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La pandémie complexifie le parcours de nombreux étudiants étrangers. Thomas Pauvret en sait quelque chose. Là où plusieurs auraient jeté l'éponge, il a choisi d'adapter son projet de maîtrise en ethnologie et patrimoine.
Récemment, il mettait le point final à son mémoire intitulé Japonisme et Orientalisme. Le Japon dans l'œil de l'Occident entre 1858 et 1906: fascination, touristification et patrimonialisation. Cette recherche a été réalisée sous la direction du professeur Laurier Turgeon dans le cadre d'un programme international auquel participe l'Université Laval.
Au départ, Thomas Pauvret devait faire deux sessions à Québec après avoir étudié en Hongrie et en Italie. «Je n'ai pas pu avoir mon visa à temps et j'ai eu plusieurs problèmes administratifs. Du coup, j'ai dû faire un an de cours en ligne», dit-il, joint chez lui à Berlin.
Pour son stage de fin d'études, il devait analyser des objets issus d'une collection muséale aux États-Unis. Rebelote. Toujours à cause de la pandémie, les objets n'ont pu traverser les frontières. «Les seuls objets à notre disposition étaient une dizaine de sculptures érotiques en ivoire, toutes japonaises. Le but du stage étant d'expliquer et de décrire les œuvres, j'ai lu beaucoup d'articles sur l'art japonais et le japonisme.»
Le mot «japonisme» réfère à l'influence japonaise sur l'art occidental, particulièrement à la fin du 19e siècle. En parcourant la documentation scientifique sur le sujet, l'étudiant a constaté un écart entre les articles écrits en français et en anglais: «Ça m'a étonné de voir à quel point il y avait une dichotomie entre les historiens francophones et anglophones. D'une langue à l'autre, l'opinion sur le japonisme change complètement. En France, le japonisme est vu comme une belle relation entre deux pays qui s'admirent, alors que pour les anglophones, il s'agit d'un orientalisme, d'un outil d'infériorisation ou encore d'une recherche de domination coloniale.»
Le confinement l'ayant amené à devoir trouver un autre sujet de recherche pour son mémoire, Thomas Pauvret a choisi de creuser la question du japonisme, ce qu'il pouvait faire grâce à de nombreuses ressources en ligne.
Ce changement de cap, loin d'être un pis-aller pour ce grand passionné du Japon, s'est avéré plus ardu que prévu. «Le master TEMA+, le programme auquel j'étais inscrit, est un peu compliqué administrativement. Pour changer de sujet, il faut avoir l'accord des trois universités partenaires. Contrairement à l'Université Laval, les universités en Italie et en Hongrie ont refusé. Mon directeur Laurier Turgeon a été d'un soutien essentiel pour justifier le changement auprès des instances, tout comme la professeure Martine Roberge, qui m'a énormément aidé dans mes recherches. Au final, j'ai eu des mentions d'excellence pour mon mémoire.»
Une culture qui fascine
Dans son mémoire, Thomas Pauvret explore le rapport qu'entretient l'Occident avec la culture japonaise. De Van Gogh à Manet, en passant par Degas et Rodin, nombreux sont les artistes qui se sont inspirés de ce pays.
Des personnalités comme Edmond et Jules de Goncourt, connus pour le prix littéraire auquel ils ont donné leur nom, étaient de grands collectionneurs d'œuvres et ont contribué à la popularité de l'esthétique japonaise.
Les expositions universelles de Paris en 1867 et en 1878 ont aussi joué un rôle important, les kiosques consacrés à l'art japonais ayant obtenu un succès monstre.
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Si le Japon fascinait autant à l'époque, selon Thomas Pauvret, c'est d'abord pour le mystère qui entourait l'archipel. «Le Japon a été l'un des derniers pays de l'Orient à s'ouvrir au commerce occidental. Avec son ouverture est venu un déluge d'œuvres japonaises en Europe, comme des estampes et des épées de samouraïs. Le fait que l'art japonais soit si différent de l'art européen a piqué la curiosité des artistes et des collectionneurs.»
L'étudiant remarque qu'il s'agissait souvent d'un intérêt fort superficiel. «Les amateurs collectionnaient un peu tout et n'importe quoi, apposant des étiquettes “art japonais”, sans chronologie ni traduction. Les Occidentaux aimaient beaucoup le Japon, mais estimaient que les œuvres n'avaient pas grand-chose à leur dire du point de vue de la culture, de la philosophie ou de la religion.»
Thomas Pauvret s'est aussi intéressé au travail des photographes européens au Japon. «À la fin du 19e siècle, des centaines de clichés ont été pris au Japon. Ces photos donnent une impression de réel, mais en fait, elles présentent une image fausse du pays. On y voit des samouraïs avec leurs armures, des geishas, des temples. Ces images, censées représenter le “Japon d'aujourd'hui”, étaient en fait des reconstructions. Elles n'ont rien à voir avec les photos prises par des Japonais, intéressés par des sujets plus modernes et moins exotiques.»
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Avec son doctorat, qu'il entame à l'université Humboldt de Berlin, Thomas Pauvret étudiera un tout autre aspect de la culture japonaise: la chasse à la baleine.
Après un moratoire de plus de trente ans, l'archipel nippon a réinstauré cette pratique controversée malgré les pressions internationales. «Le Japon, comme la Norvège et l'Islande, justifie la chasse à la baleine de manière culturelle, même si cette viande n'est quasiment plus consommée et que l'industrie est peu rentable. Je veux creuser les raisons politiques et sociales qui font que ces trois pays tiennent tant à chasser la baleine.»