Depuis que le gouvernement du Québec a rendu public son projet de règlement qui vise à faire passer la norme quotidienne d’émissions de particules de nickel de 14 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) à 70 ng/m3, des voix dans la population comme à l’hôtel de ville de Québec, notamment, s’élèvent en défaveur.
Mais pour que la voix de la contestation porte plus fort, la Table citoyenne Littoral Est et ses partenaires organiseront «une série d’actions» pour que davantage de citoyens se joignent au mouvement. À commencer par une assemblée publique tenue jeudi soir. Sur des airs de la chanson Le déni de l’évidence, du groupe Mes Aïeux, plus de 150 personnes se sont retrouvées virtuellement pour s’informer, s’outiller et se mobiliser.
«Les questions relatives au nickel ou à la qualité de l’air ambiant sont complexes. On souhaite aider nos concitoyen.ne.s à se dépêtrer dans tout ça, leur fournir une information fiable compilée à partir de sources officielles», indique Daniel Guay, président d’Accès Saint-Laurent Beauport.
Convaincre le maire de Québec
Jusqu’ici, le maire Marchand s’est dit «préoccupé» par la nouvelle norme, mais il attendait toujours d’en savoir plus sur le dossier avant de s’avancer davantage. Il pourrait se positionner lundi, mais le groupe souhaite l’inciter à le faire rapidement.
«On va inviter les citoyens à écrire au maire Bruno Marchand. La première étape est de convaincre le maire de soutenir les citoyens de la basse-ville. Après, nos actions seront orientées vers le gouvernement du Québec», ajoute M. Guay.
Le provincial, estime-t-on, a agi en «catimini» en présentant son projet de règlement presque en même temps qu’il annonçait de nouvelles mesures liées à la COVID-19, détournant ainsi une bonne partie de l’attention médiatique.
Voilà que les acteurs impliqués souhaitent que le vent tourne et que davantage de citoyens s’intéressent à l’enjeu du nickel dans l’air.
Surtout que bien que la norme soit provinciale, la situation de la capitale est «particulière», juge la porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec, Véronique Lalande. «Les très hauts taux de nickel que l’on retrouve dans l’air qu’on respire c’est le fait d’un acteur», dit-elle, parlant du fait que Québec est «soumise» aux opérations de manutention, de transbordement, et d’entreposage de minerai réalisées «à l’air libre».
«Si on en retrouve dans l’air des quartiers habités, c’est le fait du vent. […]Toute la chaîne devrait être à couvert au Port de Québec», défend-elle.
La semaine dernière, des données colligées par la Table citoyenne Littoral Est tendaient à démontrer que les résidents de Limoilou respirent déjà «un air sept fois plus pollué que la moyenne des autres villes canadiennes». Véronique Lalande estime d’ailleurs que «rien» ne justifie l’augmentation de la norme, outre que «pour les représentants de l’industrie», déplore-t-elle.
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De plus, la concentration quotidienne moyenne de nickel dépasserait fréquemment la limite actuelle de 14 ng/m³. Par exemple, peu avant 2020, la concentration quotidienne a dépassé les 150 ng/m³ à une reprise.
Selon la Table, les résidents de Limoilou respirent un air sept fois plus pollué que la moyenne des autres villes canadiennes, qui se situe à 1.65 ng/m³. À la lumière de ces données, plusieurs militants et acteurs du quartier de Limoilou ont exprimé leur vive inquiétude.
«La Direction régionale de la santé publique de la Capitale-Nationale affirmait en 2013 que la cible à atteindre afin de garantir la santé de la population était de 2 ng/m³ de nickel», souligne Véronique Lalande, porte-parole de l’Initiative citoyenne de vigilance du Port de Québec
Qu’est-ce qui pourrait justifier, en 2022, de passer à une moyenne annuelle limite de 20 ng/m³ et une limite journalière de 70 ng/m³? Rien. C’est simplement impossible à soutenir, sauf pour les représentants de l’industrie.
«On voit bien que, malheureusement, notre air se distingue à l’échelle canadienne par sa mauvaise qualité, ne serait-ce qu’en matière de nickel», a pour sa part commenté Marie-Hélène Deshaies, porte-parole de la Table citoyenne Littoral Est et présidente du conseil de quartier de Maizerets.
La conseillère municipale de Limoilou et cheffe de Transition Québec, Jackie Smith, a tenu à interpeller le maire Marchand face à ces données qu’elle juge très inquiétantes.
«J’encourage les citoyens et les citoyennes à se mobiliser et je demande à Bruno Marchand de se positionner clairement contre cette hausse de la norme sur le nickel qui touche particulièrement la population de la ville de Québec», a-t-elle déclaré.
Le chef de l'opposition officielle à l'Hôtel de Ville et conseiller du district de Maizerets-Lairet, Claude Villeneuve, a lui aussi exprimé son désaccord envers la modification des normes.
«Les citoyens ne sont pas fous. Avec le temps, les gens du milieu ont développé une expertise sur le sujet de la qualité de l'air et sont très attentifs à leur environnement. Nous avons de bonnes raisons d'être préoccupés dans Limoilou et nous allons faire nos devoirs pour que cette modification réglementaire ne passe pas», a dit M. Villeneuve.
Rappelons que le gouvernement du Québec désire faire passer la limite de concentration quotidienne moyenne de nickel de 14 ng/m³ à 70 ng/m³. Un maximum de 20 ng/m³ pour la concentration moyenne annuelle sera aussi imposé.
Le projet de règlement du ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatique doit encore faire l’objet d’une consultation publique. Mais s’il est adopté, la norme des émissions quotidiennes de nickel dans l’air sera assouplie pour être augmentée jusqu’à cinq fois la limite actuellement permise.
«Je peux vous dire, en tant que conseiller municipal de Maizerets-Lairet, que ça ne passe pas du tout auprès de la population», a averti Claude Villeneuve devant les médias, vendredi.
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«Dans le secteur autour du port, les citoyens riverains sont déjà très affectés par l’émission de plusieurs substances qui peuvent être nocives à un certain niveau de concentration». Nickel, émissions polluantes des voitures sur les autoroutes qui ceinturent le quartier, les contaminants ambiants sont déjà nombreux, plaide-t-il.
«On baigne dans une soupe et laissez-moi vous dire que les gens du coin, on commence à trouver que la soupe ce n’est pas un petit bouillon clair», déplore l’élu municipal.
Lors du conseil municipal de lundi, le chef de l’Équipe Marie-Josée Savard informe qu’il déposera un avis de proposition afin «d’inviter l’administration de la Ville de Québec à s’opposer à cette modification réglementaire».
«Si le gouvernement Legault, au bout de la période de 60 jours de consultation, a l’intention d’aller de l’avant avec cette modification réglementaire, il va trouver les citoyens de Limoilou et de Maizerets sur son chemin», met-il en garde.
«Attaque frontale»
Même son de cloche chez la cheffe du parti écologiste Transition Québec, Jackie Smith.
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«C’est une attaque frontale aux citoyens de Limoilou», lance-t-elle.
«Depuis plus de 10 ans, on milite contre le port parce qu’il fait fi de la santé des résidents de Limoilou avec des dépassements réguliers des normes de nickel […] Le fait qu’on voit que le gouvernement a fait fi de toute cette mobilisation citoyenne, c’est déplorable», a-t-elle dénoncé vendredi, en marge de l’adoption du budget municipal.
Elle a d’ailleurs l’intention de prendre part à une manifestation qui s’organise le mercredi 22 décembre.
Pour sa part, le maire de Québec, Bruno Marchand, indique avoir demandé à la direction générale de la Ville de Québec un «état des lieux» avant de s’avancer davantage.
«On va discuter de comment on se positionne par rapport à cette nouvelle norme», affirme-t-il.