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Si le comité plénier organisé par la Ville de Québec a permis aux élus de réentendre les positions déjà exprimées par différents acteurs dans le débat sur l’assouplissement de la norme de nickel, l’industrie a utilisé la tribune pour se défendre.

Souvent critiquée pour ses activités dans le port de Québec, l’entreprise Glencore s’est présentée jeudi avec des arguments pour défendre la hausse de la norme proposée par le gouvernement Legault. Photos à l’appui, la directrice des affaires publiques de la Mine Raglan pour Glencore, Amélie Rouleau, a pointé que le transbordement se fait toujours à couvert.

«Depuis 2019, il n’y a uniquement que nous [au port de Québec] et c’est des installations fermées depuis longtemps», a-t-elle expliqué. Glencore transige par Québec depuis plus de 60 ans.

La norme actuelle est «trop sévère», non pas pour des raisons économiques, mais pour une question «d’acceptabilité sociale», ajoute Mme Rouleau. «Avec la norme, actuellement, on voit des dépassements, qui amènent un signal erroné que la santé [de la population] est possiblement en jeu. Pour nous, l’enjeu d’acceptabilité sociale est extrême», observe-t-elle.

Parce que les dépassements de la norme envoient le message qu’on «pointe l’industrie du doigt» et génèrent des «préoccupations injustifiées» dans la population. Une «chasse aux sorcières» s’enclenche chaque fois pour trouver le coupable, déplore Mme Rouleau. «Ça amène juste un sentiment sur les populations avoisinantes qui ne devrait pas exister».

«Pour nous c’est important d’éviter de créer une fausse alerte sur des activités», ajoute le directeur des relations gouvernementales et des communications chez Glencore, Alexis Segal.

Glencore juge donc nécessaire de changer la norme depuis qu’elle est en vigueur, parce que le 14 ng/m³ permis se compare à «une pincée de sel dans une piscine olympique». «Est-ce que vous pensez que l’eau de la piscine va être salée? Non», illustre Amélie Rouleau.

La présentation fait partie de celles qui ont suscité le plus de questions de la part des élus de l’hôtel de ville. Certains ont même dit que l’entreprise jouait la carte de la «victime».

Parmi, les autres intervenants invités, plusieurs avaient déjà fait part de leur position dans les dernières semaines.

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MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Le gouvernement du Québec souhaite autoriser à l’industrie de quintupler la concentration quotidienne de nickel dans l’air en la faisant passer de 14 ng/m3 à 70 ng/m³.Pour l’instant, la norme sur le nickel est «plus contraignante» au Québec qu’ailleurs dans le monde et dans le reste du Canada, ce qui pourrait, dans le futur, avoir pour effet de «réduire l’attractivité du Québec en matière d’investissements additionnels dans le secteur du nickel», présente le ministère.

Pour établir ces nouvelles limites, le sous-ministre adjoint au ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques(MELCC), Jacob Martin-Malus assure que le «principe de précaution» a été respecté. Il soutient que les différentes études et rapports menés par des experts démontrent que les risques sur la santé des populations devraient être «négligeables». Sur la population d’environ 100 000 personnes à Limoilou, cela représenterait «moins d’un cas potentiel de cancer lié aux émissions de nickel».

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C’est ce que soutient le Parti québécois (PQ) qui interpelle le ministre de l’Environnement, Benoit Charette.

Le gouvernement caquiste veut en effet augmenter la norme de particules de nickel dans l’air pour la faire passer de 14 à 70 nanogrammes par mètre cube par jour.

Dans une lettre transmise au ministre de l’Environnement, Benoit Charette, le député péquiste Sylvain Gaudreault rappelle que la révision à la hausse de cette norme irait à l’encontre du «principe de précaution» compris dans la loi sur le développement durable.

Selon cette règle convenue dans les ententes internationales, il vaut mieux agir pour prévenir les risques en matière de santé ou d’environnement, même en cas de manque de connaissances techniques ou scientifiques.

En entrevue avec La Presse Canadienne, le député péquiste de Jonquière a dit qu’il y avait actuellement trop d’incertitudes par rapport au niveau d’exposition au nickel pour envisager de hausser la norme actuelle.

Par conséquent, quand on n’est pas certain, il ne faut pas prendre de risque, selon ses mots.

M. Gaudreault n’exclut pas non plus de demander à l’Assemblée nationale de mandater le Commissaire au développement durable pour qu’il se prononce sur cet enjeu.

Rappelons que la Ville de Québec tient des consultations sur cet enjeu parce qu’un de ses quartiers, Limoilou, a été régulièrement au cours des dernières années exposé à des taux de particules dépassant la limite.

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L’adoption d’une norme annuelle de 20 ng/m³ permettra aussi de mieux contrôler les émissions de nickel, poursuit-il. «Elle équivaut à un niveau de risque qualifié d’acceptable selon les balises utilisées par le MELCC)». Le gouvernement du Québec, a réitéré le fonctionnaire, a l’intention «d’accompagner l’industrie dans ses efforts» pour se conformer aux nouvelles limites et qu’il tâchera de les faire respecter.

Depuis 2018, il affirme que trois avis de non-conformité ont été remis à des entreprises qui opèrent au port de Québec. Du nombre, aucun de concernait toutefois le nickel.

Michèle Bouchard, professeure titulaire au Département de santé environnementale et au travail à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

La professeure Michèle Bouchard avait été mandatée par le ministère de l’Environnement pour produire un avis scientifique sur l’augmentation de la norme de nickel.

Dans sa revue toxicologique produite en décembre 2018, elle recommandait au gouvernement provincial un objectif «à ne pas dépasser de 40 ng/m³ pour toute mesure sur 24 heures», afin de «prévenir les effets respiratoires chez les individus sensibles». Québec a plutôt opté pour une limite de 70 ng/m³, soit près du double.

Au fait que d’autres contaminants affectent déjà la qualité de l’air de Limoilou, la professeure Bouchard plaide donc pour une «réduction globale de la pollution de l’air».

Ville de Québec

Par le biais du Service de la prévention et de la qualité du milieu, la Ville de Québec a fait une présentation jeudi. Le directeur de la division de la prévention et du contrôle environnemental, Mathieu Alibert, rapporte que les concentrations de nickel sont déjà plus élevées dans certains secteurs de la ville, notamment dans le Vieux-Limoilou et la basse-ville, qu’ailleurs dans la province.

La norme actuelle fait l’objet de dépassements quotidiens de 7% à 10% du temps, tandis que la norme assouplie, cinq fois plus permissive, serait aussi dépassée jusqu’à une fois sur 20. Et ce, malgré le fait que le territoire ne compte qu’une seule station d’échantillonnage, ce qui n’est pas «suffisant», dit-il.

La hausse de la norme pourrait donc «enlever l’incitatif à une amélioration continue», redoute M. Alibert.

Conseil régional de l’environnement de la région de la Capitale-Nationale

Le directeur général du Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale juge que le port de Québec et les entreprises qui y sont installées ne s’appliquent pas à respecter les règles municipales et provinciales puisqu’ils sont en territoire fédéral.

«On a souvent la fâcheuse impression que le territoire du port de Québec est aux pollueurs ce que les Iles Caïman et les Barbares sont à ceux qui font de l’évasion fiscale», résume Alexandre Turgeon.

Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale

La Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale s’était déjà prononcée en 2013 et en 2015 sur les enjeux de la qualité de l’air. Elle avait conclu que par rapport au nickel, «les effets chroniques sont peu probables». «Un très petit nombre de cancers» sont attendus à la suite d’une inhalation durant toute une vie (70 ans pendant 24h par jour), disait-on.

«Rien n’indique que le risque pour la santé de la population est différent aujourd’hui», a fait savoir le directeur de santé publique André Dontigny.

«Il y a des enjeux qui pourraient être plus préoccupants qui touchent la qualité de l’air», ajoute-t-il. La préoccupation de la santé publique est donc davantage devant le «cumul de risques» des autres contaminants et des risques socioéconomiques et environnementaux.

«Tous les partenaires doivent poursuivre leurs efforts pour faire diminuer les concentrations de nickel» dans la basse-ville, a-t-il conclu. La position de l’organisation demeure la même que celle de février 2021, quand elle acceptait les valeurs révisées présentées par le ministère de l’Environnement.

Ordre des chimistes du Québec

L’Ordre des chimistes du Québec avait fait connaître sa position plus tôt cette semaine et l’a réitéré devant les élus. Son président, Michel Alsayegh, invite le ministère de l’Environnement à agir avec «prudence et prévoyance avant toute autre considération».

«Lesintérêts économiques ne doivent pas primer sur la santé du public et l’environnement», se positionne-t-il.

Il recommande que toute modification de règlement soit accompagnée d’une étude d’impact, auquel cas, demande-t-il, un chimiste devrait être impliqué parmi les professionnels consultés.

«On se pose des questions [sur le] pourquoi cette norme a été augmentée et ce qui le justifie», termine le président.

Conseils de quartier et Initiative citoyenne vigilance du port de Québec

Des citoyens des conseils de quartier du Vieux-Limoilou, de Lairet et de Maizerets, de même que l’Initiative de vigilance du port de Québec ont livré d’une même voix un plaidoyer en faveur «du maintien de normes strictes et de la réduction des émissions». La préoccupation de la qualité de l’air de leurs secteurs les habite depuis longtemps.

Citant des conclusions du ministère de l’Environnement et d’Environnement Canada, Raymond Poirier du conseil de quartier du Vieux-Limoilou a rappelé que le projet Laurentia avait entre autres été refusé en raison de «problèmes déjà existants avec la qualité de l’air».

«Il serait plus intéressant et productif de se demander comment on peut demander à l’industrie de bonifier ses pratiques. Mais non, on se demande pourquoi on souhaite mettre plus à risque la santé et la qualité de vie des Limoulois?», dénonce-t-il.

«Ce n’est pas l’idée qu’on ne veut pas de projets dans notre cour, c’est que tout est déjà dans notre cour», ajoute Marcel Paré, du conseil de quartier Maizerets.

Dans ce front commun, ils réclament que la Ville de Québec ne les «laisse pas tomber» en adoptant une «position ferme» pour le maintien de la norme actuelle.

Par ailleurs, la Table citoyenne Littoral Est a questionné jeudi l’«accessibilité» du comité plénier, entre autres pour la présentation «pointue et scientifique» de la professeure Michèle Bouchard.

«On nage dans une science qui ne nous éclaire pas. La nouvelle norme devrait tout simplement être rejetée», conclut l’organisation citoyenne, qui prévoit se faire entendre ce week-end lors d’une manifestation sur le pont Dorchester. «Ça fait plus de 10 ans qu’on demande un air de meilleure qualité, pas des lois qui permettent de l’empirer», plaident les organisateurs.

La consultation publique provinciale sur le projet de règlement doit prendre fin le 20 février.

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