Une professeure de l’UQTR intente un procès pour plagiat

Sylvie Deslauriers, professeure au département de sciences comptables à l’UQTR.

Un procès pour plagiat s’instruira en mai au palais de justice de Québec. Professeure au département des sciences comptables de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Sylvie Deslauriers intente en effet un procès contre quatre professeurs de l’UQAR et un professeur de l’UQAC qu’elle accuse de s’être servis sans sa permission de ses travaux et de ses publications pour créer un outil d’apprentissage qu’ils auraient ensuite vendu à l’Ordre des comptables du Québec.


L’Ordre a refusé de répondre à nos questions, le cas étant devant les tribunaux.

La professeure Deslauriers raconte s’être aperçue de ce qu’elle considère comme un plagiat à l’occasion d’une conférence à laquelle elle a assisté en 2019 à Ottawa. Les cinq professeurs, selon elle, y ont présenté une conférence portant sur un outil d’apprentissage représentant un portfolio numérique sous format .xlsm ainsi qu’un exposé intitulé «Partager des idées novatrices pour l’enseignement de différentes disciplines en comptabilité».



Mme Deslauriers raconte avoir tout de suite reconnu la méthode et le travail qu’elle avait elle-même bâtis, au fil de sa carrière, et publiés dans un volume intitulé «Comptabilisez vos succès: Le guide à la rédaction de cas.»

Selon elle, la majorité des idées véhiculées dans le portfolio présenté par les cinq professeurs à la conférence étaient tirées directement de son volume et de ses travaux, mais sans sa permission, affirme-t-elle.

Selon elle, les conférenciers en question avaient aussi repris, sans jamais dévoiler leur source, les mêmes thèmes que le fichier employé par l’UQTR pour faire le suivi des résultats pour les étudiants du MBA-DESS CPA.

Il faut souligner d’entrée de jeu que dans le milieu de la comptabilité québécoise, la professeure Deslauriers, possède un grand renom. Au fil de sa carrière amorcée en 1988 à l’UQTR, elle a reçu pas moins d’une quinzaine de prix pour ses réalisations professionnelles.



Parmi ces nombreuses distinctions, elle est récipiendaire de la Médaille de l’Université du Québec 2020. Elle a également remporté le Concours national Howard-Teall sur l’innovation de la comptabilité de l’Association canadienne des professeurs en comptabilité. Elle est correctrice de l’Examen final commun de CPA Canada depuis 1985 et compte des dizaines de publications pédagogiques et scientifiques à son actif.

Sylvie Deslauriers a également oeuvré à titre de formatrice auprès d’un grand nombre d’organisations. Dès la fin des années 1980, elle s’intéresse tout particulièrement à l’apprentissage par cas et développe, au fil des ans, une méthode unique qu’elle appelle d’ailleurs la méthode Deslauriers.

À la fin des années 1990, elle couche sur papier cette méthode qui, au cours de l’année 2000, sera adoptée comme ressource obligatoire dans toutes les universités francophones du pays.

Ce document lui vaut d’ailleurs une mention d’honneur du ministère de l’Éducation en 2003. La septième édition de cet ouvrage paraîtra cette année.

En 2019, toutefois, elle constate que sa méthode a été plagiée, selon elle, par des professeurs d’autres universités.

Sylvie Deslauriers leur a donc d’abord demandé que justice lui soit rendue en inscrivant son nom en premier, dans leur portfolio d’apprentissage, devant les autres noms, et ce, pour une période de cinq ans.



Au départ, elle ne demande pas de compensation financière pour l’usage non autorisé de ses travaux.

Devant le rejet de sa demande, toutefois, Mme Deslauriers a décidé d’aller plus loin et demande désormais aussi une compensation financière.

Dans la défense qui sera présentée au tribunal, en mai, les cinq professeurs affirment avoir développé le portfolio au terme d’un sondage réalisé auprès d’étudiants. Ils plaident avoir ensuite procédé à l’identification des outils disponibles puis, en 2017, au développement du portfolio. À l’aide d’un ingénieur informaticien, ils ont adapté leur prototype préliminaire en format Excel simple qu’ils ont bonifié au fil de huit séances de consultation et de tests.

Les professeurs mis en cause assurent avoir développé leur portfolio «de manière entièrement indépendante de quelconque ouvrage» de Mme Deslauriers peut-on lire dans le document de la partie défenderesse auquel leur avocat, Me Nicolas Sapp, a référé Le Nouvelliste.

Le document plaide que de toute façon, la méthode d’enseignement n’est pas «protégeable» par le droit d’auteur, car «le droit d’auteur ne donne pas à l’auteur d’une œuvre le monopole sur les idées ou sur les éléments qui relèvent du domaine public.»

La directrice du service des communications de l’UQAR, Anne-Sophie Lebel, indique que ni l’UQAR, ni l’UQAC n’accorderont d’entrevue sur le sujet.