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Q. Peu après sa création en 2020, Six° a été présenté à Québec. Comment le spectacle a-t-il évolué depuis?

R. Un spectacle live est une chose vivante. Il évolue chaque fois que nous le faisons.

Pour ma part — parce que je fais le clown —, si je fais quelque chose de nouveau ou une erreur qui a le potentiel d’ouvrir une porte sur une nouvelle blague, je l’ajoute au prochain spectacle. Nous changeons toujours des petites choses afin de garder le spectacle frais pour nous aussi.

Durant la période plus stricte de la COVID, nous avons performé devant une foule restreinte et distancée. Les spectateurs étaient plutôt silencieux et c’était plus difficile d’avoir une réaction authentique et viscérale. Maintenant que nous avons présenté le spectacle devant un plus large public, il est de plus en plus fluide et nous réglons les détails, car, vous savez, l’art est dans les détails.

Vous ne reconnaîtrez pas ce spectacle si vous l’avez vu à l’extérieur [en 2020]. Il est fait pour être présenté à l’intérieur. C’est le même spectacle, mais il ne se ressemble pas et il ne se ressent pas de la même manière.

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La 10^eproduction de Flip Fabrique prend des allures intimes aux abords du boisé qui borde la rivière du Domaine Maizerets.

Une salle d’attente. Cinq convives, six enveloppes. En attendant l’invité qui manque à l’appel, les personnages apprennent à se connaître. Dans le décor vert hôpital, aux allures défraîchies, les artistes prennent possession de la petite scène. Porte, chaise, cadre et fenêtre, qui semblent au premier abord banal, prennent part au spectacle.

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Alors que la compagnie monte habituellement des spectacles d’une dizaine d’artistes, elle crée, avec Six°, un spectacle mystérieux, acrobatique, qui tend vers le théâtre. «C’est un spectacle de Flip Fabrique. Donc un spectacle de Flip Fabrique, ça se veut acrobatique, familial, léger, pour rigoler. Dans ce spectacle-ci, il y a une touche plus narrative. […] Est-ce que c’est notre production la plus théâtrale? Non, je ne dirais pas ça. Mais c’est définitivement l’une de nos productions les plus théâtrales», affirme Bruno Gagnon, directeur général et artistique de Flip Fabrique.

L’impact de la pandémie sur la pièce? En entrevue au Soleil, M. Gagnon se met à rire : «Comment dire…», hésite-t-il. En plein milieu de leur processus de création, l’équipe a du rapidement revoir ses plans et son concept. Avec des artistes de cirque qui ne pouvaient plus se toucher lors de chorégraphies, le travail d’Oliver Lépine, metteur en scène, n’était pas une mince affaire. «L’acrobatie prend énormément de place, mais on ne se base pas que là-dessus parce qu’évidemment les artistes ne peuvent pas vraiment se toucher», explique M. Gagnon.

Les costumes, la scénographie, les numéros, la façon de créer, tout a été revu «afin de respecter les règles de santé publique». Mais «c’est possible de le faire. C’est beaucoup plus compliqué, mais c’est possible de le faire», ajoute avec fierté le directeur général et artistique.

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Loin d’être perceptible pour le spectateur, la distanciation physique est camouflée par le jeu, les danses et les enchaînements des artistes de cirque. Avec le «maître farceur», Jamie Adkins, Jacob Grégoire, Dylan Herrera, Camille Tremblay et Méliejade Tremblay Bouchard offrent des prestations à la fois poétiques et humoristiques.

Sur la musique d’Alt-J ou la voix grave de Leonard Cohen, entre les rires francs des enfants –et des adultes, ils usent de leur corps comme d’un outil entraîné, flexible et fort. D’un simple mouvement souple et précis, ils jonglent, dansent, sautent dans le vide et font de grandes acrobaties qui épatent grands et petits.

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Malgré les 125 spectacles annulés, dont près d’une cinquantaine à l’international, Six° entamait, vendredi soir, sa tournée québécoise qui comprend une quarantaine de spectacles dans une quinzaine de villes à travers la province.

Les représentations à Québec, qui étaient offertes gratuitement par la compagnie de cirque, se sont remplies très rapidement. En effet, Flip Fabrique annonçait, 54 minutes après la mise en ligne des billets, le spectacle complet. Pour les représentations de samedi et dimanche, il est toutefois possible de s’inscrire sur une liste d’attente.

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Q. À quoi fait référence le titre du spectacle?

R. Nous jouons avec l’absence de quelqu’un ou de quelque chose pour créer une présence sur scène.

Nous sommes cinq personnages qui arrivons dans une pièce au milieu de la forêt. Six° réfère à la sixième personne qui n’est pas là. Nous ne sommes pas certains de qui ou de quoi il s’agit. Est-ce la maison? La pièce? Nous ne définissons pas vraiment ce qu’est ce sixième élément manquant. Nous laissons en quelque sorte au public le soin de compléter certaines choses.

Q. Quel a été l’un des principaux défis lors de la création de ce spectacle?

R. La réponse facile serait de dire que c’était la COVID, mais je pense que le défi de tout spectacle de cirque est de ne pas seulement faire nos acrobaties et TADAM, voilà tout. Alors, on les ancre dans un scénario qui a une certaine profondeur.

Nous tentons d’être drôles et poétiques tout en gardant l’énergie du spectacle à un certain niveau, car il s’agit d’une performance de cirque, alors à un certain point, quelqu’un va lancer une chaise, sauter du mur ou quelque chose sera utilisé pour jongler. Nous ne pouvons pas donner un sens à tout. Dans une pièce de théâtre, vous n’aurez pas un gars en train de jongler pendant trois minutes sans raison, mais au cirque, c’est tout à fait justifié.

Tout le monde s’est entraîné pendant plusieurs années pour faire ces acrobaties. Même si elles défient la mort, c’est, en fait, la partie facile. La partie difficile est de les inclure dans un scénario.

Q. Quel est votre moment préféré du spectacle?

R. Le début! J’adore comment le spectacle commence. Nous sommes à des époques différentes, mais au même endroit. Nous ne nous voyons pas au début, mais nous nous découvrons au fil du spectacle.

C’était une idée du metteur en scène Olivier Lépine afin de travailler avec les restrictions de la pandémie, mais c’est une excellente idée même sans pandémie. Si nous ne l’aimions pas, nous l’aurions changée.

Q. Qu’est-ce qui vous impressionne le plus dans les performances de vos collègues de scène?

R. Les quatre sont impressionnants à leur manière. Tout le monde apporte son énergie qui lui est propre, son sens de l’humour et sa poésie. Dylan [Herrera] est hilarant, un vrai clown! Il est d’un grand soutien. Il aide toujours quelqu’un à sauter ou à atterrir. Jacob [Grégoire] est un acrobate merveilleux et une vedette d’Instagram. Camille [Tremblay] est incroyable quand elle se tient sur ses mains. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi stable et d’aussi fort sur ses mains. Même sur une main, elle est solide comme une roche!

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Ils sont plus jeunes et ce qu’ils font est vraiment incroyable. C’est une joie de les regarder. Je suis plus vieux, alors je marche sur une corde et je jongle, des trucs comme ça, mais je ne fais plus de sauts et d’atterrissages.

Q En tant que maître farceur de ce spectacle présenté dans plusieurs pays, quels défis rencontrez-vous au niveau de l’humour?

R La comédie est culturelle. Une blague qui provoque une grande réaction dans une ville n’en provoquera aucune dans la suivante. C’est pourquoi il faut faire des choses qu’on trouve personnellement drôles. Tout ce que je fais sur scène, je trouve ça drôle et je le partage avec le public qui me répond s’il est d’accord ou pas.

Ce qui est difficile quand tu es un clown, c’est que ton but est de faire rire les gens, mais si tu essaies de les faire rire, tu n’y arriveras pas. Il n’y a rien de pire que de regarder quelqu’un qui tente d’être drôle et il n’y a rien de mieux que de regarder quelqu’un qui est drôle.

Ce que j’ai découvert, c’est qu’il faut simplement être honnête et montrer qui l’on est vraiment — sa vulnérabilité, ses peurs et ses angoisses — pour en rire plutôt que d’en être effrayé. Puis, il faut le montrer d’une manière physique, sans parler, afin que tout le monde puisse comprendre.

Les réponses ont été éditées à des fins de clarté et de concision.

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