«D’abord, je fais confiance au SPVQ», a répété le premier ministre, mardi, à Québec, en marge d’une conférence de presse sur la pénurie de main-d’œuvre.
Pour l’instant, M. Legault ne fait pas appel au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). Mais il garde la porte ouverte pour la suite.
Les dirigeants du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) «comprennent très bien que le lien de confiance entre les citoyens et les policiers est fragile et je leur fais confiance. Ils vont faire une enquête rapide à l’interne. Il y a aussi le Commissaire à la déontologie. Ma collègue Geneviève Guilbault leur a demandé de faire une enquête, a poursuivi M. Legault.
«Et si c’est nécessaire, je suis prêt à aller plus loin. Mais ce que je veux dire, entre autres aux gens de Québec, c’est que je vais aller, on va aller, au fond des choses. Tant que je ne serai pas satisfait des réponses et que ce ne sera pas une situation très claire, je veux être capable de m’assurer si oui ou non il y a un problème avec certains policiers.»
Sur l’urgence de suspendre ou non les agents impliqués, le premier ministre Legault s’en remet à leurs patrons. «Je fais confiance à la direction du SPVQ, en attendant le résultat de leur enquête qui devrait être rapide», a-t-il résumé, avant que le SPVQ annonce la suspension de cinq policiers impliqués dans les événements.
Au SPVQ «d'examiner ses propres pratiques»
Quelques minutes plus tard au Salon bleu du parlement, de l’autre côté de la rue, Mme Guilbault, ministre de la Sécurité publique, vice-première ministre du Québec et ministre responsable de la Capitale-Nationale, a rappelé l’indépendance totale dont jouit l’institution du Commissaire à la déontologie policière.
Elle a aussi promis que les résultats de l’enquête du Commissaire à la déontologie seront rendus publics, dans la mesure du possible. Elle confie avoir pensé à confier le mandat au BEI dès le lendemain, mais estime le rayon d'action du Commissaire à la déontologie plus large
À sa sortie de la période de questions, les journalistes lui ont appris la suspension de cinq policiers impliqués.
«Il y a toujours beaucoup d’informations sensibles dans ce genre d’enquête. On voit, déjà, ils en sont à des suspensions. Donc, il y a des processus et des démarches en cours, qui sont évolutives et, à mesure, amènent des décisions, a-t-elle fait valoir.
«C’est à la direction du Service de police de la Ville de Québec d’examiner ses propres pratiques, de tirer les constats qui s’imposent et s’il y a des changements à faire, que ce soit dans les pratiques, dans l’organisation du travail ou dans l’éventuel plan d’action. Toute la question des relations avec les communautés culturelles est au cœur des questionnements de tous nos grands corps de police au Québec», a affirmé la ministre, assurant que l'aspect du profilage racial peut être abordé par le Commissaire à la déontologie policière.
«Ça ne m’arriverait jamais à moi»
Plus tôt en journée, l’idée de s’adresser au BEI pour enquêter faisait consensus parmi les oppositions.
«Ma première réaction, quand j’ai vu ces images-là, ça a été de me dire : “mon Dieu! Ça, ça ne m’arriverait jamais à moi. Avec le profil que j’ai, ce dont j’ai l’air, comment je m’habille, ça ne m’arriverait pas, ça. Je ne me ferais pas garrocher de la neige dans la face pendant que je me fais donner des coups par un policier. Ça ne m’arriverait pas, ça”», a commenté le co-porte-parole et chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, mardi en mêlée de presse au parlement.
«Cet événement-là a toutes les apparences d’un cas de profilage racial et, pour aller au fond de cette question-là, pour faire toute la lumière, il nous faut une réelle enquête indépendante», a-t-il poursuivi.
Le mandat du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) stipule toutefois qu’«en aucun temps, le BEI ne peut enquêter sur la conduite d’un policier qui aurait commis une faute professionnelle en vertu du Code de déontologie policière. C’est le Commissaire à la déontologie policière qui reçoit et examine les plaintes formulées, notamment à l’endroit des policiers, en cette matière».
La ministre Guilbault suit justement cette avenue d’une possible faute professionnelle en remettant le dossier entre les mains du Commissaire à la déontologie.
«D’abord, on ne s’oppose pas à la tenue d’une enquête par le commissaire à la déontologie, a précisé M. Nadeau-Dubois. C’est un des moyens. Qu’il soit utilisé, c’est très bien. Par contre, ce qu’il faut, c’est faire la lumière sur l’ensemble de l’événement, l’ensemble des incidents. [...] C’est le BEI qui a l’instance, qui a la crédibilité puis toute l’indépendance de faire ces vérifications-là pour voir si l’ensemble de l’intervention policière a été faite dans les règles de l’art et vérifier s’il y a eu profilage racial.»
Son collègue solidaire de Québec Sol Zanetti a déposé en après-midi une motion demandant «au gouvernement de mettre sur pied un comité expert chargé de réaliser une étude indépendante concernant les relations entre le Service de police de la Ville de Québec et les personnes issues des minorités racisées». Motion toutefois refusée par le gouvernement de la Coalition avenir Québec.
Suspendre les policiers?
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, dit préférer «nettement une enquête indépendante. Ce qui veut dire une enquête menée par le BEI, ce serait nettement plus transparent, indépendant. Et, à ça, on ajoute une recommandation, c’est la cinquième fois qu’on revient là-dessus, les caméras corporelles pour les policiers, ça nous permettrait de faire la lumière beaucoup plus rapidement…»
Au Parti libéral, le porte-parole en matière de sécurité publique, Jean Rousselle, avait évoqué dès dimanche le besoin d’aller plus vite dans l’installation de caméras portatives sur l’uniforme des policiers, au lendemain de la publication d’images de l’arrestation survenue dans le secteur de la Grande Allée. La cheffe libérale, Dominique Anglade, se disait pour sa part ouverte à une enquête du BEI.
Mardi matin, le leader parlementaire libéral, André Fortin, en a ajouté en se disant d’accord avec la suspension des policiers impliqués dans ces événements durant l’enquête les concernant.
Si le PQ préférerait attendre les résultats de l’enquête avant de statuer sur le sort des représentants de l’ordre, QS se situe entre les deux, disant s’attendre «à ce que le Service de police de la ville de Québec, rapidement, nous dise ce qui va se passer avec les agents qui sont impliqués».