Président et directeur général de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ), Pierre-Alexandre Blouin rapporte que les enjeux de personnel sont trop importants dans les épiceries du Québec. «Je comprends que l’idée peut sembler intéressante, mais nous sommes déjà à la limite de ce que nous pouvons gérer avec le personnel et les difficultés d’approvisionnement.
«Nous sommes à fermer des départements, par exemple les poissonneries ou les prêts-à-manger, poursuit-il. Entre 10 et 20 % de notre personnel n’est pas disponible. Ce ne sont pas des cas d’éclosion dans les magasins, mais des gens qui se contaminent à la maison. La prochaine étape sera de réduire nos heures d’ouverture…»
M. Blouin fait valoir que les épiceries ne sont pas des foyers de contamination, que les circuits à l’intérieur des magasins sont plutôt fluides et qu’il faut à tout prix éviter les goulots d’étranglement, par exemple à l’entrée, où les clients risquent de s’agglutiner.
Nous nous inquiétons de devoir gérer les cas problématiques.
Pierre-Alexandre Blouin se souvient de la solidarité, dans la première vague de la pandémie, alors que des bénévoles se proposaient pour les livraisons. Cette offre a aujourd’hui disparu. «Nous sommes déjà en excédentaire dans certains magasins pour les demandes de livraison.»
M. Blouin ajoute que certaines communautés ne comptent qu’un magasin et que celui-ci n’offre pas forcément la livraison. «Il ne faut pas empêcher les gens de se nourrir. Il y a un risque, si on impose le passeport vaccinal, de créer d’autres problèmes. Je pense que le gouvernement est d’accord avec nous.»
L’ADAQ dit avoir fait part de son opinion au gouvernement du Québec. «Nous l’avons dit directement que nous ne croyons pas que c’est une bonne idée d’imposer le passeport vaccinal dans les épiceries. Se nourrir est un besoin essentiel. Je commente en fonction de la réalité sur le terrain. Je touche simplement du bois pour que nous ayons suffisamment de personnel pour continuer de servir la population.»
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Dépanneurs et petites épiceries
Le son de cloche est pratiquement identique à l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (ADMEQ). Son directeur général, Yves Servais, précise que ses membres sont surtout des dépanneurs et de petites épiceries. «Nous avons une pénurie de main-d’œuvre. Mettre quelqu’un à l’entrée pour contrôler le passeport vaccinal serait un problème, surtout que les clients ne restent que quelques minutes dans un dépanneur. Nous respectons déjà les normes en vigueur, mais nous devons parfois jouer à la police pour le port du masque.»
M. Servais estime qu’il est plus facile pour les restaurants, qui comptent souvent sur un ou une hôtesse pour placer les clients, de contrôler le statut vaccinal.
Jeudi, devant la possibilité d’imposer un passeport vaccinal dans les commerces non essentiels, le Conseil québécois du commerce de détail s’était montré contre un resserrement des mesures.
«L’obligation du passeport vaccinal est difficilement applicable, voire impossible à mettre en place pour certains commerces. Cette mesure peut impacter [sic] négativement les activités quotidiennes des détaillants et engendrera une baisse de trafic. [Nous sommes] déjà touchés par des enjeux de main-d’œuvre, avec plus de 25 000 postes à pourvoir dans le secteur au Québec. Ajouter ce fardeau sur les détaillants québécois serait trop lourd», a déclaré Jean-Guy Côté, directeur général du CQCD, dans un communiqué.
Droits et libertés
Enfin, Philippe Néméh-Nombré, vice-président et porte-parole de la Ligue des droits et libertés, ne commentera pas l’hypothèse concernant les épiceries tant qu’elle ne sera pas annoncée par le gouvernement. Il dénonce toutefois l’idée de prendre des décisions basées sur l’intuition plutôt que la science. «On peut restreindre les droits et libertés dans des situations particulières, mais il faut un lien rationnel entre les moyens et l’objectif. On dirait qu’il est devenu plus important d’envoyer un message à la population que de respecter la liberté.»