Retour sur le premier tour de piste du maire Marchand

Les boîtes ne sont pas encore tout à fait défaites dans le bureau du maire, mais la présence de Bruno Marchand s’impose déjà. 

Il y a un mois, Bruno Marchand se frayait un chemin jusqu’à l’hôtel de ville, à l’issue d’une campagne et d’une soirée électorale dignes d’un sprint. Le marathon politique est déjà bien entamé : environnement, violences policières et mobilité ont marqué les premiers pas du nouveau maire de Québec.


Au gré de ses changements de chaussures de course, le maire Marchand a complété son premier tour de piste. Du bleu au rouge en passant par le vert et le jaune, un mois s’est écoulé depuis l’élection du 7 novembre, cette soirée où le coureur a coiffé sa rivale Marie-Josée Savard au fil d’arrivée, au terme d’une remontée historique. 

Une fois retombé sur ses pieds et après une série d’entrevues accordées à droite et à gauche, le maire a mis la machine en marche. Appels et rencontres avec les acteurs clés se sont enchaînés.

Les premiers gestes symboliques ont lentement fait place aux premières actions du maire posées dans un esprit de collaboration, comme la formation du comité exécutif et le premier conseil municipal, où l’environnement a marqué les premières réalisations.  

Le maire Marchand a déjà donné suite à des engagements qu’il a pris en matière d’environnement. Signe d’une priorité, il a abordé le thème dès le début de l’allocution qui précédait son tout premier conseil municipal.  

«On tenait à ce que ce mouvement soit fait rapidement», a-t-il déclaré.



Finie la voiture à essence pour les déplacements du maire. Lorsqu’il ne sera pas au pas de course, Bruno Marchand se déplacera à bord d’un véhicule hybride. 

«On souhaitait quitter le monde du véhicule à essence seul, alors on a maintenant un véhicule hybride qui permet à la fois d’économiser sur nos GES et en frais d’essence», résume-t-il. 

L’ensemble des élus a également été consulté afin que le papier soit relayé au passé pour faire place au numérique. «On va migrer vers un conseil 100 % électronique», assure M. Marchand, qui parle non seulement d’économies de papier, mais également d’économies financières. 

Il en coûtait en effet 47 000 $ annuellement pour l’impression de documents relatifs à l’hôtel de ville. 

Le vert n’est pas seulement la couleur des chaussures de course du maire Bruno Marchand à son premier conseil municipal, c’est aussi la couleur de l’environnement qui teinte ses premières réalisations.

Tramway et troisième lien s'immiscent 

Parlant d’environnement, le nouveau maire a aussi abordé par le biais des questions des journalistes d’autres thèmes en lien avec la mobilité, comme le troisième lien et le tramway. Deux projets qui, malgré la volonté du gouvernement provincial de les présenter comme étant interreliés, ne sont pas dépendants l’un de l’autre, dit-il.

«Le tramway va de l’avant. Le troisième lien, on va voir ce que le gouvernement décide et comment il décide de le faire», analyse-t-il, assurant toutefois que si le second va de l’avant également, tous deux seront «arrimés».

«D’avoir des études environnementales qui viennent nous témoigner de son effet, pour nous c’est important. Des projets aussi importants que ça doivent être capables de démontrer notamment leurs effets environnementaux», réitère-t-il.

Dans l’attente de ces études, le nouveau maire se réjouit de sentir une «ouverture» du gouvernement Legault sur la question du financement du tramway et d’éventuels dépassements de coûts, parlant de «la meilleure des nouvelles qu’on pouvait avoir».

Il soutient qu’aucune «tractation» n’a eu lieu de la part du premier ministre afin que la Ville de Québec appuie le troisième lien afin de bénéficier d’un soutien du gouvernement provincial. «Le premier ministre n’a fait aucune demande en ce sens», affirme le maire.

Pour Claude Villeneuve, désormais chef de l’Équipe Marie-Josée Savard, «l’important, c’est que le tramway se fasse». «On a tous à gagner à ce qu’il y ait une bonne ambiance de collaboration entre le gouvernement du Québec et le maire de Québec. Si Bruno Marchand confirme que François Legault est dans de bonnes dispositions et qu’on n’est pas dans une forme de marchandage et de chantage, c’est parfait pour nous.»

«Il devra y avoir des consultations», a pour sa part défendu le chef de Québec 21, Éric Ralph Mercier au sujet du tramway. Comme la «démocratie s’est exprimée» et que le projet de métro léger est relayée aux oubliettes, il s’est dit «prêt à aller de l’avant sous conditions».

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EN BREF

Pas de chambardement à prévoir au budget 

Une fois cette première séance du conseil municipal tenue, le budget constituera l’une des prochaines grandes étapes pour l’administration municipale. Selon la volonté du maire, le dépôt du budget de même que son adoption devraient se tenir «dans les délais», soit au maximum le 31 décembre prochain, bien qu’il pourrait étirer le processus jusqu’en janvier 2022.

Il soutient que cela promet d’être réalisable et que des «changements drastiques» ne sont pas à prévoir dans les documents budgétaires.

«On ne chambarde pas tout», a-t-il résumé lors d’un point de presse tenu en marge de la séance du conseil.

Retour prochain des citoyens 

Le maire souhaite par ailleurs accueillir de nouveau les citoyens en présentiel à l’hôtel de ville pour les séances du conseil «le plus vite possible». En raison des mesures sanitaires en vigueur et de l’espace requis pour respecter la distanciation sociale entre les élus, cela ne promet cependant pas de se faire avant 2022.

D’autres formules temporaires sont par ailleurs envisagées pour leur permettre de venir poser leurs questions aux élus, notamment ils pourraient être regroupés dans une autre salle de l’hôtel de ville et y intervenir un à un. Un «hybride pas parfait», reconnaît le maire, mais qui assurerait plus de proximité que les questions posées par formulaire.

Le maire de Québec ne compte pas se satisfaire des propos du ministère des Transports au sujet de l’impossibilité que le pont Pierre-Laporte soit doté d’une voie réversible pour augmenter la capacité aux heures de pointe du matin et du soir.  

Cette idée de gestion dynamique des voies avait été soulevée par l’ex-maire Régis Labeaume dans une lettre à l’attention de François Legault, dans laquelle il proposait des «solutions de rechange» au troisième lien. Elle a jusqu’ici été écartée par le ministre des Transports, François Bonnardel. 

«Ce qu’on nous dit, c’est que c’est impossible», a rapporté jeudi le maire Bruno Marchand, alors qu’il assistait au lancement du Marché de Noël allemand. 

«On nous a dit qu’on allait nous partager les raisons du pourquoi c’est impossible, alors on va attendre ça. Peut-être que c’est le cas, j’ai juste hâte d’avoir la démonstration», a-t-il ajouté, précisant qu’il faisait pour l’instant «confiance» au ministre.  

D’après M. Marchand, une rencontre avec ce dernier est en voie d’être organisée, «le plus vite possible». 

«Données» attendues pour prouver la carboneutralité

Par ailleurs questionné à savoir s’il entretenait des doutes quant au fait que la construction d’un éventuel troisième lien entre Québec et Lévis promet d’être «carboneutre», tel que l’a évoqué par M. Bonnardel plus tôt cette semaine, le maire Marchand reste campé. Il répond qu’il attend toujours la «preuve». 

«S’il y a quelqu’un qui le prétend, moi, ce que j’attends, c’est qu’on en fasse la démonstration», a-t-il redemandé, tout en maintenant sa position face au tunnel.  

«Sortons les données pour démontrer que oui, ça peut être carboneutre. Au départ, on a besoin d’être convaincus», réitère-t-il. 

UN BUDGET AVANT NOËL 

Le «but» du conseil municipal sera d’adopter le budget 2022 avant le départ pour le congé de Noël, a aussi fait savoir M. Marchand. Il parle d’un budget «hybride», qui pourrait être présenté dans la semaine du 6 décembre. 

«On l’avait dit en campagne, on ne va pas tout raser pour recommencer», rappelle-t-il.  

Élaboré depuis mars, le budget aura des aspects qui vont «plaire à Équipe Marie-Josée Savard», mais du travail est aussi fait pour «inclure» des éléments importants aux yeux des élus de Québec 21. «Il y a des choses qui vont être en lien avec Québec forte et fière, avec ce qui est important pour nous et ce qu’on pense qui est important pour la ville alors ça va être très hybride», dit-il, confiant d’obtenir un nombre «suffisant» d’élus pour faire adopter le budget. 

Dans ce dernier, la hausse des taxes résidentielles pour les résidents de Québec ne devrait pas excéder l’inflation de 2,2% pour l’année de référence (1er septembre 2020 au 31 août 2021), un engagement pris par le parti Québec forte et fière pendant la campagne électorale. 

«C’est définitivement une mauvaise soirée», reconnaît le maire. Quand on voit la somme de ce qui a pu se passer dans une même soirée, c’est très préoccupant», a-t-il déclaré devant les médias, mercredi.

Au cours des derniers jours, le maire soutient cependant avoir été «rassuré» par le chef du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ), Denis Turcotte, sur la culture organisationnelle qui règne à l’intérieur du service de police. 

Les images «troublantes» et «choquantes» sont prises au sérieux, alors que le «service de police agit promptement, à la nature et à la hauteur de ce qu’il avait promis», commente-t-il.

Deux enquêtes internes du SPVQ et deux enquêtes indépendantes du Commissaire à la déontologie policière sont déjà lancées, une «bonne chose» afin de faire la lumière sur les arrestations musclées du week-end dernier, dit-il. «Le cumul de ces deux enquêtes va nous permettre d’être complètement rassurés».

«Muraille de Chine»

Ceci dit, pour éviter toute «confusion des genres», le maire de Québec compte laisser l’action policière suivre son cours.

«Pour moi, c’est important de distinguer politique et action policière. Le jour où le maire se prend pour un chef de police, en démocratie, on est dans le trouble», s’est-il prononcé au lendemain de l’annonce de la suspension de cinq policiers de l’escouade GRIPP, dont le mandat est d’intervenir dans les établissements licenciés.

Dans cette décision, il n’a toutefois pas exercé de pression, assure-t-il, souhaitant qu’il en reste ainsi et qu’une «muraille de Chine» se dresse entre les sphères policière et politique. Il appuie les actions prises par le chef du SPVQ à l’endroit des agents qui ont pris part aux arrestations controversées.

«Ce n’est pas une demande de la mairie, ça ne doit pas être des demandes politiques qui gouvernent la police. Le maire, son objet, c’est de travailler avec la Ville et c’est de faire confiance au chef de police de poser les bonnes actions. Jusqu’à maintenant, c’est le cas».

Ainsi, il ne dispose pas, à l’heure actuelle, davantage d’informations sur le contexte ou les circonstances qui ont mené aux événements «préoccupants» impliquant le SPVQ. La communication demeure active entre les acteurs, souligne-t-il.

Si une «multitude» de gestes répréhensibles survenaient et que les choses ne bougeaient pas, le maire pourrait en venir à hausser le ton.

De «bons policiers» à Québec

Conscient que la réputation de la Ville de Québec est susceptible d’être entachée par ces événements qui ont largement voyagé sur les réseaux sociaux, le maire appelle par ailleurs la population à ne pas mettre tous les policiers dans le même panier.

«Il y a des victimes de ce qui s’est passé et dans les victimes, il y a aussi des policiers. Dans notre service de police, il y a de très bons policiers qui, présentement, reçoivent des menaces et des invectives de la part de gens qui les mettent tous dans le même panier […] À travers l’ensemble de nos plus de 800 policiers, on a de très bons policiers.»

Malgré les événements des derniers jours, les activités régulières du conseil municipal se poursuivent. Si des dossiers seront en effet retardés, le maire de Québec garantit en outre que les «choses prioritaires» comme le dépôt du budget n'écoperont pas. Il pourrait être présenté dans la semaine du 6 décembre, tel que mentionné il y a quelques jours. 



Voilà plus de 400 ans que la Ville de Québec et la Nation huronne-wendat entretiennent des liens. À l’issue d’une première rencontre officielle avec le nouveau maire de Québec jeudi, le grand chef s’est montré confiant qu’ils ne se briseront pas, malgré le changement d’administration.

«On voulait avoir des relations harmonieuses dans le continu de ce qui a été rétabli avec l’ancienne administration et je pense que la volonté est là des deux côtés de vouloir continuer», a commenté M. Vincent à sa sortie de l’hôtel de ville de Québec.

Les enjeux de développement économique et touristique demeureront au cœur des discussions pour les prochaines années, indique-t-il.

«On ne peut pas ne pas avoir de bonnes relations avec la Ville. On partage des services sur tous les points, donc c’est important de continuer d’avoir d’excellentes relations avec la Ville.»

La «réputation de collaboration» qui précède le grand chef inspire aussi confiance au maire Bruno Marchand.

«C’est une nation importante avec qui on peut collaborer à beaucoup de projets», a-t-il déclaré avant le début de la rencontre d’une heure.

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TOUJOURS UN INTÉRÊT POUR LES TERRAINS DE LA DÉFENSE NATIONALE À SAINTE-FOY

La Nation huronne-wendat se dit par ailleurs toujours intéressée à mettre la main sur les hectares restants des terrains de la Défense nationale à Sainte-Foy. La Ville de Québec aussi.

Le sujet a d’ailleurs été «effleuré» jeudi lors de la première rencontre entre le maire de Québec et le grand chef Rémy Vincent.

Il y a quelques années, l’ex-grand chef Konrad Sioui réclamait publiquement l’ancien site de logements militaires du boulevard Hochelaga devenu vacant depuis leur démolition, en 2018. Il souhaitait créer de nouveaux espaces résidentiels pour les membres de la communauté, la réserve de Wendake étant devenue exigüe.

Des discussions entamées avec Ottawa se poursuivent, mais aucune décision n’a jusqu’ici été rendue. Les changements de gouvernements «étirent la procédure», dit le chef Rémy Vincent.

La Nation huronne-wendat se dit toujours intéressée à mettre la main sur les hectares restants des terrains de la Défense nationale à Sainte-Foy. La Ville de Québec aussi.

Régis Labeaume avait lui aussi levé la main dans le passé pour que la Ville de Québec fasse l’acquisition de ces terrains jugés excédentaires par la Défense nationale dans le but d’y faire du développement, principalement résidentiel. Cette position n’a pas changé, informe le nouveau maire.

«On a toujours l’intérêt de développer un projet», a-t-il glissé en marge d’une annonce à laquelle il assistait au Musée national des Beaux-Arts du Québec. Bien qu’il ne s’avance pas sur la nature de l’éventuel projet, il soutient qu’il doit se réaliser «avec les citoyens et dans le respect de l’environnement».

À savoir si la Ville et la Nation huronne-wendat pourraient éventuellement s’opposer dans ce dossier, le maire a dit ne pas pouvoir «[s’]engager à dire qu’on va bien s’entendre». «Il peut y avoir litige, on peut aussi travailler ensemble. On va voir ce qu’on est capable de bâtir», a-t-il résumé.  

«La Ville on veut être partenaire de ce projet qui se développera. Tant mieux s’il y a d’autre monde avec qui on collabore, pour l’instant, on n’a rien à annoncer», termine-t-il.

Dizaine d’hectares restants

Il reste ainsi toujours une dizaine d’hectares à être vendus. Le ministère de la Défense nationale avait préservé 2,06 hectares du lot  qui s’étend sur 14,32 hectares pour la construction du nouveau manège militaire de Sainte-Foy, lequel a ouvert ses portes en 2018.

La Ville de Québec avait quant à elle déjà acquis 0,29 hectare afin d’«effectuer des travaux routiers» le long du boulevard et qui «permettront d’améliorer la circulation et le transport en commun, et rendront le boulevard plus sécuritaire pour les piétons et les cyclistes», écrivait le ministère fédéral dans un communiqué, en février dernier.

Une parcelle de près d’un hectare avait aussi été vendue au gouvernement du Québec et doit lui être transférée au printemps 2022, pour que le ministère de l’Éducation y construise une nouvelle école secondaire anglophone.

Le processus ne semble pas en voie de se conclure, le ministère de la Défense ayant répondu jeudi qu'il était encore «trop tôt pour discuter des détails additionnels». 

«Bien que nous n’ayons pas encore pris de décision au sujet du dessaisissement du reste de la propriété, les discussions se poursuivent avec les groupes autochtones intéressés concernant les plans futurs possibles», a-t-on acheminé par courriel au Soleil. Il n'a par contre pas été possible de savoir si des discussions étaient entamées avec d'autres acteurs.

«Nous sommes convaincus que ces discussions nous aideront à prendre une décision éclairée qui offrira le plus grand avantage à tous les membres de la collectivité [...] Ces discussions constituent une partie importante de notre processus d’application de diligence raisonnable et prennent du temps, selon la complexité du dossier».

Annoncé vaincu à peine quelque minutes après la fermeture des bureaux de vote, il est parvenu in extremis à remporter la mairie avec à peine quelques centaines de voix d’avance sur sa principale rivale, Marie-Josée Savard, dauphine du maire sortant, Régis Labeaume.

Toutefois, ce dont on parle peut-être le plus depuis sa victoire, ce n’est ni de son parcours professionnel atypique, ni de ses résultats électoraux. Il s’agit de ses souliers de course qu’il a l’habitude de porter en toutes occasions. D’un point de vue de communication politique, cela est loin d’être anodin.

Le nouveau maire se présente comme un rassembleur et rejette ce qu’il appelle «la politique de niche», une stratégie politique qui se concentre sur certaines clientèles électorales plutôt que sur l’ensemble de l’électorat. Depuis sa victoire, il ne cesse de répéter qu’il veut mettre les considérations partisanes de côté. Bref, il semble aux antipodes du marketing politique que l’on réduit souvent à tort au clientélisme électoral, des termes qui ont bien mauvaise presse.

Pourtant, comme d’autres nouveaux élus avant lui, Bruno Marchand est bel et bien en train de se construire une marque politique. Mes recherches portent notamment sur l’étude des stratégies de communication politique, dont le marketing politique est un élément incontournable. À mon sens, le nouveau maire de Québec nous offre un bon exemple de ce phénomène.

La marque politique comme outil de positionnement

En science politique, le marketing politique se caractérise par l’adaptation de techniques propres au marketing commercial à des fins électorales et de gouvernance. Alors que l’électorat est de plus en plus volatil et peu intéressé par la chose politique, les partis et leurs candidats tentent de développer une «offre» politique capable de rejoindre des électeurs ciblés en fonction de leurs intérêts et de leurs besoins.

Cette offre prend diverses formes. Les promesses électorales en sont un élément manifeste, mais cela va bien au-delà du contenu des plates-formes électorales. La marque politique, tout comme c’est le cas pour la marque commerciale d’une entreprise, sert à exprimer une offre dans son ensemble que l’on cherche à associer à des émotions, à un «style», une philosophie. C’est un outil de positionnement qui permet de traduire facilement toute la complexité du monde politique en quelque chose de simple et d’attrayant.

Ainsi, de la même manière que l’on associe spontanément certaines caractéristiques et émotions à des entreprises commerciales — l’innovation et le design à la marque Apple par exemple — on cherche à produire le même effet d’association pour des entreprises politiques.

Plus qu’un logo ou un slogan, la marque se doit d’être incarnée pour être efficace. Elle s’applique donc à un parti, à ses candidats et à son chef, ce dernier étant le principal ambassadeur — si ce n’est l’élément central — de l’offre politique. Pour les nouveaux visages, projeter une marque forte est capital. Laisser les adversaires définir son image peut avoir des conséquences politiques désastreuses.

Des souliers comme élément de communication

Mais que viennent faire les souliers de Bruno Marchand dans toute cette histoire? Loin d’être un détail, ils en disent long sur la personnalité du maire de Québec, laquelle est l’élément de base de la marque politique qu’il désire projeter.

Le nouveau maire dit ne pas croire en l’axe gauche-droite au palier municipal et qualifie son parti d’extrême centriste. Ce n’est donc pas sur la base un positionnement politique original qu’il tente de se définir politiquement, mais davantage à partir d’un positionnement personnel.

Plusieurs ont souligné qu’il a su s’imposer dans une course à cinq alors qu’il n’était pratiquement pas connu du grand public. À l’annonce de sa victoire, il a déclaré aux journalistes : «C’est une course, ça s’est fini au sprint, alors ça prenait des chaussures en conséquence!»

Les analogies sportives font fréquemment partie de son discours et ses publicités télévisées le montraient d’ailleurs en train de courir.

Si l’homme est sportif, le politicien l’est aussi. Voilà ce qui semble constituer les éléments principaux d’un récit qui forme la pierre angulaire de la « marque Bruno Marchand ». Ses souliers de course représentent un trait caractéristique de sa personnalité. Il en fait un élément de communication politique. Ils envoient un message d’authenticité, de détermination et de persévérance. C’est, de toute évidence, ce que lui et son équipe cherchent non seulement à projeter, mais à incarner, à rendre tangible aux yeux des citoyens.

Une marque qui dépasse son principal ambassadeur

La marque est déjà reprise et discutée, ce qui laisse à penser qu’elle est efficace. Pensons ici aux paris sur les médias sociaux quant à la couleur de ses souliers lors de sa participation à l’émission Tout le monde en parle, ou encore à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, qui s’est présentée chaussée de ses propres souliers de course lors de sa première rencontre officielle avec le maire.

La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest (gauche), s’est présentée chaussée de ses propres souliers de course lors de sa première rencontre officielle avec le maire (droite).

L’image marque les esprits. La marque est reprise et on tente de s’y associer.

Soulignons que cette marque politique ne servira pas uniquement Bruno Marchand personnellement. Elle risque de définir aussi son mandat comme maire, si ce n’est l’image même de la ville. En effet, le marketing politique ne disparaît pas avec les isoloirs entre les périodes électorales. Il joue aussi un rôle en période de gouvernance. La marque personnelle des élus tend à s’imposer à celle des administrations qu’ils dirigent. Comme la marque Régis Labeaume a contribué à redéfinir la «Vieille Capitale», fort à parier que celle du nouveau maire transformera aussi à sa façon celle de Québec.

Ainsi, depuis quelques mois déjà, Bruno Marchand semble être en train de laisser sa marque… aux pas de course.

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Ce texte est d'abord paru sur le site franco-canadien de The Conversation. Reproduit avec permission.

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Les boîtes ne sont pas encore tout à fait défaites dans le bureau du maire, mais la présence de Bruno Marchand s’impose déjà.