C’est en gros ce qui ressort du point de presse long et touffu donné jeudi par le premier ministre François Legault, de Montréal. Où il était accompagné de ses ministres de la Santé, Christian Dubé, et de l’Éducation, Jean-François Roberge, ainsi que du nouveau directeur national de santé publique du Québec, Dr Luc Boileau.
On a su que les hôpitaux québécois sont toujours aussi pleins, sinon plus avec 2994 patients atteints de la COVID-19.
Mais aussi que selon les experts consultés par le premier ministre et son entourage, le sommet de la cinquième vague de contagion a été atteint ou est sur le point de l’être. Le nombre d’hospitalisations devrait continuer à grimper pour quelques jours, avant de redescendre. La prochaine fin de semaine risque d’être très difficile, a reconnu le premier ministre.
«On a quand même des bonnes nouvelles dans un contexte que je comprends, où il y a une grande fatigue et où c’est dur pour tous les Québécois. Surtout que ça s’accumule. Mais on voit enfin la lumière au bout du tunnel», a imagé M. Legault, à l’aide d’une formule qu’il a répétée à maintes reprises depuis le début de la pandémie.
Les mesures plus drastiques imposées en décembre ont donc eu leur effet, s’est-il M. Legault.
500 millions $ de plus
Le gouvernement vient d’ailleurs d’injecter 500 millions $ de plus, après 1 milliard $ à l’automne, en mesures diverses pour retenir, attirer des travailleurs dans le réseau de la santé et leur faciliter la vie. Il a même remercié les chefs syndicaux pour cette nouvelle entente.
Voici un petit calendrier des changements à venir pour monsieur et madame Tout-le-Monde :
- Lundi 17 janvier / Retour en classe en présence pour tous. Tout le monde doit porter le masque partout dans l’école, mais pas de masque N95 pour les enseignants, à l’exception des classes et écoles spécialisées.
- Lundi 17 janvier / Fin du couvre-feu, qui empêchait de sortir entre 22 h et 5 h depuis le 31 décembre.
- Dimanche 23 janvier / Réouverture des commerces le dimanche, après trois semaines de fermeture au septième jour.
- Lundi 24 janvier / Les magasins à grande surface d’au moins 1500 m2 devront exiger le passeport vaccinal à l’entrée. Sauf pour les marchés d’alimentation, épiceries et pharmacies, qui sont des services essentiels.
Par contre, les salles à manger des restaurants, des sports organisés, des activités parascolaires, des salles de spectacles, des cinémas et autres devront encore attendre avant de redémarrer. Le premier ministre a parlé «des prochaines semaines». «Il faut y aller progressivement», ont répété tour à tour MM. Legault et Dubé.
Ça va pour la ventilation
Le quatuor a réitéré à plusieurs reprises qu’avec le variant Omicron, on a affaire à «un virus différent». Plus contagieux, mais dont les risques de complications sont très faibles pour les enfants.
De là le retour en classe à compter de lundi, et ainsi une augmentation des contacts, malgré l’état du réseau de santé.
Le masque redeviendra obligatoire même en classe «pendant un certain nombre de semaines», a dit M. Legault.
L’annonce plus tôt dans la journée d’une commande de 70 millions de tests rapides d’ici mai, dont 10 millions fin janvier, aidera aussi le personnel des écoles à gérer d’éventuelles éclosions. Déjà la semaine prochaine, 3,6 millions de tests seront distribués au primaire et au préscolaire.
Sur la ventilation, dans la même veine qu’avec son prédécesseur Dr Horacio Arruda, «le Dr Boileau me rassure en me disant que c’est sécuritaire, la situation de l’air dans les écoles», a indiqué M. Legault.
L’isolement des élèves infectés sera réduit à cinq jours.
Le ministre Roberge a pour sa part étalé une partie de son plan de contingence dans les écoles, advenant un manque trop grand d’enseignants touchés par la COVID-19. Banque de suppléants, enseignement à distance, assignation du personnel et fermeture de classe «en dernier recours», a-t-il insisté.
«De manière exceptionnelle, en dernier recours, c’est possible qu’un parent vienne surveiller une classe», a jouté M. Roberge, mais en précisant qu’il ne s’agira que de situations très exceptionnelles.
Il fait aussi appel à l’indulgence des parents. «Le réseau scolaire va faire au mieux. [...] Mais on n’est pas tourné vers des bris de service.»
3000 morts en une semaine
«Si on n’avait pas été vaccinés, la semaine passée, entre le 1er et le 7 janvier, ce n’est pas 250 hospitalisations par jour de plus qu’on aurait eues, c’est près de 900. Et on aurait eu à peu près plus de 3000 morts [au lieu de 200] juste la semaine passée si nous n’avions pas eu cette vaccination», selon les calculs du Dr Boileau, qui tenait à rétablir l’efficacité du vaccin actuel, même s’il perd de la force face au variant Omicron.
Ce qui, en partie, l’a mené à recommander les assouplissements annoncés jeudi. Il assure de plus n’avoir subi aucune pression politique en ce sens, même s’il s’agit des souhaits exacts exprimés par le premier ministre en conférence de presse pas plus tard que mardi. «Aucune direction ne m’a été donnée sur une orientation ou une autre. [...] Je me sens très à l’aise avec mes opinions et elles ont été retenues», a-t-il résumé.
«Il faut apprendre à vivre avec le virus ou les virus», a aussi affirmé Dr Boileau. Selon lui, le vaccin offre des avantages colossaux et des risques microscopiques.
La taxe des non-vaccinés au parlement
M. Legault a aussi annoncé qu’il y aura bel et bien un projet de loi officiel déposé sur la «contribution santé» que son gouvernement souhaite imposer aux Québécois non vaccinés. Ce qui implique aussi des débats parlementaires en bonne et due forme avec les partis d’opposition dès la rentrée de février.
«Il n’est pas question d’aller faire mal à des personnes qui sont mal prises. Mais pour les personnes qui choisissent de ne pas se faire vacciner, il y a un prix à payer. Parce qu’il y a un coût pour la société et notre réseau de la santé», a résumé le premier ministre, ajoutant qu’il n’est pas encore clair si cela prendra la forme d’un impôt ou d’une amende.
Tout cela le jour où un sondage Recherche MainStreet publié par le magazine L’actualité suggère que la moitié des Québécois (52 %) étaient en désaccord avec le couvre-feu imposé et que les intentions de vote pour la Coalition avenir Québec, qui reste quand même loin devant les partis rivaux, connaissent une baisse significative en vue des élections du 3 octobre prochain.
«On a discuté des mesures [mercredi] soir, donc je n’avais pas vu les sondages. Mais de toute façon, je ne prends pas ces décisions en fonction des sondages, mais selon la réalité. Et c’est la même chose depuis 22 mois [de pandémie], a commenté M. Legault.
«Mais je ne suis pas surpris», a poursuivi le premier ministre, sur les résultats. «Je ne suis pas ici pour gagner un concours de popularité, mais pour protéger la santé des Québécois. [...] C’est la même chose partout dans le monde. Bien sûr que les gens n’aiment pas avoir des restrictions. Mais c’est important pour le bien de la société d’avoir le courage d’implanter les bonnes mesures au bon moment.»
Un argument qui ne colle pas avec les oppositions. «Les décisions improvisées des dernières semaines comme le couvre-feu et la fermeture de commerces étaient clairement inutiles et basées sur les sondages et non pas sur la science. Par ses mauvaises décisions, la CAQ nuit au développement de nos jeunes et de notre économie en plus de retarder des chirurgies", a critiqué la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade.
Chez Québec solidaire, on parle d'improvisation. «Le couvre-feu disparaît aussi brusquement qu'il a été annoncé, à peine deux semaines après son imposition. François Legault s'est rendu à l'évidence: les Québécois et Québécoises n'approuvent pas cette mesure draconienne, qui suscite la controverse au sein même des scientifiques. Le premier ministre s'est également rendu compte qu'il ne pouvait pas imposer sa très controversée "contribution santé" sans débat démocratique», indique pour sa part le chef parlementaire et co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.