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J’ai beaucoup de respect pour le docteur Alex Carignan. Depuis le début de la pandémie, il fait un travail de vulgarisation incroyable dans les médias. Et il fait ça à travers ses horaires sûrement bien chargés comme épidémiologiste, comme microbiologiste et toutes ses responsabilités comme expert. Sa disponibilité pour les médias est remarquable.

Des fois, je me dis qu’il doit être fatigué pas mal. Je m’inquiète même un peu, parfois. « Brûle-toi pas! », que je lui dis derrière mon écran, même s’il ne m’entend pas.

Mardi soir, il a fait un tweet qui témoigne peut-être d’une certaine fatigue, justement. Il a écrit : « Beaucoup auraient aimé davantage de groupes ciblés d’emblée pour la 3e dose. La réalité, c’est que plusieurs centres de vaccination manquent de personnel. Cessez de vous plaindre et informez-vous si vous pouvez être utiles dans un centre de vaccination. Bonne soirée. »

Le tout accompagné de la célèbre phrase de John F. Kennedy (que je traduis) : « Ne demandez pas ce que le pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour le pays. »

Il y a le message et il y a le ton. Si Kennedy se voulait rassembleur, ici, on sent plus une exaspération. Habituellement, dire « bonne soirée » avec un point plutôt qu’un point d’exclamation est vu comme un signe passif-agressif. Du moins, il y a cette attitude « voilà ce que j’avais à dire, réagissez bien comme vous voulez! »

Même si je crois que son tweet n’a rien de constructif, je ne lui lance aucune pierre. Je peux comprendre son exaspération. Il a beau nous expliquer toutes les subtilités du virus et des vaccins, il subit lui aussi les mesures sanitaires. Plus encore, il est sur la ligne de front, comme on dit.

Des critiques sur la gestion de la COVID, il doit en recevoir pas mal, même s’il n’a pas son mot à dire sur toutes les décisions et même s’il n’est pas responsable des lacunes du système de santé et de la pénurie de personnel.

Il se démène pour qu’on s’en sorte, malgré un équipement insuffisant, malgré un personnel pas assez nombreux, malgré une partie de la population qui croit que la lutte est une grosse menterie. Un moment donné, je peux comprendre que les gérants d’estrade, on en a sa claque!

Il n’est pas le seul à donner l’impression d’être un brin fatigué. Le directeur de la santé publique de l’Estrie, Alain Poirier, a aussi eu des propos similaires, plus d’une fois.

On est passé en novembre de : « Tout ce qu’on peut dire aux gens, c’est un peu de patience, on fait de notre mieux »; à, en décembre : « Les gens ont le droit, c’est correct qu’ils se plaignent, mais portez votre masque, respectez les mesures, arrêtez de vous contaminer et on n’aura pas besoin de vous recevoir au CDD. »

Sentez-vous, vous aussi, la fatigue? Quand le monde nous tombe sur les nerfs, c’est souvent parce qu’on est brûlé.

Sauf que je ne pense pas que cette exaspération soit dirigée vers la bonne cible.

Évidemment, il y a un lot de personnes qui attrapent la COVID parce qu’elles ne font pas attention. Mais les personnes que je connais qui l’ont attrapé sont toutes des personnes qui suivent les mesures. Certaines l’ont même attrapé alors que l’épicerie était la seule raison pour laquelle elles sortaient de chez elle.

Un tiers des contaminations touchent les jeunes de 5 à 11. Va-t-on blâmer les enfants de se contaminer? Certaines écoles n’ont toujours pas une aération adéquate.

Certains lieux de travail ne sont pas aussi sécuritaires qu’ils le devraient non plus. Doit-on blâmer les travailleurs et travailleuses qui l’attrapent dans ces circonstances?

Je suis sûr que ce n’est pas à ces personnes que les docteurs Carignan et Poirier pensaient lorsqu’ils s’exprimaient, mais ça reste maladroit.

Prenons l’exemple de la vaccination donnée par Alex Carignan. Pendant le gros blitz des premières doses, et même des premières vagues, il y avait quelque chose de l’effort de guerre, un besoin d’une mobilisation plus grande que la normale pour donner un coup. Sommes-nous encore dans cette posture alors qu’on ne cesse de diminuer les mesures sanitaires?

La pénurie de main-d’œuvre en santé est-elle le fardeau de la population générale? Pas vraiment. Est-ce que cette pénurie pèse lourd sur l’ensemble des directions et du personnel de la santé? Beaucoup trop. C’est même un sacré problème! Même la direction du CIUSSS de l’Estrie-CHUS semble dépassée!

Mais la solution n’est clairement pas le bénévolat fait ici et là.

J’insiste, je ne fais aucun reproche à Alex Carignan ou Alain Poirier. Je comprends leur fatigue. C’est cette fatigue que je veux souligner. Ça fait bientôt deux ans qu’eux et bien du monde sont hyper mobilisés pour lutter contre la pandémie. Une lutte qui ne semble pas se terminer, pas assez rapidement. Une lutte qui épuise, qui est exigeante.

Je suis persuadé que les personnes qui espèrent le plus la fin de la pandémie sont toutes ces personnes qui se démènent dans les directions de santé publique, les centres hospitaliers, les CHSLD, les laboratoires, les centres de dépistage et de vaccination ou au ministère.

Se consacrer avec autant d’énergie dans une cause aboutit souvent sur une certaine fatigue. Et quand la fatigue embarque, la patience débarque.

Tout le monde est fatigué, y compris ceux et celles qui gèrent la pandémie. Je pense que c’est important de garder ça en tête, que ce soit quand on questionne les décisions, quand on prend un rendez-vous pour le dépistage ou quand une personne déroge à une règle sanitaire.

C’est la compassion et la solidarité qui nous font traverser les crises. Ça et du repos, aussi.

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