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Je gère notre page Facebook. Depuis ce matin, j’ai dû effacer 4 commentaires qui disaient que JM Vallée était mort « à cause du vaccin». 😕
— Marie-Audrey Perron (@marieaperron) December 27, 2021

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Et rebelote comme on dit chez moi… Sincèrement, je commençais à être optimiste. Les commentaires complotistes et antivax continuaient à circuler, mais leur volume avait grandement baissé au fil du relâchement des mesures sanitaires. Mais bon, il ne faut pas être bête, on commence à connaitre la chanson. Hausse de cas = plus de mesures = une recrudescence de violence et de désinformation sur la pandémie en ligne.

De mon côté, le constat est le même que pour cette collègue de Radio-Canada. La semaine dernière, j’ai publié le journal de bord de mes 10 jours d’isolement après avoir choppé le COVID. Selon les deux premiers commentaires sur la page Facebook du Soleil, je suis une «conase» (c’est encore plus percutant quand c’est mal écrit), mais surtout un mouton de la vaccination.

En réalisant mon ménage de commentaires presque quotidiens sous nos différents articles en lâchant quelques soupirs, je me suis demandé si on n’avait pas manqué quelque chose. Doit-on continuer à se soucier de ces internautes en 2022? Mieux vaut les ignorer, engager le dialogue ou les confronter? « Il ne faut pas arrêter les efforts de vulgarisation et d’éducation, par contre, la confrontation, ça ne fonctionne presque jamais », m’explique mon ami journaliste à QUB radio qui anime le balado Ce n’est qu’une théorie, Alexandre Moranville-Ouellet. Dans ce projet, il démystifie différentes théories du complot et les confronte au travail de différents experts. Disons qu’il en connait un rayon sur les conspirationnistes.

«Du moment que tu crois que la terre est plate ou que les élites de ce monde font des sacrifices d’enfants pour boire leur sang, tu es prêt à croire n’importe quoi […] Eux, ils ont accepté qu’ils ont la vérité. Toi, tu ne la connais pas, puis les confronter c’est leur prouver que les autres sont dans le tort», ajoute-t-il.

Grâce à des retours d’auditeurs, Alexandre sait qu’il a réussi à balayer de l’esprit de certains les doutes ou les idées farfelues sur l’attentat du 11 septembre ou même sur l’efficacité de la vaccination. C’est la preuve que l’éducation reste la clé du succès dans cette lutte qui semble sans fin. Par contre, pour ceux qui y croient dur comme fer, c’est une autre paire de manches.

À l’automne 2020, alors que je venais de commencer à faire de la modération sur les réseaux, j’ai tenté de répondre à certains commentaires Facebook avec des faits vérifiés accompagnés de leurs sources. Je me suis pris un nombre d’insultes plutôt impressionnant en plus d’être très rapidement drainée mentalement et émotionnellement.

Les exposer au grand jour

Par contre, depuis le début de la pandémie, je suis fascinée par le compte Twitter de Patrick Lagacé. Régulièrement, le chroniqueur star de la Presse montre au grand jour des comptes de complotistes qui l’insulte ou partagent de la désinformation sur ses publications. Je me suis souvent demandé ce que ça lui apportait. Est-ce que dans ce cas précis, le tribunal Twitter fait son travail? Je lui ai donc passé un coup de fil.

«Oui allo? Léa? C’est Patrick». À ce moment-là, ma jeune chroniqueuse intérieure convulse au sol. Après quelques minutes de conversation et 2-3 bégaiements de ma part, on entre dans le vif du sujet. « Au balbutiement de la pandémie, début mai 2020, alors que je n’avais pas écrit une ligne sur les conspirationnistes, j’ai ouvert le fichier autre de mon Messenger que je n’avais pas ouvert depuis des mois, raconte-t-il. Et là je suis tombée sur les délires de ces gens qui m’écrivaient pour m’insulter ».

À ceux qui disent que les médias ont contribué à la radicalisation des complotistes, il répond ceci: « ils n’ont pas eu besoin de nos mots très durs pour se radicaliser ». La preuve est qu’il s’est attiré la foudre de ces gens bien avant qu’il écrive à leur sujet. Alors il fait ce qu’on a tous eu envie de faire à un certain point lorsqu’on se fait emmerder: de temps en temps, il dévoile au grand jour l’identité de ses intimidateurs. Le seul truc, c’est qu’exposer son bully, c’est prendre le risque que ça nous revienne en pleine tête *flash-back du secondaire*.

Bon, il n’expose pas non plus n’importe qui. Il s’attaque aux plus radicaux, aux plus brutaux d’entre eux. « Ce qui arrive régulièrement, c’est que la personne qui a fait ça s’excuse à genoux, parce que soudainement, il y a des conséquences, raconte le chroniqueur. Ton patron t’appelle, les gens qui te donnent des contrats te contactent. Ils ne sont pas contents de voir que tu menaces des journalistes dans tes temps libres ».

Je lui réponds en disant: «Mais bon, je t’avoue que des fois, je vois que tu fais ce genre de publications un samedi matin et je me dis: Pat, c’est le weekend là. Profite un peu », lui ai-je dit (la fille qui prend un peu trop de confiance). Il me dit qu’il a plus de temps le samedi et m’avoue que d’une certaine façon, c’est un exutoire. « Quand je fais ça, souvent, ce que j’espère, c’est que quelqu’un de l’entourage de la personne va l’appeler et lui dire: voyons donc, es-tu tombé sur la tête, veux-tu qu’on aille prendre un café? As-tu besoin de parler?».

En parlant avec Patrick, ce que je voyais comme une pure vendetta devient un acte beaucoup plus bienveillant que ce que je pensais. De son côté, lorsqu’il rentre chez lui, Alexandre décide de prendre une pause des complotistes. Passer ses journées de travail sur des forums de néonazies, de QAnon ou d’anti-vaccins c’est plutôt épuisant. «Moi, je peux prendre off la fin de semaine, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de gens avec qui j’ai parlé pour différents projets. Eux, c’est leurs parents, leurs enfants, leur meilleur ami. Ce sont des familles et des amitiés brisées», déplore-t-il.

Dans les deux cas, mes deux conseillers n’ont pas LA réponse ultime à ma question. Par contre, ils m’ont montré l’importance de faire preuve de bienveillance et de respecter ses propres limites. Après des années d’expérience dans le domaine et de nombreuses menaces en ligne, Patrick Lagacé ne sait pas si sa façon de gérer les réseaux sociaux est la bonne. Par contre, il sait qu’il ne faut pas prendre les menaces à la légère.

Dans tous les cas, je vais tenter d’entrer en 2022 de façon sereine et je vous le souhaite aussi, peu importe vos croyances.

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