Passeport vaccinal à la SAQ et la SQDC: des craintes pour les personnes marginalisées

Des intervenants en dépendance craignent les conséquences de l’exigence de présenter son passeport vaccinal pour entrer à la SAQ et à la SQDC, à partir du 18 janvier.

La décision du gouvernement du Québec d’exiger le passeport vaccinal à la SQDC et à la SAQ vise peut-être à convaincre par la manière forte les personnes non vaccinées à changer d’avis, mais elle risque d’affecter une frange de la population marginalisée, préviennent des intervenants en dépendance.


Christina Blier, coordonnatrice à la recherche et au développement à l’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID), a d’ailleurs du mal à voir en quoi cette décision relève vraiment de la santé publique.

«Le problème, c’est qu’en mars 2020, le gouvernement avait décrété que c’était essentiel, parce qu’il y a des gens qui ont besoin d’un accès à une substance contrôlée. Des gens peuvent tomber en sevrage s’ils n’ont pas accès, par exemple, à de l’alcool fort. Alors si on leur coupe cet accès, ils n’auront pas le choix de s’approvisionner sur le marché noir et l’alcool de contrebande, on sait que ça présente des risques», déplore-t-elle.



«On laisse tomber les personnes marginalisées de notre société, les mêmes qui seront affectées par le couvre-feu, comme les personnes itinérantes», ajoute-t-elle.

Mme Blier rappelle d’ailleurs que les personnes marginalisées sont souvent plus isolées socialement et ne seront pas forcément portées à aller se faire vacciner. Et même si elles le sont, nombre d’entre elles n’ont pas de téléphone cellulaire pour conserver et présenter leur passeport vaccinal.

«On va prendre le pouls via nos membres qui interviennent en première ligne, mais on s’attend à ce qu’il y ait des conséquences. J’espère qu’il y aura des mesures pour pallier, parce que ça ajoute au poids de ce que ces personnes vivent déjà», souligne-t-elle.

Rappelons que cette mesure, confirmée jeudi par le ministre Christian Dubé, sera en vigueur à partir du 18 janvier.



La bonne cible?

Sandhia Vadlamudy, directrice générale de l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), abonde dans le même sens.

«Il y a plusieurs questions qui se posent. La première, c’est comment se fait-il qu’on ne considère plus ces commerces comme des services essentiels? Et ensuite, on comprend que c’est une façon de forcer les personnes à se faire vacciner, mais d’un point de vue strictement sanitaire, est-ce que cette mesure a vraiment une incidence? Est-ce qu’il y a eu des éclosions dans ces commerces (SAQ et SQDC) après le passage de personnes non vaccinées? Parce que ces personnes vont continuer à fréquenter les commerces essentiels. Alors je me demande: est-ce que c’est bien ciblé de faire ça?», lance-t-elle.

Comme Mme Blier, elle craint que certaines personnes qui n’auront plus accès à de l’alcool fort se retrouvent en sevrage. «Ça peut être très dangereux pour leur santé.»

Ceci dit, si Mme Vadlamudy se montre critique de cette mesure sanitaire, elle salue les efforts des CISSS et CIUSSS pour rendre la vaccination accessible à la population marginalisée et pour atténuer les impacts des mesures sanitaires sur celle-ci. «Mais il ne faut surtout pas arrêter ces efforts, et même les accentuer, parce que ça vient ajouter une autre pression, en plus du couvre-feu. Il faut voir ce qu’on peut mettre comme efforts supplémentaires pour éviter que ces gens vivent les impacts négatifs de tout ça», implore-t-elle.

Marché noir



Quant à la SQDC, Mme Vadlamudy rappelle que sur le marché noir, il est impossible de connaître avec exactitude la composition des produits achetés, notamment le taux de THC. Même si, à sa connaissance, on n’a jamais rapporté de surdose mortelle liée à la consommation de cannabis, elle rappelle qu’il y a d’autres dangers à se tourner vers le marché noir. «Une personne qui veut consommer du cannabis, mais dont le fournisseur n’en a plus de disponible, pourrait potentiellement acheter une autre substance. C’est là que les risques sont accrus également, parce que ce sera une substance inconnue, qui peut créer des effets inattendus ou non souhaités», prévient-elle.

La Direction de la police de Trois-Rivières (DPTR) se dit pour sa part consciente qu’une certaine portion de consommateurs de cannabis non vaccinés se tourneront vers le marché noir. En plus de rappeler que la concentration de THC n’est pas contrôlée et peut «jusqu’à un certain point mettre à risque la santé des consommateurs», le corps policier rappelle qu’il y a aussi «toujours un certain risque lié à l’intégrité physique des acheteurs si jamais une transaction tourne mal».

La DPTR recommande donc aux personnes affectées par cette mesure de privilégier l’achat en ligne au marché noir.

De son côté, la Sûreté du Québec dit ne pas s'attendre à une recrudescence particulière du recours au marché noir, puisqu'il demeure possible de s'approvisionner en ligne, pour la SQDC.

«À cet effet-là, on a tous les outils pour maintenir un commerce légal, correct. Et comme organisation policière, on va continuer à appliquer l'ensemble des règles en lien avec le trafic illégal du cannabis, à toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement», affirme Benoît Richard, porte-parole de la SQ.