Quelle science justifie l’augmentation de la norme sur le nickel?

Le quartier Limoilou

POINT DE VUE / Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) propose d’assouplir la norme d’émission journalière de nickel d’un facteur cinq en soutenant se baser sur des experts indépendants, notamment sur le rapport de la titulaire de la Chaire d’analyse et de gestion des risques toxicologiques (CARTOX). Il faut savoir que cette chaire «philanthropique» est en privé financée, entre autres, par des compagnies minières, soit Alcan (Rio Tinto), Noranda (maintenant Glencore) et le puissant consortium Eurometaux qui se définit comme «la voix européenne décisive des producteurs et recycleurs de métaux non ferreux».


Il ne s’agit pas de soulever des doutes en regard de la probité des chercheurs qui déclarent tous dans leurs publications qu’ils ne sont pas influencés par les donateurs. Cela dit, il a été documenté par d’autres chercheurs que dans différents secteurs, les conclusions des chercheurs financés par l’industrie tendent à être corrélées avec les intérêts de l’industrie.

Les scientifiques répondent aux questions qui leur sont posées. Dans le cas du rehaussement de la norme sur le nickel, les risques qui ont été analysés ne traitent que de la toxicité (comment les animaux réagissent) et de l’épidémiologie (l’analyse des impacts sur les populations en général). Il manque à cette étude un aspect crucial, l’état des populations qui seront affectées. Ce n’est pas tout de dire la vérité; il faut dire toute la vérité.

En réalité, cette norme affectera particulièrement la population de la basse-ville de Québec, pour la raison qu’elle a été davantage touchée par la pollution atmosphérique au fil des ans et que c’est une population particulièrement défavorisée. Il faut savoir que le nickel transite deux fois dans le port de Québec et depuis des années, il y a des dépassements journaliers fréquents des normes sur ce métal. Résultat: comparée à l’espérance de vie des populations des autres quartiers de Québec, celle de la population de la basse-ville est moindre de six ans.

En regard d’avis sur les normes, en 2010, Claude Viau , ancien directeur de CARTOX, mentionnait dans un article paru sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) «Aspects éthiques de l’appréciation du risque toxicologique» ce qui suit: «Les spécialistes de l’analyse de risque se penchent d’ailleurs de manière sérieuse sur la façon de tenir compte des populations susceptibles». Cette dimension n’a aucunement été prise en compte dans les études présentées. En fait, le MELCC ne tient pas compte de la situation de la population particulière touchant la population de la basse-ville de Québec.

À l’évidence, le MELCC ne prend de la science que ce qui fait son affaire. Les citoyens ne sont pas dupes des tractations du ministère avec l’industrie en choisissant des scientifiques liés à cette industrie et en omettant de le dire.

La grande question est de savoir si la Santé publique aura l’indépendance qu’elle prétend et défendra véritablement la santé des citoyens dans le mémoire qu’elle compte déposer sur le projet de règlement. Sa crédibilité auprès des citoyens en dépend.

Martial Van Neste est vice-président du conseil de quartier Maizerets et représentant citoyen dans le comité aviseur du projet Mon Environnement Ma Santé de la Santé publique