Je fais évidemment allusion à la crise climatique que nous nous apprêtons à traverser. Alors que certaines personnes préfèrent s’enfermer dans le déni, les scientifiques du GIEC s’efforcent de nous rappeler qu’au rythme où les choses évoluent, la Terre pourrait devenir hostile à la vie humaine d’ici moins de 500 ans. Cela peut paraître une éternité, mais à l’échelle géologique, c’est un battement de cils. Et surtout, nous n’aurons pas à attendre tout ce temps avant de subir les impacts du réchauffement. Les effets commencent d’ailleurs déjà à se faire sentir (canicules, inondations, feux de forêt, etc.).
Dans ce contexte, est-ce bien raisonnable de faire des enfants? Honnêtement, même si cela me fait mal de l’admettre, je crois que le choix de faire des enfants est pour le moins «discutable». Pas seulement parce que leur avenir est incertain, mais aussi parce que la surpopulation fait elle-même partie du problème. Le désir d’enfant est évidemment naturel et compréhensible, mais il n’en est pas moins devenu un luxe. D’un certain point de vue, du moins. Car faire des enfants peut aussi être considéré comme un acte de rébellion, une manière d’exprimer notre refus de renoncer en dépit de la menace qui plane sur nous. En ce sens, les enfants sont peut-être un symbole d’espoir.
Mais il faut demeurer réaliste et pragmatique. Les défis qui nous attendent sont immenses et sans précédent. Et je mentirais si je disais que je suis optimiste. Car en plus des gens qui nient carrément le problème, il y a tous ceux qui refusent de renoncer à leur confort et à leurs privilèges. Ils reconnaissent qu’il y a un problème, mais ils se défilent dès lors qu’ils doivent fournir le moindre effort notable. Ils se cherchent constamment des excuses et des échappatoires.
Parmi les prétextes faciles, on entend souvent dire que les Chinois sont les plus grands pollueurs de la planète, donc que nos efforts ici sont dérisoires. Il est vrai qu’au chapitre des émissions de gaz à effet de serre, la Chine est devenue championne toutes catégories. Notons cependant que ces émissions sont en grande partie dues à l’exportation de biens de consommation, lesquels sont destinés aux marchés européens et nord-américains. Autrement dit, la pollution chinoise sert à alimenter et à maintenir notre propre mode de vie. Soulignons aussi qu’en terme d’empreinte carbone ramenée au nombre d’habitants, le Canada et les États-Unis se trouvent bien au-dessus de tous les autres pays occidentaux et de la Chine. Bref, nous n’avons de leçons à donner à personne.
Cela dit, devant l’immensité des défis qui nous attendent, je peux comprendre que certaines personnes aient envie de baisser les bras. Je comprends le sentiment d’impuissance. Il n’en demeure pas moins que nous avons une responsabilité historique à assumer. Et à ce propos, je crois que nous sommes en droit d’attendre beaucoup plus de la part de nos décideurs politiques et des dirigeants d’entreprises. Ce sont eux qui tiennent les principaux leviers du changement. Les leviers de notre avenir.
Il n’y a pas d’échappatoire. Quand bien même tous les autres pays ne feraient pas leur part, nous devons devenir des modèles à suivre et nous inspirer des meilleurs. Par exemple, nous pourrions nous inspirer des Norvégiens qui en sont déjà à plus de 75% d’électriques parmi les nouveaux véhicules vendus. Pendant ce temps, au Québec, certaines personnes tentent de nous faire croire que mettre fin à la vente de véhicules à essence en 2035 est un objectif irréaliste. Dans le même ordre d’idée, plutôt que promouvoir le coûteux et surréaliste projet de troisième lien entre Québec et Lévis, le gouvernement du Québec devrait davantage soutenir les initiatives favorisant la transition énergétique et l’électrification des transports. Irréaliste, ça aussi?
À mon avis, tout est une question de volonté. Et une question de volonté politique, surtout. Voilà pourquoi je ne suis pas très optimiste. Car tant que nos décideurs seront davantage intéressés par le profit et la croissance économique que par l’environnement, les choses ne pourront aller qu’en se détériorant. Et tant que la majorité des citoyens va se complaire dans le confort et l’indifférence, je continuerai de m’inquiéter pour l’avenir de nos enfants. Ça ne sera probablement pas la fin du monde, mais certainement la fin d’un monde. Et celui qui s’apprête à émerger ne s’annonce pas particulièrement radieux.
L’histoire? Quelle histoire?
En terminant, j’aimerais faire un rapide retour sur ma précédente chronique et certaines réactions qu’elle a suscitées. Parce que j’ai salué l’initiative du Canadien de souligner avant chaque match local qu’il est disputé sur un territoire autochtone non cédé, on m’a accusé de faire révisionnisme historique. On m’a fait remarquer que cette position ne concorde pas avec les données historiques dont nous disposons. Je comprends, mais le problème est ailleurs. Le problème, c’est la notion même de propriété, laquelle n’a pas vraiment de sens dans les traditions autochtones. Du point de vue autochtone, on parle plutôt d’appartenance au territoire, ce qui est très différent. Bref, je ne prétends pas détenir la réponse, mais je note simplement que cette question est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît et qu’il n’y a pas seulement le point de la vue occidentalocentriste qui doit être considéré. C’est carrément deux visions du monde différentes qu’il faut chercher à réconcilier. Deux versions de la vérité historique.