Probablement, selon Luc Dupont, professeur en communication à l’Université d’Ottawa, qui parle d’une réaction négative «rarement vue dans les médias» pour décrire le mécontentement populaire. Consultante en communication numérique et médias sociaux, Nellie Brière estime pour sa part que «toutes les crises sont une occasion de visibilité».
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C’est un peu l’aspect sombre du marketing des influenceurs. Il est possible de parler seulement à son public cible, qui accepte des éléments de discours que la population en général n’accepte pas. Il faudrait être malhabile pour s’en sortir mal, à moins qu’il y ait des conséquences légales à leurs gestes. Ceux qui n’approuvent pas les gestes ne connaissaient pas ces influenceurs et il y a de bonnes chances qu’ils ne les suivent pas après non plus. Les dommages ne seront donc pas permanents.
Luc Dupont ne partage pas ce point de vue et croit à des dommages plus permanents.
«Je n’arrive pas à voir de possibles retombées positives considérant les réactions qui ont été suscitées. Si Air Transat [et Air Canada] nous disent qu’ils ne rapatrieront pas ces voyageurs, c’est que l’industrie aérienne voit la réaction du public. C’est une réaction d’une force que j’ai rarement vue dans les médias. Sur le plan des émotions, ça interpelle beaucoup les gens. Avant les réseaux sociaux, les compagnies aériennes n’auraient pas senti le besoin d’annoncer publiquement qu’elles ne ramèneront pas ces gens.»
Rappelons que le premier ministre Justin Trudeau a lui-même qualifié ces voyageurs de «sans-desseins» et «d’Ostrogoths en vacances».
Besoin d'experts en relations publiques?
Les deux experts consultés par les Coops de l’information s’entendent néanmoins pour suggérer aux influenceurs concernés et à celui qui semble être l’instigateur du projet, James William Awad, de se tourner vers des spécialistes en relations publiques.
«Visiblement, il y a des gens du public qui ont été particulièrement touchés, insultés et choqués par ce qui s’est passé, commente Luc Dupont. C’est normal dans la mesure où nous devons rester à la maison et limiter les contacts. Ironiquement, l’outil que ces gens utilisent pour être connus sert maintenant à détruire leur image. C’est certain que des gens auront de la difficulté à se détacher de cette image. Ils vont s’apercevoir que les relations publiques sont un métier. C’est une chose de faire sa promotion sur les réseaux sociaux. C’en est une autre de donner des entrevues. L’organisateur aura besoin d’une entreprise de relations publiques parce que pour le moment, il répond à la situation comme un influenceur.»
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M. Dupont faisait entre autres référence à un gazouillis de James William Awad stipulant qu’il n’accorderait que deux entrevues, une en anglais et une en français, en ne travaillant qu’avec «les plus gros réseaux». Le message a par la suite été supprimé.
«Si j’étais une de ces personnes, je trouverais que c’est une bonne idée d’engager une boîte de gestion de crise. Certains ont assez d’argent pour le faire. Il y a toujours moyen de retourner la situation, même quand il y a des enjeux éthiques », estime pour sa part Nellie Brière.
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Pour Luc Dupont, la seule façon de désamorcer la crise est de reconnaître la faute commise. Il ne croit pas à un gros coup de publicité orchestré pour obtenir de la visibilité. «Je ne peux pas croire que ce serait une stratégie pour obtenir de la publicité, même si l’adage dit: ‘Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en’. Ce ne serait pas ma stratégie pour lancer mon entreprise. La conjoncture qui mène à la notoriété contribue au positionnement du produit dans la tête des gens. Il y a peut-être des moments où on ne veut pas être populaire.»
M. Dupont croit que ces influenceurs découvriront aussi que les médias traditionnels existent toujours et qu’ils sont encore puissants. Ces derniers, par la nature de leur travail, sont condamnés, dit-il, à parler des événements et, par la bande, à offrir de la visibilité à ceux qui les ont organisés.
C’est peut-être ce qui explique qu’en milieu de journée mercredi, des publications controversées avaient été retirées de la page Instagram 111 Private Club et de la page Twitter de M. Awad. Ce dernier a par ailleurs indiqué qu’il prenait la situation au sérieux, qu’un «simple party dans un avion avait créé tout ce buzz» et qu’il prendrait un moment pour s’asseoir et réfléchir pour comprendre mieux la situation. Il doit publier une déclaration officielle sur Twitter jeudi en fin de matinée.
Enfin, la réaction à la crise est aussi importante pour les compagnies aériennes, selon Luc Dupont. «Elles sont tenues de respecter certains règlements. Le danger, c’est qu’on pointe quelqu’un qui n’a rien à voir avec l’histoire. Ce serait malheureux que ce ne soient pas les gens responsables de la situation qui payent le prix. Visiblement, Sunwing s’est aperçu que son image de marque pouvait écoper. Elle ne veut pas devenir la compagnie où ce type de comportement se répète.»
Nellie Brière, elle, croit que Sunwing pourrait même tirer profit de la controverse, après avoir refusé de rapatrier les fêtards, si les passagers potentiels en concluent que la compagnie agit pour assurer la sécurité des voyageurs.