Par le biais de leur association professionnelle, les 700 procureurs de la Couronne participent pour une rare fois à l’exercice prébudgétaire du gouvernement Legault.
L’enjeu est important, fait valoir le président de l’APPCP, Me Guillaume Michaud. «Il semble y avoir une volonté sociale et politique de s’attaquer aux violences conjugales et sexuelles, mais il ne faut pas que ce soit une coquille vide, insiste Me Michaud. C’est beau, il y aura un cadre, mais si on ne donne pas de ressources, ça n’arrivera pas. Ce n’est pas vrai que toutes les victimes sont rencontrées au moment où il faut le faire et qu’on remplit nos obligations.»
En 2020-2021, le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait comme cible que 75 % des victimes en situation de vulnérabilité rencontrent un procureur dans le cadre des procédures judiciaires. Or, la proportion obtenue fut de seulement 57 %.
Particulièrement en matière de violence conjugale, où le volume de dossiers est très élevé, les procureurs manquent de temps pour rencontrer les victimes et les témoins, indique l’APPCP. Ils le font souvent le matin même du procès, pour à peine quelques minutes.
Procureurs «scandalisés»
Les victimes ne sont donc pas préparées adéquatement avant leur témoignage et pourraient ne pas être suffisamment outillées pour faire face au processus judiciaire, affirme l’APPCP dans son mémoire au gouvernement. «Les procureurs, qui n’ont souvent d’autre choix que de passer outre leurs directives et d’offrir un service amoindri aux victimes, sont scandalisés par la situation et plusieurs ont quitté leurs fonctions pour ces raisons, n’ayant pas le sentiment d’offrir un service de qualité», peut-on aussi lire dans le mémoire.
L’implantation du tribunal spécialisé amènera certainement une charge de travail supplémentaire, croit l’Association, «ne pouvant être redistribuée sur les épaules des procureurs qui sont déjà surchargés».
L’Association des procureurs de la Couronne calcule qu’il manque environ 75 procureurs, à l’échelle du Québec, pour offrir un service de qualité aux victimes et atteindre les objectifs visés par le Tribunal spécialisé, dont les projets-pilotes débuteront en mai, notamment à Québec.
L’ajout de ressources déjà annoncé par le gouvernement du Québec et les affichages en cours au DPCP seraient insuffisants, selon l’APPCP, qui souhaite que le dépôt du budget le 25 mars vienne enfin donner des réponses aux procureurs de la Couronne.