Reconnu mondialement pour ses découvertes en chimie bioorganique, Normand Voyer se distingue aussi par son aptitude à vulgariser la science. Depuis 2007, il a offert plus de 325 représentations de La chimie de l’amour, une conférence qu’il adapte à différentes audiences — des ados du secondaire aux adultes.
En 15 ans, les questions sur l’amour avec un grand A n’ont pas tellement changé, souligne le chimiste. «La question qui revient vraiment souvent c’est : “Comment je sais que cette personne-là est vraiment LA bonne personne, avec qui je serai toute ma vie?” Est-ce qu’il y a une façon de savoir si ça va fonctionner, si ça vaut la peine de s’investir ou pas? On pense qu’avec les nouvelles technologies on est capable de prédire scientifiquement si ça va marcher… Eh bien non, ce n’est pas encore le cas», explique M. Voyer.
«Si je connaissais LA molécule qui permet de dire que cette personne-là est en amour avec celle-là et que ça va marcher, je prendrais un brevet et je deviendrais millionnaire, et Tinder serait en faillite!» En effet, à quoi serviraient alors les applications de rencontre?
Coup de foudre
Si l’amour comprend sa part de «magie», la chimie permet néanmoins de comprendre différents phénomènes, dont le fameux coup de foudre. Ou plutôt LES coups de foudre. Quatre molécules en sont responsables : la phénéthylamine, la dopamine, la norépinéphrine et l’adrénaline, dite «molécule de l’urgence» — c’est elle qui fait augmenter notre rythme cardiaque et notre pression artérielle, faisant notre cœur battre la chamade et notre visage devenir rouge comme une tomate!
«Le coup de foudre, c’est chimique. Tu ne peux pas l’empêcher. On en a à répétition dans notre vie, dans n’importe quelles circonstances, même en couple, même si on est heureux. Mais ça ne dure pas», signale Normand Voyer, comparant le coup de foudre à une drogue.
Avec le temps, notre cerveau s’habitue. Au bout de quatre ans, il n’y a plus de traces des molécules qui ont causé le coup de foudre, indique le chimiste, précisant que des études scientifiques s’étaient penchées là-dessus.
Mais, comme pour les drogues, certaines personnes deviennent accros. «Des coups-de-foudre-aholic, ça existe! Des personnes qui ont besoin du buzz que ça leur procure, qui ne se sentent pas bien quand ça fait trop longtemps qu’elles sont en couple», mentionne Normand Voyer. Ces personnes peuvent décrocher après 18 mois environ, quand la concentration des molécules responsables du coup de foudre commence à diminuer dans le cerveau.
«Quand le coup de foudre disparaît, ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas rester ensemble là! Il y a d’autres substances chimiques qui vont prendre la relève, dont l’ocytocine, “l’hormone de l’attachement”. C’est elle qui va créer un lien profond et durable entre deux personnes», indique le professeur à l’Université Laval.
Si je connaissais LA molécule qui permet de dire que cette personne-là est en amour avec celle-là et que ça va marcher, je prendrais un brevet et je deviendrais millionnaire, et Tinder serait en faillite!
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Les sens en alerte
Peut-on avoir un coup de foudre sur un site ou une application de rencontre? La réponse est non. «Tinder et compagnie, c’est une première étape, mais tu ne peux pas avoir un coup de foudre sur Tinder, prévient Normand Voyer. Tu peux faire une présélection des personnes qui t’intéressent selon leur physique, leur profil… Comme dans un bar, ton regard va se porter sur certaines personnes.» Mais en fin de compte, ça prend une rencontre «en présentiel» — un mot bien de notre temps.
Peut-on être charmé par un parfum, une odeur? «Bien sûr! On sait depuis longtemps que les odeurs ont un impact sur notre cerveau, sur notre comportement. Quand tu rentres dans la bulle d’une personne qui t’intéresse et que tu sens son odeur corporelle, elle va avoir un impact sur toi, positif ou négatif, et ça va renforcer ou anéantir ce que tu ressentais», souligne le chimiste.
L’odeur corporelle est toutefois bien souvent camouflée par toutes sortes d’autres odeurs : shampooing, désodorisant, parfum… «C’est difficile de dire qu’une odeur est aphrodisiaque. Les compagnies testent des milliers de composés chimiques qui peuvent avoir un impact sur le cycle hormonal, sur la sécrétion de testostérone qui est l’hormone du plaisir, pour trouver LA molécule qui va avoir un impact. Mais c’est bien plus compliqué que ça!»
Et du côté des aliments, certains sont-ils aphrodisiaques? Ce qu’on mange a effectivement un impact sur notre corps, mais il faut mettre les choses en perspective, indique Normand Voyer. «On peut se mettre dans de bonnes dispositions : on sait que tout ce qui est relevé va nous faire suer, et dans la sueur il y a des molécules qui ont un effet aphrodisiaque. Donc un tartare relevé, c’est bon. Une petite dose de champagne aussi, pas plus que deux coupes, c’est suffisant pour stimuler la production de testostérone chez l’homme et la femme», révèle le scientifique.
Il recommande aussi le fromage, en particulier la mozzarella, très riche en tryptophane, un acide aminé qui fait augmenter notre taux de sérotonine, «la molécule du bonheur».
Et le chocolat? Il se fait détrôner par… la tarte à la citrouille! L’odeur de ce dessert fait augmenter le flot sanguin de 40% dans les zones érogènes — beaucoup plus que l’odeur de la pizza aussi aphrodisiaque, signale M. Voyer. On prend des notes pour la Saint-Valentin… ou le Super Bowl!