Intérêt marqué des étudiants en pharmacie de l’Université Laval pour les cours à distance

L'Université Laval

Craintifs d’avoir à suivre leurs cours dans des salles bondées en cette période de pandémie, en plus d’être sollicités pour prêter main forte dans les centres de vaccination, de nombreux étudiants en pharmacie de l’Université Laval réclament de pouvoir suivre leurs études à distance pendant le reste de la session d’hiver.


Dans la foulée d’un récent reportage du Soleil sur les étudiants universitaires qui préfèrent les cours en ligne à ceux en présence, l’un d’eux nous a contactés pour dénoncer le manque d’écoute des dirigeants de sa faculté. La jeune femme a préféré rester anonyme pour «ne pas subir le mécontentement de la direction de mon programme».

Plusieurs ne veulent même pas prendre le risque de se faire dépister pour ne pas manquer de cours. On se retrouve possiblement en contact avec des personnes contaminées. C’est la saison des rhumes et des grippes. Plusieurs étudiants toussent et se mouchent dans les cours. Chaque fois que ça se produit, tout le monde fige et se demande si la personne est positive à la COVID



La crainte est d’autant plus grande que l’étudiante dit compter des personnes «vulnérables» dans son entourage. Pire, des membres de sa famille sont même décédés du COVID. «Cela ne semble pas avoir été pris en compte par notre faculté, malheureusement, alors que nous sommes supposés être des promoteurs de la santé.»

Plus de flexibilité

Les étudiants ont fait part aux dirigeants de leurs doléances et besoins, mais notre interlocutrice avoue ne pas avoir perçu une oreille attentive. «On nous dit qu’il y a plus de personnes en situation d’échec avec les cours à distance. On comprend de vouloir les aider, mais on se dit qu’on pourrait permettre à ceux-là de retourner en classe, tout en permettant à ceux qui le veulent de suivre leurs cours à distance. On veut juste avoir plus de choix, plus d’options, plus de flexibilité. Plusieurs classes sont déjà équipées pour offrir les cours en co-modal, alors il n’y a pas d’excuses valables. On trouve ça un peu frustrant, comme si on nous donnait des excuses non fondées.»

Cette session-ci, la jeune femme doit se déplacer pour assister en classe à chacun de ses six cours. Comme les deux étudiantes interviewés samedi dans Le Soleil, elle aussi estime perdre beaucoup de temps dans les transports pour se rendre sur le campus. «Ce temps-là, je pourrais le prendre pour faire des choses pour moi, ne serait-ce que lire un livre.»

Pour l’avenir

Joint en fin de journée, mercredi, le président de l’AGEP, Kevin Demers, a indiqué que la demande pour obtenir davantage de cours à distance visait deux objectifs, soit accommoder les étudiants en pharmacie sollicités pour intégrer les cliniques de vaccination et pallier la pénurie de main-d’oeuvre dans les pharmacies, mais également permettre aux étudiants touchés par la pandémie de poursuivre leurs études en ligne. «On s’attendait à une session d’hiver parsemée de cas de COVID. On voulait s’assurer que ces étudiants puissent avoir accès à leur éducation.»

Si le représentant étudiant n’a pas senti que la faculté voulait offrir de cours à distance cette session-ci, il a par contre vu une «ouverture» pour le futur. «On voulait ouvrir une discussion sur les modalités d’enseignement dans l’avenir, ce qu’on a réussi à faire.»

Aucune plainte

Pour sa part, dans un courriel envoyé en fin de journée, mercredi, la direction des communications de l’Université Laval confirme que des «échanges» ont eu lieu entre la direction de la Faculté de pharmacie et l’Association étudiante du programme de premier cycle de cette faculté, l’automne dernier, au sujet du mode d’enseignement des cours. «Depuis la rentrée, le 10 janvier, ni la direction (…) de la Faculté n’ont reçu de plainte de l’AGEP au sujet des cours en présentiel», précise-t-on.

L’Université rappelle qu’un «plan de repli» a été déployé du 3 au 30 janvier dernier. «Les cours qui avaient été offerts temporairement à distance sont, depuis le 31 janvier, de nouveau offerts selon la formule d’enseignement initialement prévue lors de la mise à l’horaire.

L’établissement a tenu à rappeler qu’il applique les «consignes spécifiques à l’enseignement supérieur» prévues par le gouvernement du Québec, dont la distanciation physique entre les étudiants et le port du masque.

L'Université Laval

«J’habite dans Limoilou. Je dois me lever vraiment tôt pour prendre l’autobus. Ça me prend environ 45 minutes pour me rendre à l’université et un autre trois quarts d’heure pour revenir. Je n’ai plus d’énergie après ça pour faire autre chose», explique l’étudiante de 23 ans.

En suivant ses cours à distance, dans le confort de son appartement, Justine croit que le temps perdu dans ses déplacements serait mieux investi à suivre davantage de cours par session.

D’entrée de jeu, la jeune femme reconnaît qu’elle n’est pas quelqu’un de «très sociable et d’extroverti», en plus d’être affectée par un trouble de déficit de l’attention. 

Elle ne cache pas son malaise «d’être obligée d’être dans une classe de 200 personnes, surtout en période de COVID. On était collés ce matin [mercredi], on avait nos masques, mais quand même… Pour les travaux d’équipe, on avait tous nos masques, mais je n’entendais pas ce que les autres disaient.»

«Ça m’aide d’être chez moi, ­poursuit-elle. Je n’ai pas de distraction. Je peux juste me concentrer sur ce que le professeur dit. Les travaux d’équipe, ça peut se faire en Zoom. Les examens, ça engendre un stress de les faire en présence.»

Sur la page Facebook Spotted Université Laval, le commentaire de Justine voulant que «ce soit [son] plus grand rêve de continuer de même» lui a valu une centaine d’appuis. «J’ai eu un seul cours en présentiel à la dernière session et j’étais presque mal à l’aise d’avoir autant de contacts humains», écrit Maud. «J’ai souvent mieux réussi mes cours à distance qu’en présentiel», renchérit Fatou.

Aucun problème

Sur le même site, Aurélie Esculier, bientôt 27 ans, n’a pas caché sa préférence pour l’enseignement en ligne. L’étudiante en travail social n’a assisté à aucun cours en présence en cinq sessions et aimerait qu’il en soit ainsi pour le reste de ses études supérieures. «Il n’y a aucun problème. J’aime vraiment ça, les cours à distance, ce n’est pas une blague, et je ne suis pas la seule. Je ne connais personne dans mon entourage qui déteste ça», témoigne-t-elle au Soleil.

C’est plus facile de suivre des cours asynchrones. Je peux les suivre quand je veux, je n’ai pas d’horaire. Je peux partir une brassée de lavage, préparer le souper. Je ne suis pas prise dans le trafic ni obligée de sortir au froid.

Les interactions avec les autres étudiants, l’ambiance du campus, la vie estudiantine, tous ces à-côtés qui font le sel de la vie universitaire, ne manquent pas à l’étudiante originaire de la capitale. 

«Pour ma vie sociale, j’ai mes amis du secondaire, mon amoureux, ma famille. Mais je peux comprendre que pour quelqu’un qui arrive d’une autre ville ou de l’étranger et qui ne connaît personne à Québec, ça peut être difficile pour l’intégration.»

Recherche d’un équilibre

Le retour en classe, avec masques et autres mesures sanitaires, a eu lieu lundi à l’Université Laval. Lentement, les cours en présence redeviennent la norme chez les quelque 46 000 étudiants à temps plein et temps partiel. «Grosso modo, nous sommes à 10 % de la proportion de cours en présence que nous avions avant la pandémie», explique Robert Beauregard, vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes.

Avant la crise sanitaire, rappelle-t-il, Laval était l’établissement universitaire canadien qui offrait le plus de crédits-cours en ligne, soit 26 %. «Ça fait de 12 à 15 ans qu’on investit dans la flexibilité des modalités d’enseignement. On ne veut pas devenir une TELUQ 100 % en ligne, ce n’est pas du tout notre objectif», explique-t-il au Soleil. L’enseignement en présence est très important. L’expérience du campus et de l’interaction ont beaucoup de valeur en soi, mais on conçoit qu’il y a pas mal d’étudiants qui ont des besoins différents et pour qui la formation en ligne a aussi beaucoup de sens.»

Pour le vice-recteur, le choix de suivre ses cours en ligne ou en présence demeure une «affaire de préférences individuelles». Chacun y voit des avantages selon son mode de vie. «Il faut comprendre que 80 % de nos étudiants travaillent à temps partiel, donc c’est sûr que l’enseignement en ligne leur permet d’avoir plus de flexibilité dans leur horaire et de progresser à leur rythme, surtout lorsqu’il s’agit de cours asynchrones.»

Le défi reste à trouver le meilleur équilibre entre les différents modes d’enseignement. Cours en classe, cours présentiel hybride (en présente et à distance), cours à distance-hybride, cours à distance asynchrone (cours à distance que l’étudiant peut suivre à son rythme), cours à distance synchrone (cours à distance à heure fixe et en temps réel) et cours comodal (donné à distance et en classe de façon simultanée), étudiants et professeurs ont vu l’enseignement emprunter de nouvelles avenues depuis deux ans avec l’essor des technologies audiovisuelles.



Nous sommes à la recherche d’un équilibre post-pandémie entre les cours en présence et à distance. Chaque programme a ses impératifs. Enseigner en médecine dentaire, ce n’est pas comme enseigner en marketing.

«On mène des réflexions avec les comités de programmes, les professeurs, les chargés de cours et les étudiants pour voir comment on peut offrir une flexibilité.»

«Il y a beaucoup de préjugés par rapport à la formation en ligne, poursuit-il. Il y a plusieurs étudiants et professeurs qui n’avaient pas eu de formation en ligne avant et qui l’ont vécu parce qu’ils n’avaient pas le choix. Il y en a qui ont trouvé que ça se déroulait très bien. Il y en a un paquet, par contre, qui vit de l’isolement et préfère de beaucoup les interactions en personne. On est encore en pandémie, alors il y a des gens qui se sentent plus en sécurité chez eux.»

Flexibilité

À la Confédération des associations d’étudiants et d’étudiantes de l’Université Laval (CADEUL), le conseiller politique et attaché de presse Jérôme Godbout indique que si des critiques s’élèvent dans «certaines autres universités» sur le retour des cours en présence, le regroupement n’a «pas eu vent de ce type de problème».

«Ce que nous demandons à l’administration pour les professeurs est d’être flexible, explique-t-il dans un échange de courriels. Pour l’instant, plusieurs semblent faire en effet preuve de beaucoup de flexibilité en adaptant les cours pour les conditions particulières.»