Jean Sioui et le Wendake de son enfance

Avec son nouveau livre, Jean Sioui convie ses lecteurs à marcher dans les rues du Wendake de son enfance.

À quoi ressemblait Wendake il y a cinquante, soixante ans? Jean Sioui invite ses lecteurs à le découvrir dans Yändata’ : L’éternité au bout de ma rue. Avec ses récits, le poète wendat glisse dans ses souvenirs avec des yeux d’enfant et se remémore des coins de rue, des visages ou encore des anecdotes qui ont marqué son imaginaire.


Q M. Sioui, j’aimerais commencer l’entrevue en vous demandant ce que représente pour vous le terme «yändata’», qui signifie «mon village». Parce que vous semblez l’associer, dans l’ouvrage, à quelque chose de surréel.

R Oui, je voulais laisser aux lecteurs la possibilité de s’imaginer un endroit, de le créer et d’y marcher grâce au livre. Parce que je parle de Wendake, mais aujourd’hui le village ne ressemble plus du tout à celui de l’époque, à celui que je décris.

Q Pourquoi avez-vous eu envie de replonger dans le Wendake de votre enfance et de mettre ces souvenirs sur papier?

R Parce que, quand je rencontre des aînés ou des gens de mon âge, on s’amuse beaucoup à se rappeler ce qu’on a vécu et à regarder ce qui reste de tout ça.

Il y a aussi les nouvelles générations de chefs, de conseillers ou les jeunes qui vivent dans Wendake, qui n’ont pas connu cette époque et qui ne peuvent pas nécessairement décrire la réserve indienne comme elle était. Je pense que mon livre peut ajouter des détails à ce qu’ils savent déjà pour qu’ils connaissent mieux l’histoire de ce village qui a bien changé avec le temps.

Q Vous parlez d’héritage dans votre ouvrage. Écrire ces récits venait donc avec une volonté de léguer votre mémoire et votre «vision du monde»?

Oui, mais il faut faire attention. Ce que j’écris est presque vrai. Yändata’ : L’éternité au bout de ma rue est aussi un roman. Je me suis amusé à ajouter ou supprimer certaines choses. […]

J’ai voulu concentrer mes récits sur des lieux, sur des gens, sur des activités, sur des souvenirs qui me sont chers. Je me suis concentré, en fin de compte, sur la vie à cette époque. Mon livre n’est ni ma biographie ni un manuel d’histoire. C’est un livre qui peut faire rire ou émouvoir. Ce que j’ai voulu mettre par écrit ici, ce sont un peu mes mémoires.

Q Vous dites ressentir «l’heureux fantasme d’un ancien temps» dans l’ouvrage. Iriez-vous jusqu’à dire que vous êtes nostalgique ou mélancolique face à cette époque?

Oui, je suis peut-être dans les deux. Mais je suis aussi dans l’amusement, dans le souvenir.

Par exemple, je suis récemment allé à la chasse en territoire avec des amis. Quand on rentre le soir, on se raconte des histoires. Dans le camp, on se rappelle ce genre d’histoires. On dit «Dans le temps, quand j’étais jeune…» C’est un peu le thème du livre de revenir à ces choses-là.

Dans le livre, j’ai aussi essayé d’écrire ces histoires comme on raconte les contes autochtones. Je pourrais le réécrire demain et certains détails pourraient changer!

Q Je cite un bout de votre épilogue : «On n’aurait pas dû autant brasser les choses dans le yändata’». Qu’est-ce que vous entendez par rapport à ça? C’était «mieux avant»?

Je crois qu’il y a une perte d’identité, une perte culturelle de ce qu’était Wendake à l’époque. Aujourd’hui, comme la plupart des gens, on pense à l’économie, à la modernisation. Mais je crois que l’image de Wendake se perd un peu. On prend moins soin de notre patrimoine. […] Il n’y a plus aucun vestige de ce qu’il y avait avant sur la rue où j’ai vécu. Quand les gens qui y habitaient ont quitté leur demeure, les nouveaux acheteurs ont donné une autre vision à la maison ou au commerce. Si on conservait certains vestiges, certains bâtiments, il y aurait peut-être là un attrait touristique intéressant et informatif.


Q Pourrait-on dire que votre livre n’est donc pas seulement qu’un voyage dans le Wendake d’avant, mais qu’il est aussi parsemé de réflexions sur l’époque actuelle?

R En fait, c’est un voyage qui peut être parfois comique, émouvant, historique, politique. Je crois qu’il y a de tout.

Q Êtes-vous inquiet quant au futur de Wendake?

Inquiet, c’est peut-être un grand mot. Je suis un éternel optimiste et j’ai beaucoup de confiance envers nos jeunes. Or, ces jeunes, il faut les nourrir, pour qu’ils sachent. On doit leur donner une certaine liberté.

Qu’est-ce que sera demain? Je ne peux pas l’assurer. Mais je crois que les gens chez nous savent qui ils sont. […] Maintenant il y a de plus en plus d’outils pour apprendre l’histoire et mieux la connaître. On peut se nourrir à plein d’endroits. Je pense qu’on fait de plus en plus ce qu’il faut pour aider ces futures générations.

Jean Sioui participera à la 10e édition du Salon du livre des Premières Nations qui se tiendra du 18 au 21 novembre.

Yändata’ : L’éternité au bout de ma rue est offert en librairie.

<em>Yändata’ : L’éternité au bout de ma rue</em>, Jean Sioui, 164 pages.