Question : L’installation de votre alambic s’est passée comment?
Réponse : Il a d’abord fallu rassurer l’employeur français que son technicien ne se retrouverait pas en prison pour viol des règles de santé publique et des douanes. Il y avait un doute que les douaniers le laisseraient passer ici parce qu’il n’avait pas écrit qu’il viendrait aussi à Caplan après une première installation à Montréal. Il avait fallu auparavant que je lui trouve les papiers pour nous assurer qu’il n’allait pas se faire virer de bord en entrant au Canada. Son séjour à Montréal avait été réglé parce qu’il allait en confinement sur les lieux du travail. Comme il devait quitter pour venir chez moi, (…) j’ai réussi à mettre le technicien en contact avec la santé publique. S’il était arrêté, on montrerait des papiers disant qu’il y avait transfert de lieu de quarantaine. Comme il arrivait en France, je me suis mis en quarantaine avec lui. J’ai installé des lits de fortune, des lits de camp en fait, dans la distillerie, moi dans le coin boutique, dans les t-shirts, lui dans l’entrepôt, derrière une montagne de palette. J’ai organisé une douche, montée dans l’entrepôt, avec un vrai pommeau de douche, trois murs formés avec des panneaux de bois et des rideaux faits avec les toiles de plastique enveloppant les caisses de l’alambic. Le boyau de jardinage était branché sur le robinet de l’entrepôt. C’est l’autre qui contrôlait l’arrêt de l’eau de la douche. La nourriture a été livrée pendant les sept jours du temps d’installation!
Question : Vous aviez 1,6 million $ investis et pas un sou d’entrée de revenus il y a un an. Est-ce que la situation financière de l’entreprise est bonne, malgré ce départ décalé?
Réponse : Ça s’est bien passé parce que la clientèle régionale a répondu. Nous avons vendu 1500 bouteilles de notre gin lors de la fin de semaine d’ouverture, et 3500 lors de la première semaine, à la distillerie. Ça nous a donné de l’oxygène tout de suite. Ça va faire un an que nous avons fait notre première vente le 29 novembre et on a dépassé nos objectifs depuis l’ouverture. Les SAQ (Sociétés des alcools) locales ont été très dynamiques. Ç’a peut-être été moins la manne qu’ils pensaient, parce que la distillerie est très proche d’eux géographiquement et qu’en février, quand nous sommes entrés à la SAQ, les gens locaux avaient déjà acheté notre produit. On a quand même eu plusieurs commandes de la SAQ, dont une de 200 caisses avant qu’on produise. Après cette première commande, la SAQ a rappelé pour dire : « on en veut le plus possible ». J’ai regardé ce que j’avais et j’ai envoyé tout ce que j’ai trouvé, 360 caisses, puis j’ai reçu une autre commande de 400 caisses. Maintenant, on envoie 300 caisses aux deux mois à la SAQ. Tout ça, c’est venu stabiliser une situation un peu plus incertaine, avec la COVID, alors qu’on se demandait comment l’argent allait rentrer, entre autres pour payer les frais supplémentaires venus avec la COVID. L’entreprise est en santé; on peut arrêter de penser qu’on est en survie. »
Question : Vous avez débuté comme le seul employé de l’entreprise. Est-ce toujours le cas?
Réponse : Les bénévoles sont toujours là pour l’embouteillage. C’est le cas aujourd’hui avec Danielle, qui ne veut pas que je donne son nom de famille. J’ai maintenant deux employés permanents et au cours de l’été, nous avons eu deux employés supplémentaires. Nous avons eu un bel achalandage touristique. C’était parfait, ça nous a mis dans le « rush ». Ça nous donne plein d’expériences-clients pour l’année prochaine. Ce sera encore mieux l’an prochain.
Question : Après le gin, vous aviez le whisky dans votre mire, il y a un an. Ça avance?
Réponse : On a commencé le whisky. La COVID a tout retardé de six mois, mais on commence maintenant avec le whisky, un an en retard. J’ai ma base à fermenter et dans les semaines qui viennent, on amorcera notre première distillation. Ça prendra ensuite trois ans de vieillissement, trois ans au minimum avant de le boire, donc ça ira en 2025, plutôt que 2024. Je garde une marge de manœuvre prudente.
Question : Y aura-t-il d’autres projets de distillation, et comment recevez-vous la reconnaissance de la Chambre de commerce de la Baie-des-Chaleurs?
Réponse : En ce qui concerne la Chambre de commerce, je suis content, bien sûr. C’est une belle reconnaissance; je ne suis pas en affaire pour ça mais quand ça arrive, en dehors de notre grotte d’entrepreneur, ça donne de l’énergie pour continuer.
Pour la suite, j’ai toujours envie de travailler sur un paquet de projets en attente, comme un brandy de pomme. C’est un test qui ne se rendra pas à une démarche commerciale, je pense. On a cueilli une tonne de pommes, on a entreposé, transformé, pressé et on fait fermenter une tonne de pommes. C’est une fermentation spontanée. On va ensuite distiller tout ça, pour avoir une idée de ce que donnerait une tonne de pommes! Est-ce que ça se conserve bien? On verra. Je voulais voir avant d’arriver à gérer ça. J’ai hâte de goûter. Il y a aussi l’Acerum, l’alcool à base d’érable. J’ai envie d’essayer. Ça fait partie de la volonté d’avoir du plaisir, de ne pas me limiter à des projets économiques (…) Je fais partie des pionniers. Il s’agit d’une base de sucre d’érable fermentée et distillée. Ça se rapproche du rhum. Si c’est distillé un peu plus, ça tend vers la téquila, mais on n’est pas dans le whisky à l’érable; c’est sec. »