nombreux visiteurs en sortie ou en relâche scolaire.

Depuis cinq ans, le créateur multidisciplinaire filme les étendues d’eau d’ici et d’ailleurs pour se constituer une sorte de carnet de voyage aqueux, dépourvu de toute trace humaine. Un remède artistique personnel à l’écoanxiété.

Plastic.Medusa amène sa démarche plus loin, en mettant en lumière les effets de l’activité humaine et en incluant une série de gestes collectifs.

Depuis le mois d’août, le Montréalais a organisé de nombreuses collectes de déchets sur les berges et au fond du fleuve, notamment au parc national d’Oka, au parc national des Îles-de-Boucherville et au port de Québec, avec l’aide de plongeurs.

«J’ai pris le téléphone et j’ai appelé tous les organismes qui œuvrent pour nettoyer les cours d’eau», raconte-t-il. Dont Organisation Bleue, qui lui a fourni les rebuts qui lui manquaient pour porter sa méduse à terme.



Chacun des tentacules est fait de déchets retirés des eaux ou des berges du Fleuve Saint-Laurent.

Création à Baie-Saint-Paul

Résultat : en novembre, il s’est retrouvé dans l’ascenseur du Centre de production en art actuel Les Ateliers, à Baie-Saint-Paul, avec une trentaine de sacs remplis à ras bord. «L’odeur était terrible», note-t-il.

Le parfum d’ordures n’accompagne heureusement pas l’œuvre finale, qui n’a conservé que des effluves d’eau saline.

Pendant un mois, au cœur du cratère charlevoisien, il a construit les tentacules avec des bouchons de plastique, des bouteilles, des contenants de nourriture, des pailles. Des sandales, des jouets, un disque vinyle, des cartes de crédit et des lumières de Noël montrent qu’on trouve malheureusement de tout dans nos cours d’eau.

L’artiste multidisciplinaire montréalais a assemblé son oeuvre au Centre de production Les Ateliers, pendant une résidence d’un mois à Baie Saint-Paul.

Pour faire la tête, il a réutilisé des bâches de plastique transparent qui lui avait servi dans des performances et des séries de photographies.

Les rencontres avec plusieurs groupes scolaires ont nourri la création. «J’ai été surpris de l’engagement et de la curiosité des jeunes, souligne Alex Côté. Ma génération avait moins cette curiosité-là par rapport à la planète. J’ai trouvé ça rafraîchissant et encourageant pour l’avenir de partager ce processus-là avec eux.»



On trouve malheureusement des objets inusités, comme un disque vinyle, des sandales ou des gants de vaisselle, dans nos cours d’eau.

Au sein d’un discours ambiant de plus en plus alarmiste, il amenait, croit-il, une perspective ludique.

«Je venais montrer que ça peut être amusant de ramasser des déchets et de créer avec ceux-ci.»

Générer du mouvement

Avec Laurence Éthier, chorégraphe, et Helena Vallée-Dallaire, artiste visuelle — toutes deux en charge du projet chez Waterlution Canada —, celui qui est aussi acteur et performeur a développé un atelier d’expression corporelle, pour amener les jeunes à comprendre leur propre relation à l’eau.

«On sait que notre corps est composé à 60% d’eau, mais intégrer cette information dans le mouvement permet de s’en rendre compte, concrètement», a découvert Alex Côté.

Des images de ces exercices, déformées et colorées dans un logiciel, ont été incorporées au mapping final. «L’idée était que les jeunes contribuent à animer et à faire bouger l’œuvre, indique-t-il. Je voulais vraiment amener un petit côté multimédia.»

L’expérience aura aussi un impact sur ses futurs projets. «Il y a des styromousses là-dedans qui ont tellement de texture! Pour le futur, je me vois continuer d’utiliser ces ressources-là en déchargeant les environnements naturels.»

<em>Plastic.Medusa</em>, qu’on voit ici illuminée, a passé quelques semaines au Centre d’exposition de Baie Saint-Paul.

Après avoir été présentée pendant quelques semaines au Centre d’exposition de Baie-Saint-Paul, Plastic.Medusa demeurera pendant au moins six mois à l’Aquarium de Québec.

Les 5 et 6 mars, Alex Côté et ses collaborateurs animeront des ateliers autour de l’œuvre, afin d’amener les participants à développer leur réflexe de créer à partir de matériaux récupérés.