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Dans la minifourgonnette qui nous éloigne de la frontière polonaise, Vladimir me recommande fortement d’aller visiter San Miguel de Allende, au Mexique. Sa copine et lui en arrivent tout juste. C’était génial, magnifique, l’architecture, la nourriture, tout. Mais ils ont dû écourter leur voyage. Au quatrième jour de leur périple qui devait en durer seize, la Russie a envahi l’Ukraine.

Vladimir était certain que le président russe n’oserait jamais lancer cette opération, d’où le maintien des vacances mexicaines. Mais une fois que la réalité a dépassé tous les scénarios les plus fous qu’il s’était imaginé, il allait de soi qu’il devait revenir défendre son pays.

Il s’était déjà porté volontaire pour servir dans le Donbass. C’était en 2015, après les accords de Minsk, quand le conflit est tombé dans une phase de moindre intensité, après une première année de féroces combats. «Je ne savais pas me servir d’une arme et c’était la guerre, alors je voulais apprendre», explique Vladimir.

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Depuis que le gouvernement ukrainien a décrété le service obligatoire au début de l’invasion, rentrer en Ukraine signifie qu’on est prêt à prendre les armes, même qu’on le souhaite.

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Son plan pour les prochains jours est clair. Il ira reconduire Aliona dans son village natal, loin du front, puis prendra le premier train pour Kiev, la capitale, vers laquelle on rapporte qu’une colonne de tanks russes faisant 60 kilomètres est en train d’avancer.

Vladimir est en contact avec son ancienne unité de la Garde nationale. On l’attend. Il aurait pu demeurer à l’étranger, prolonger son séjour plutôt que de l’écourter. Il rentre par sens du devoir plus que motivé par un désir absolu de se battre. «Évidemment que j’ai un peu peur, dit-il. J’ai compris qu’avec lui (Poutine), on peut s’attendre à tout.»

Alors que nous roulons sur les routes de l’ouest du pays en ce début de lundi après-midi, au nord, à la frontière avec la Biélorussie, une délégation ukrainienne entame de premiers pourparlers avec des représentants russes. Vladimir ne se fait toutefois aucune illusion sur une possible fin prochaine des hostilités. «Quand les Russes négocient, c’est pour mieux attaquer par derrière.»

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Quant à Aliona, elle voudrait suivre son amoureux jusque dans la capitale, retourner à leur appartement. «Mais il ne me laisse pas y aller!» lance-t-elle, ce à quoi Vladimir répond que Kiev «n’est pas une place pour les civils en ce moment.»

Sergueï, un autre passager de la minifourgonnette, est aussi revenu précipitamment de l’étranger. Il était en voyage d’affaires quand la guerre a commencé. Il sait se battre. Il a auparavant été membre des forces spéciales ukrainiennes dans le Donbass. Sa famille est à Kryivyï Rih, une ville russophone du sud-est d’où est aussi originaire le président Volodymyr Zelensky et dont l’armée russe se rapproche dangereusement.

Il compte aller y chercher au plus vite les membres de sa famille pour les emmener à la frontière polonaise, puis y retourner pour combattre. Il a toutefois un problème sur les bras : «Au téléphone, ma famille me dit qu’elle ne veut pas partir. Je devrai les forcer à le faire.»

Conscription et aide étrangère

Le hasard d’un trajet en minifourgonnette m’a fait rencontrer Sergueï et Vladimir. Mais j’aurais pu demander à n’importe quel homme entre 18 et 60 ans qui traversait la frontière ce jour-là, leurs intentions auraient invariablement été les mêmes. Car depuis que le gouvernement ukrainien a décrété la loi martiale au début de l’invasion, rentrer en Ukraine signifie qu’on est prêt à prendre les armes, même qu’on le souhaite.

J’aurais aussi bien pu tomber sur des étrangers de pays voisins ou lointains, qui viennent prêter main-forte aux troupes rebelles. En fait, j’ai failli entrer en Ukraine avec l’un d’eux.

Un ami biélorusse qui comptait m’accompagner a annulé au dernier moment sous prétexte qu’il n’était pas encore prêt. Il m’a finalement confié que le but de son voyage n’était pas journalistique comme il me l’avait dit en premier lieu, mais militaire.

Maintenant que le régime d’Aleksander Loukachenko, auquel il s’opposait depuis des années, participait activement à l’invasion russe, il ressentait un devoir d’aller aider les Ukrainiens à vaincre la Russie. «Si l’Ukraine perd, la Biélorussie sera annexée par la Russie», raisonnait-il.

Refuser les armes

Dans la minifourgonnette en direction de Lviv, seule Lena a une histoire qui détonne. Son mari ne souhaitait pas aller au front. Pour des raisons religieuses, et parce que depuis deux ans, il est le père de leur enfant.

Elle et lui avaient imaginé une façon de sortir du pays ensemble, pour lui éviter de servir sous les drapeaux. Pendant qu’elle traverserait seule un poste frontalier, il se rendrait à un autre avec l’enfant. Ne pouvant refuser le passage à un enfant, se disaient-ils, les douaniers n’auraient d’autre choix que de le laisser quitter le pays avec son père.

La stratégie a échoué. Elle rentre donc bredouille de la frontière, sans avoir de plan pour la suite. Pour elle, il est absolument «hors de question» de partir sans son mari. Mais il lui est tout aussi impossible d’envisager retourner dans sa ville, trop près de l’actuelle ligne de front.

Les armes ne sont pas faites pour tout le monde. La guerre encore moins.

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