Non, les vaccins n’«endommagent» pas le système immunitaire

:Les gens vaccinés chez qui la COVID est bénigne génèrent en moyenne moins d’anticorps que ceux qui font la forme sévère de la maladie. C’est un signe que les vaccins protègent bien contre les formes graves de la COVID.

L’affirmation: «Je suis tombé sur un article inquiétant récemment disant que le gouvernement britannique aurait “admis” que les vaccins anti-COVID endommagent le système immunitaire des gens qui ont reçu leurs deux doses. Pouvez-vous valider ou invalider cette affirmation?» demande Denis Clermont, d’Oka.


LES FAITS

L’article en question est paru sur le site France médias numérique, dont une grande partie des contenus sont farouchement antivaccin. Il appuie son affirmation sur un rapport de la santé publique anglaise qui a noté que les gens qui ont été vaccinés deux fois, lorsqu’ils contractent la COVID-19 malgré tout, vont produire nettement moins d’une sorte d’anticorps en particulier (les «anticorps N», j’y reviens tout de suite) que les ­non-vaccinés. De là, le texte conclut que «les Britanniques [...] ont découvert que le vaccin interfère avec la capacité innée de l’organisme […] à produire des anticorps». Mais comme c’est souvent le cas avec ce genre d’affirmation, nous avons affaire ici à une personne qui a très, très mal compris ce qu’elle a lu.

Le rapport cité existe bel et bien et il dit effectivement que les vaccinés, lorsqu’infectés, produisent moins de ces «anticorps N» que les ­non-vaccinés. C’est que la santé publique anglaise fait un suivi hebdomadaire sur les niveaux de deux sortes d’anticorps dans le sang de sa population : les «anticorps S», qui neutralisent la protéine de spicule grâce à laquelle le virus de la COVID s’accroche à nos cellules, et les «anticorps N», qui s’attaquent à la capsule qui contient le matériel génétique du virus. Or les vaccins contre la COVID ne présentent qu’une seule sorte de protéine, les spicules (S), au système immunitaire. L’intérêt de mesurer les deux types d’anticorps est de savoir la proportion de la population qui a été vaccinée (ceux qui ont les anticorps S) et ceux qui ont attrapé le virus (les gens qui ont les anticorps S et N).

En page 23 du document, on peut lire que «des données de surveillance récentes de la UK Health Security Agency [montrent que] les niveaux d’anticorps N semblent plus faibles chez les individus qui attrapent le virus après avoir reçu deux doses». 

Cependant, avertit Denis Leclerc, chercheur au Département de biologie médicale de l’Université Laval qui travaille à la mise au point de vaccins depuis une vingtaine d’années, le fait que les vaccinés aient moins d’anticorps N n’est absolument pas un signe que leur système immunitaire est endommagé. En réalité, cela indique plutôt que les vaccins fonctionnent bien.

«Si tu attrapes la COVID et que tu fais une infection forte, ça va nécessairement déclencher la production d’anticorps N, et c’est en bonne partie grâce à ces ­anticorps-là que tu vas ensuite réussir à te débarrasser du virus, explique-t-il. Sauf que si tu es vacciné et que tu as déjà des anticorps S, ton infection va très probablement être moins forte parce que tu es déjà protégé en partie. Alors ta réaction immunitaire va forcément être moins importante, et tu vas avoir moins de chance de faire des anticorps N.»

Essentiellement, c’est le même principe qu’avec une infection naturelle : plusieurs études (voir notamment : bit.ly/3n17XXa et bit.ly/3G40kXh) ont montré que les gens chez qui la COVID est bénigne génèrent en moyenne moins d’anticorps que ceux qui font la forme sévère de la maladie. 

Il ne faut pas oublier non plus, ajoute M. Leclerc, qu’il existe deux volets à la réaction immunitaire : le volet dit humoral (les anticorps) et le volet cellulaire, où ce sont les cellules immunitaires qui agissent — par exemple, en détruisant des cellules infectées avant qu’elles aient le temps de produire des virus. Les vaccins stimulent non seulement la production d’anticorps S, mais aussi la réponse cellulaire, qui contribue elle aussi à la protection contre les formes graves de la COVID. Et ça aussi, ça explique en partie les moins grandes quantités d’anticorps N que l’on retrouve chez les vaccinés.

VERDICT 

Complètement faux. Il est vrai que les vaccinés qui attrapent le SRAS-CoV-2 ont dans l’ensemble moins d’anticorps N que les non-vaccinés, mais c’est une grossière mésinterprétation des données que d’en déduire que les vaccins «endommagent» le système immunitaire. 

En fait, c’est surtout un signe que les vaccins protègent bien contre les formes graves de la COVID.

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