Jennifer Hayes, première femme à présider la Commission canadienne du lait

La Gaspésienne Jennifer Hayes est contente de voir que les femmes occupent des fonctions de plus en plus importantes en agriculture.

L’agricultrice gaspésienne Jennifer Hayes devient la première femme à présider la Commission canadienne du lait depuis la création de cet organisme, en 1966. Elle y siégeait en tant que commissaire depuis 2017.


Mère de deux enfants, actionnaire avec son père Garry et son oncle Joey dans la ferme laitière et bovine PineCrest et experte-conseil en développement communautaire et économique, Jennifer Hayes hésite un peu avant de statuer sur l’élément-surprise de la nomination d’une première femme à la tête de la Commission canadienne du lait.

«C’est à la fois surprenant et pas. Il y a au Québec tellement de femmes engagées en agriculture, mais il est vrai que traditionnellement, les femmes ne se sont pas levées afin d’obtenir ce genre de poste», aborde-t-elle. 

«Il était temps, toutefois. Ça découle des bienfaits du mode de fonctionnement de l’UPA [Union des producteurs agricoles]. Les femmes prennent leur place et elles la gardent. Il y a des femmes influentes à l’UPA. Il a fallu plus de temps au Canada, mais le nombre de femmes avec davantage de responsabilités est en croissance là aussi», note-t-elle.

La Commission canadienne du lait encadre la gestion de l’industrie laitière, une compétence partagée entre Ottawa et les provinces. Elle intervient au sein des tribunes influençant la politique laitière et elle administre le mécanisme de contrôle de la production pour éviter les pénuries et les surplus. Elle assure aussi un revenu équitable aux producteurs efficaces.

Jennifer Hayes est détentrice d’une maîtrise en administration des affaires. La ministre de l’Agriculture du Canada Marie-Claude Bibeau a cité son expérience en gouvernance au sein de l’UPA Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et son intérêt dans la défense de l’agriculture régionale comme des points forts de sa candidature.

«J’avais postulé pour la présidence en 2019, mais je n’avais pas été choisie. Mon nom avait toutefois été retenu dans le bassin de candidats et on m’a demandé si j’étais toujours intéressée et je l’étais. Je suis certaine que je n’étais pas seule cette fois non plus», dit-elle.

Retour à la ferme

«Je deviens le visage de la Commission. Je dois m’assurer que les structures gouvernementales sont au fait des dernières informations. […] Je dois défendre l’intégrité de notre organisation et du bureau du ministère sur les questions portant sur le lait. Je dois collaborer avec les organismes intéressés par ces questions et m’assurer que les enjeux sont bien compris. C’est plus exigeant qu’être commissaire. Les dernières années ont été mouvementées dans le secteur du lait», note-t-elle.

Mme Hayes a vécu à Montréal, notamment pour ses études, avant de revenir sur la ferme familiale, située à Shigawake, un village de 330 habitants situé près de Paspébiac, le long de la baie des Chaleurs.

«Je suis revenue à la ferme en 2005. J’avais passé 10 ans à Mont­réal. Je ne me suis jamais trouvé une place dans la métropole. À un moment donné, je me disais : “Dois-je vraiment traverser ce pont?” J’avais une merveilleuse solution de rechange en Gaspésie», raconte-t-elle.

Déjà bien occupée avec de jeunes enfants et les exigences constantes de l’agriculture laitière, Jennifer Hayes a accepté un mandat en développement communautaire et économique entre 2013 et 2019, afin de revitaliser des organismes et des municipalités pour la MRC de Bonaventure.

«Je m’occupe encore de revitalisation, mais pas comme employée de la MRC. Je collabore avec les organismes communautaires et les municipalités, quand il est question de plans d’affaires et de développement», dit-elle.

Jennifer Hayes n’est pas trop inquiète des voyages inhérents à ses nouvelles fonctions dans un contexte de pandémie. «L’industrie laitière ne diffère pas des autres domaines. On nous pousse à utiliser les outils virtuels. Nous avons toutefois besoin de contacts humains. Le facteur humain est toujours important. Nous arriverons à un équilibre».

Gestion de l’offre reconnue

Le 4 janvier, le Canada a perdu une manche de son long combat avec les États-Unis. En gros, les Américains reprochent au Canada de bloquer artificiellement les importations de produits laitiers des États-Unis. Jennifer Hayes, comme d’autres experts, n’est pas si certaine de la défaite du Canada.

«L’un des faits saillants de la décision vient de l’appui donné à notre système de gestion de l’offre. Ce cas illustre aussi la façon de la Commission canadienne du lait de travailler pour l’industrie. Notre rôle consiste à fournir aux parties prenantes l’information permettant de comprendre les enjeux. Souvent, nous ne prenons pas les décisions, mais nous agissons pour faciliter la tâche de l’industrie», dit-elle.

Jennifer Hayes est consciente de l’aide de son entourage dans ses nombreuses tâches.

«À la Commission canadienne du lait, le bureau compte 80 personnes et de l’expertise dans plusieurs domaines. […] Franchement, j’adore ce que je fais, comme le travail avec les organismes communautaires. Ça charge mes batteries. J’aime les défis, arriver à des résultats et être capable de dire après-coup que nous y sommes arrivés! J’ai une famille qui m’appuie; sans les membres de ma famille, je n’aurais jamais été capable de faire tout ça», assure-t-elle.