Les récentes œuvres de Natasha Kanapé Fontaine ne sont pas aux antipodes les unes des autres. De près ou de loin, elles abordent toutes la question de l’affirmation de soi et de ses racines.
«C’est ma quête. Moins identitaire. C’est plus l’envie de vouloir me reconnecter à ma culture innue dans son essence», explique l’artiste originaire de Pessamit, qui étudie en ce moment à la maîtrise et qui prépare un essai littéraire sur la philosophie innue dans le cadre de son projet de mémoire.
En entrevue au Soleil, l’écrivaine souligne ainsi que son nouveau livre, sa tournée de spectacles et son mini-album représentent, en fait, une suite logique d’événements : les œuvres illustrent en quelque sorte le chemin qu’elle a parcouru dans la dernière décennie.
Dans son tout premier roman à paraître, Nauetakuan, un silence pour un bruit, Natasha Kanapé Fontaine met notamment en scène une protagoniste qui embrasse ce qu’elle est grâce à l’art : «Autant je partage ma quête identitaire personnelle, autant je sais qu’il y a plusieurs personnes qui vivent quelque chose de semblable, donc j’ai voulu raconter une histoire parmi d’autres.
«Qu’est-ce que c’est que d’être autochtone au Québec, au Canada. Comment on fait pour se retrouver?»
La jeune femme a eu besoin de lire une panoplie de romans rédigés par des auteurs autochtones avant de se lancer dans ce genre qu’elle n’avait jamais expérimenté.
La poète confie avoir rapidement retrouvé ses traces et affirme que le public retrouvera le même univers et la même vision que dans ses recueils. Celle qui a laissé aller sa prose et son esprit créatif estime ainsi partager dans l’ouvrage «[ses] expériences et celles de [sa] génération».
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Si son spectacle Nui Pimuten — Je veux marcher s’enracine quant à lui dans un cheminement de réappropriation culturelle, son premier album s’insère lui aussi «dans cette continuité».
«Maintenant, j’ai envie d’aller dans le bois, de connaître la vie de mes ancêtres, leurs réflexions, les sensations qu’ils éprouvaient en vivant comme ça. Quand je reviens en ville, je suis habitée de tout ça», ajoute celle qui préfère que son nom de scène soit Natasha Kanapé afin de rendre hommage à la tradition musicale innue et de s’inscrire dans «une lignée de performeurs, de chanteurs et de compositeurs».
Alors que les musiciens lancent généralement leur album avant de partir en tournée, l’amoureuse des mots a quant à elle décidé d’emprunter le chemin inverse. Les six morceaux de Nui Pimuten, tirés de son spectacle, sont donc ceux dont le texte et la musique avaient atteint «une pleine maturité».
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Préserver la langue
Ceux qui suivent les différents projets de l’artiste l’auront remarqué : la langue innu-aimun prend de plus en plus de place dans sa carrière. Il s’agit d’une évolution lente, mais sûre pour celle qui aimerait créer des œuvres complètes dans sa langue maternelle afin que celle-ci demeure vivante.
«Mon rêve, c’est d’écrire des pièces de théâtre toutes en innu-aimun et un jour n’écrire que des textes en innu-aimun.»
Sur la bonne voie, l’écrivaine sera de passage dans la capitale, dans le cadre du Salon du livre des Premières Nations, afin de faire une lecture de l’essai biographique Je suis une maudite sauvagesse d’An Antane Kapesh, un texte fort et important dans la littérature autochtone. Fière de présenter ce spectacle de 75 minutes en innu-aimun sous-titré en français, Natasha Kanapé Fontaine confie d’ailleurs qu’An Antane Kapesh représente un modèle pour elle.
«C’est elle qui m’a donné la flamme revendicatrice, qui m’a inspiré pour ne pas avoir peur de parler. J’ai lu son livre à dix-sept ans et je me suis dit : “Si une femme innue pense comme ça, je peux me permettre de le faire aussi”. Pour dénoncer, mais surtout pour dire la vérité à propos de ce qui se passe dans les communautés», explique-t-elle.
Pour l’autrice, il est donc nécessaire de faire des efforts et de multiplier les espaces où les langues autochtones pourront être parlées : «On sait maintenant que nos enfants parlent juste français. Il y a un risque que la langue commence à s’effriter d’ici les dix prochaines années. Ça fait un peu peur.
«Pour moi, lire sur scène, pendant 75 minutes, un texte en innu-aimun, c’est probablement l’une des choses les plus fortes que je puisse accomplir.»
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Tournée vers l’avenir
Un personnage principal qui lui rappelle sa propre quête; la chanson, Lames de tannage, qui la ramène à ses premières manifestations; la lecture du texte d’An Antane Kapesh, qui lui a insufflé une bonne dose de confiance : Natasha Kanapé Fontaine abordera tout au long de l’entrevue ses débuts de carrière, mais aussi les nombreuses idées qui l’habitent pour le futur.
«Maintenant, je suis entourée de gens et surtout de femmes qui me guident et qui m’amènent à reconnaître mon potentiel. […] Je pense que les créations dont on parle aujourd’hui sont la preuve que je suis rendue dans autre chose. Mais je ne le réalise peut-être pas encore», explique celle qui se sent dorénavant bien connectée à ce qu’elle souhaite créer.
Bien qu’ancrée solidement et en pleine maîtrise de son métier, la poète confie avoir quelquefois le vertige devant tout ce qu’elle a accompli dans les dernières années. Reconnaissante envers ceux qui l’ont poussé et qui ont cru en elle, l’artiste bien humble se dit chanceuse de pouvoir dorénavant envisager «toutes les possibilités» de projets qui correspondent à ce en quoi elle croit, notamment l’échange et le respect entre les peuples et les cultures. Léa Harvey
Un premier EP…
Nui Pimuten est le premier EP de Natasha Kanapé. Les six chansons tirées de son spectacle éponyme allient slam, chant et poésie, en français et en innu-aimun, sur des airs doux «entre le folk et la musique ambiante». Comme sur scène, elle est ici accompagnée du multi-instrumentiste Manuel Grasse. Le mini-album sera offert en version numérique dès le 19 novembre. Natasha Kanapé présentera Nui Pimuten — Je veux marcher au théâtre Petit Champlain le 25 novembre. Léa Harvey
…et un premier roman
Avec Nauetakuan, un silence pour un bruit, l’écrivaine quitte momentanément la poésie pour se concentrer sur le roman. Dans cet ouvrage de 364 pages, Natasha Kanapé Fontaine met en scène M., une étudiante au baccalauréat en histoire de l’art qui vient tout juste d’abandonner son programme. En quête d’elle-même, elle vit une épiphanie lorsqu’elle rencontre les œuvres d’une artiste issue des Premières Nations. Le livre sera offert en librairie à partir du 24 novembre. Léa Harvey