De la Gaspésie, à Montréal, en passant par Chaudière-Appalaches, la Capitale-Nationale et le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’opposition est unanime. La position commune qui affiche la signature des 18 directeurs régionaux de santé publique du Québec a été dévoilée ce jeudi.
Refusant l’assouplissement de la norme proposée par le ministère de l’Environnement, qui permettrait une concentration de 70 ng/m3 de nickel dans l’atmosphère, ils demandent d’une même voix à ce que la norme journalière actuelle, soit celle fixée à 14 ng/m3, demeure celle en vigueur.
Dans un document cosigné d’une douzaine de pages et déposé dans le cadre de la consultation publique gouvernementale, les Directions régionales de santé publique évoquent la «nécessité d’appliquer une certaine prudence».
«Sur le site du ministère de l’Environnement […] on peut lire que l’assouplissement de la norme sur le nickel sera bénéfique pour l’environnement, la santé de la population et l’économie. […] Du point de vue des Directions de santé publique, les avantages pour la santé humaine et l’environnement n’apparaissent pas aussi évidents», disent-elles.
«Incertitudes»
Le portrait du nickel dans l’air du Québec est actuellement «incomplet», indique-t-on. C’est là l’une des raisons pour lesquelles il est jugé «préférable, dans une perspective de santé publique, de ne pas modifier à la hausse la norme journalière pour ce métal et ses composés cancérigènes».
Certaines «incertitudes scientifiques» demeurent sur ses risques. La norme actuelle serait déjà un «compromis» sur le niveau de risque cancérigène considéré négligeable, écrivent les directeurs régionaux.
Maximiser les efforts pour diminuer le plus possible la pollution atmosphérique à la source apparaît comme un scénario beaucoup plus prometteur et durable que celui proposé actuellement
Ils mentionnent aussi les «contextes régionaux» pour justifier leur position. En basse-ville de Québec, par exemple, le taux de mortalité et d’hospitalisation pour les maladies respiratoires sont plus élevés.
À proximité du port de Québec, les contaminants dans l’air sont déjà nombreux. Cette situation se présente aussi dans d’autres régions du Québec. Les effets cumulatifs de ces polluants, jusqu’ici «non considérés», ne peuvent pas être exclus, sachant que «différents métaux cancérigènes entre eux, ou encore avec d’autres expositions ont la plupart du temps non seulement des effets additifs, mais également des effets multiplicatifs et synergiques», ajoutent les experts en santé publique.
En entrevue avec Le Soleil, le Dr André Dontigny, directeur de santé publique de la Capitale-Nationale, a fait part d’un avis plus tranché sur la norme de nickel que lorsqu’il avait été invité à se prononcer en comité plénier devant les élus de la Ville de Québec, quand il affirmait que le risque du nickel pour la santé était somme toute négligeable.
«Notre position est conséquente avec une préoccupation de prudence qu’on a toujours eue [qui] touche le fait qu’on puisse nous assurer que la population de Québec, et particulièrement de la basse-ville, puisse être exposée aux contaminants de la manière la plus faible possible», précise», a-t-il prescrit.
Avantages «discutables»
Pour les directeurs régionaux de santé publique, «les avantages économiques, qui sont la principale motivation de cette proposition de modification, semblent plutôt incomplets et discutables pour justifier un rehaussement des normes nickel».
La norme actuelle sur le nickel est trop contraignante pour l’industrie, juge quant à lui le gouvernement du Québec. Les considérations économiques expliquent donc «en partie» une révision vers une norme plus permissive, mais le tout ne se ferait pas au détriment de la santé des populations, répète le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, depuis décembre.
La sortie des Directions régionales de santé publique ne fait pas plier ni le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ni son directeur national de santé publique: ils donnent toujours leur aval à la hausse de la limite de concentration de nickel.
[ Nickel: QS remet en doute l’indépendance de la direction nationale de santé publique ]