Chronique|

Les leçons de la pandémie

Pandémie ou pas, le télétravail offre des avantages non négligeables sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan personnel, écrit le chroniqueur.

CHRONIQUE / Alors même qu’il est permis d’espérer que la pandémie soit bientôt derrière nous une bonne fois pour toutes, il convient de réfléchir aux impacts que celle-ci a eus sur nous, et en particulier sur notre rapport à la nature. La question environnementale, en effet, a été quelque peu éclipsée par la COVID pendant près de deux ans, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue les immenses défis qui nous attendent au sortir de cette crise. Plus que jamais, l’urgence climatique se présente comme la grande problématique de notre temps. Mais saurons-nous y faire face? Et si la pandémie pouvait nous y aider?


On a un temps cru que la pandémie serait bénéfique pour l’environnement, mais ça ne fut malheureusement pas vraiment le cas. Pas assez, du moins. En effet, en 2020, en dépit du confinement, nous avons produit près de 92% des émissions que nous avions produites en 2019. La diminution est donc bien réelle, mais elle n’est malheureusement pas suffisante pour nous sortir du bourbier dans lequel nous sommes enfoncés. Cela signifie que si nous souhaitons vraiment prendre le problème environnemental au sérieux, nous devrons faire preuve de courage et d’ambition.

Zoonoses et pandémie



Peu de gens le savent, mais il y a un lien direct entre la crise climatique et le risque de pandémie. En effet, les changements climatiques et la déforestation favorisent la propagation des zoonoses, ces maladies animales transmissibles à l’être humain. Or, il s’avère justement que la COVID-19 est une zoonose, tout comme le virus Ebola et la grippe aviaire.

Pour limiter la propagation de ces maladies, il faudrait avant tout cesser de détruire ou de perturber les écosystèmes en place. Mais comment faire? Concrètement, cela passe par une meilleure utilisation des terres agricoles. Il faut limiter notre expansion et la déforestation que cela entraîne. Et puisque nos besoins en ressources alimentaires ne sont de toute évidence pas près de diminuer, nous devons forcément repenser notre manière de produire et de consommer.

Récemment, un article publié dans The Economist affirmait que si nous adoptions tous un régime végétalien, nous pourrions réduire de 76% l’utilisation des sols et ainsi améliorer notre empreinte écologique. Et c’est sans parler des problèmes environnementaux liés à l’élevage, notamment en ce a trait aux émissions de gaz à effet de serre. Évidemment, il n’est pas question d’imposer le végétalisme à tout le monde, mais si nous faisions tous l’effort de réduire considérablement notre consommation de viande et de produits d’origine animale, cela pourrait faire une réelle différence.

Le fait est qu’à défaut de prendre ce virage, nous nous exposons à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des pandémies comme celle que nous venons de traverser. C’est pourquoi je dis toujours que la fin de la pandémie ne doit pas signifier un retour à la «normale», car c’est justement cette normalité qui nous mène actuellement droit dans le mur. Bref, il ne tient qu’à nous de faire ce qui doit être fait afin d’éviter cela.



Le télétravail

Pour plusieurs d’entre nous, la pandémie aura aussi été l’occasion d’expérimenter le télétravail. Certaines personnes ont apprécié, d’autres moins, mais chose certaine, il me semble que nous devrions y réfléchir à deux fois avant de remiser cette option pour de bon.

Pandémie ou pas, le télétravail offre des avantages non négligeables sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan personnel. En limitant les déplacements en voiture (et autres moyens de transport), le télétravail permet effectivement de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Et sur le plan personnel, cela permet aussi d’économiser temps et argent. Bref, je ne vois aucune bonne raison d’exiger d’une personne qu’elle se déplace pour venir travailler alors qu’elle peut le faire depuis chez elle.

Pour le meilleur et pour le pire, la pandémie aura été porteuse de grands chamboulements, mais aussi de certaines leçons. Elle nous a fait prendre conscience qu’un autre monde est possible et qu’il faut parfois oser penser en dehors de la boîte.

Retour sur les camionneurs

En terminant, je voudrais brièvement revenir sur ma dernière chronique au sujet des camionneurs, laquelle a suscité son lot de réactions – la plupart positives, mais certaines négatives. Parmi les commentaires négatifs, on m’a surtout reproché d’être naïf et un peu trop complaisant à l’endroit des camionneurs. On m’a aussi fait remarquer que derrière leurs revendications officielles se cachent d’autres desseins beaucoup moins nobles.



Bref, j’aurai certainement l’occasion d’y revenir dans une chronique ultérieure, mais je crois que ces manifestations sont l’expression d’un malaise démocratique profond qui mériterait une attention toute particulière, notamment de la part de nos «élites». Tourner tout cela en ridicule en le balayant d’un revers de la main est trop facile et ne nous avance forcément à rien.

Historiquement, la désobéissance civile a été mise en œuvre par certains illustres personnages comme Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Loin de moi l’idée de comparer madame Harriot avec ces géants de l’histoire, mais il n’en demeure pas moins que le principe est le même, à savoir le refus assumé et public de se soumettre à une loi ou un règlement jugé inique par celles et ceux qui le contestent. Autrement dit, il s’agit d’exposer ses doléances de manière forte (active), mais pacifique, en refusant de coopérer avec un pouvoir que l’on considère comme illégitime.

Évidemment, une telle démarche peut engendrer des conséquences (amende, emprisonnement, etc.), mais cela fait aussi partie du processus. En acceptant d’être sanctionnée publiquement pour son acte de transgression, la personne cherche à mettre en lumière l’absurdité ou l’immoralité de la loi ou du pouvoir en place. Quoi qu’on puisse en penser, cette démarche a donc le mérite de susciter la réflexion et le débat dans une société qui en a bien besoin. En ce sens, je suis d’avis que l’initiative de madame Harriot était certainement pertinente, ou à tout le moins légitime.

Maintenant, parlons des camionneurs et du «convoi de la liberté». Cela ne surprendra personne si je dis que je suis en profond désaccord avec la plupart de leurs revendications. Néanmoins, je reconnais ici aussi la légitimité de leur démarche et je déplore les moqueries et le mépris dont ils ont été l’objet. Certes, il y avait dans le lot quelques drôles de spécimens, mais évitons les généralisations et les amalgames faciles. Réduire cette manifestation à un rassemblement d’anti-vaccins et d’anti-science, comme l’a fait Justin Trudeau, est bien en deçà de la vérité et ne sert aucunement le débat public.

Que l’on soit d’accord ou non avec eux, force est de reconnaître que les camionneurs ont su canaliser les préoccupations et le ras-le-bol d’une part non négligeable de la population. Ne serait-ce que pour cette raison, je crois que leur initiative aurait mérité un peu plus de respect et de considération, notamment de la part de la classe politique. À ce propos, je déplore profondément l’attitude de Justin Trudeau, dont les propos n’auront finalement servi qu’à alimenter le cynisme et la division. Je ne m’attendais évidemment pas à ce qu’il donne raison aux manifestants, mais il aurait tout de même pu faire preuve d’un peu plus d’ouverture et d’empathie. Quand des gens prennent la peine de parcourir des milliers de kilomètres pour venir manifester, ce n’est certainement pas que pour «rouspéter».

Dans le même ordre d’idée, et au risque de vous surprendre, je dois dire que j’ai ressenti un malaise similaire lorsque Justin Trudeau (encore lui) a traité les fêtards du vol de Sunwing d’Ostrogoths. Sur le coup, j’ai trouvé ça drôle, mais après je me suis demandé s’il était approprié qu’un premier ministre s’adresse ainsi à ses propres citoyens. Selon moi, la réponse est non. Qu’on me comprenne bien, je ne cherche pas à excuser les fêtards ni à cautionner leurs gestes, mais je ne suis cependant pas convaincu que cela méritait une telle répudiation publique. Du moins, pas de cette façon.

Tout cela me semble symptomatique d’une société qui est devenue de plus en plus incapable de réfléchir et de débattre calmement. Non sans raison, nous sommes individuellement et collectivement à bout de souffle et nous nous cherchons parfois des coupables. Dans ce contexte, les voyageurs-influenceurs, les camionneurs et les non-vaccinés sont devenus des cibles toutes désignées et la tentation est forte de leur taper dessus afin d’exorciser nos démons. Moi-même, je me suis parfois laissé prendre au jeu. Mais, en fin de compte, est-ce vraiment utile et constructif?

Au-delà des désaccords, je crois qu’il serait temps que nous réapprenions à nous parler, et plus encore à nous respecter. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec les camionneurs et avec madame Harriot, mais je reconnais leur droit à la dissidence et leur liberté d’expression. J’irais même plus loin en les remerciant de nous donner l’occasion de réfléchir et de débattre à propos d’enjeux aussi importants que la gestion de la pandémie et le bien-fondé (ou non) de certaines mesures sanitaires. Ainsi, en mettant de côté nos préjugés et les éléments les plus radicaux présents dans chaque camp, je demeure confiant que nous puissions rétablir les ponts et retrouver un climat social plus acceptable.