Une application pour déceler la douleur chez le chat

Paulo Steagall et Beatriz Monteiro ont mis cinq ans pour développer une application mobile intégrant la «Feline Grimace Scale».

Les oreilles basses, les yeux mi-clos: votre chat souffre-t-il de douleurs aiguës? Les chercheurs en médecine vétérinaire de l’Université de Montréal Paulo Steagall et Beatriz Monteiro ont conçu une application mobile pour que vétérinaires et propriétaires de chats arrivent à mieux lire les niveaux de douleur des félins.


Professeur d’anesthésie et de gestion de la douleur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, M. Steagall avait déjà développé une échelle de la douleur chez les chats, la Feline Grimace Scale, qui a fait l’objet d’une publication en 2019. La nouvelle application, qui porte le même nom, démocratise l’échelle et pourrait constituer un premier pas vers l’utilisation de l’intelligence artificielle au service de la médecine vétérinaire.

«Le but de l’application est de sensibiliser le public à la prise en charge de la douleur aiguë chez le chat. Elle s’appuie sur une science robuste, mais ne permet pas de déceler les douleurs chroniques. On observe la position du museau, des moustaches, de la tête, et on obtient un pointage qui nous permet de déterminer si le chat souffre», résume M. Steagall.

La détection se fait donc visuellement. Elle n’est pas automatisée.

Un des indicateurs de douleur chez le chat est la position des oreilles. Chaque indicateur est évalué sur une échelle de 0 à 2. Le total, sur 10, permet de déterminer le niveau potentiel de douleur aiguë.

Cette application, qui ne remplace par le diagnostic d’un vétérinaire et qui ne permet pas aux propriétaires de gérer différemment la médication de leur animal, est lancée après cinq ans de recherches. «Le but n’est pas un diagnostic, mais plutôt de sonner une alarme s’il est nécessaire de consulter un vétérinaire. Rien n’est laissé au hasard. Nous avons établi cinq critères en mesurant l’angle de la tête, la distance entre les oreilles, la position des moustaches… Avant, il existait des échelles de grimace pour plusieurs animaux, dont le cheval, la souris et le lapin, mais pas pour le chat.»

L’application, offerte en trois langues (français, anglais et espagnol), permet d’envoyer une photo de notre animal pour contribuer à la recherche. « Nous avons déjà accumulé plus de 5000 images qui pourraient nous aider à développer l’intelligence artificielle pour que la détection de la douleur soit automatisée. Notre recherche vise un jour à pouvoir prendre une photo de l’animal pour qu’un algorithme l’analyse et nous dise si le chat souffre.»

Dans l'application, chaque indicateur est détaillé. Il suffit de sélectionner celui qui correspond au comportement de notre animal.

Si la technologie peut présenter des limites, alors que certains indicateurs peuvent être présents chez un félin qui s’endort ou qui vocalise, même s’il ne souffre pas, elle pourrait un jour contribuer au bien-être d’autres animaux au sein d’élevages ou de troupeaux.

«Si un jour nous arrivons à développer un système qui détectera des détails imperceptibles à l’œil nu, ou si une caméra peut repérer une vache souffrante parmi un troupeau de 1000 animaux, nous pourrons améliorer le bien-être animal», ajoute Paulo Steagall, qui est également professeur à la City University de Hong Kong.

Pour les humains?

La technologie sur laquelle travaillent les chercheurs Steagall et Monteiro, financée par la compagnie Zoetis et développée avec Vertisoft, pourrait contribuer à la recherche biomédicale pour les patients pédiatriques ou en déficit cognitif. Donc pour les humains. « Il y a une forme de transversalité à nos recherches. Une fois qu’on met au point un algorithme, il peut aider la recherche pour plusieurs autres espèces, y compris l’humain. Il y a un intérêt pour voir si la technologie peut être appliquée à d’autres domaines. 

Il reste que pour le moment, il apparaît beaucoup plus difficile de développer une échelle de douleur basée sur les grimaces pour un autre animal domestique populaire: le chien. « Il y aurait une difficulté énorme à développer une application pour les chiens, parce que les différences anatomiques entre les races sont importantes, comme la grosseur de l’animal, la forme du museau et la taille des oreilles. Les chiens contrôlent aussi davantage leurs expressions faciales. Ce serait un gros défi.»