Au moment d’écrire ces lignes, la pétition, lancée le 27 octobre sur la plateforme LesLignesBougent.org, avait reçu l’appui de près de 1400 signataires qui réclament l’intervention d’Ottawa dans une sauvegarde rapide du phare de Cap-des-Rosiers. Depuis 1997, aucune rénovation majeure n’a été effectuée sur la structure par le gouvernement fédéral, qui en est pourtant propriétaire, mis à part quelques réparations d’urgence, en 2019.
Construit entre 1854 et 1859, le phare de Cap-des-Rosiers, situé dans le village du même nom à quelques kilomètres de Gaspé, est le dernier survivant de quatre «tours impériales», des phares de plus de 30 mètres, construits à l’époque pour assurer la navigation dans le Saint-Laurent. Du haut de ses 34 mètres, le phare gaspésien est aujourd’hui le plus haut du pays.
La pétition a été lancée à la suite d’une publication sur le groupe Facebook «Gaspésie, je t’adore», explique l’instigateur, Robert Savoie. Après avoir publié une photo du phare, qui s’est imposé au fil du temps comme un symbole de la Gaspésie, M. Savoie a été mis au courant des problèmes d’infiltration d’eau. L’appui des membres à une éventuelle pétition réclamant sa restauration a poussé le Gaspésien à lancer l’initiative.
«Dans un monde idéal, je souhaite que la pétition devienne virale et que le ministre du Patrimoine, M. Pablo Rodriguez, n'ait d'autres choix que d'en faire son cheval de bataille», espère M. Savoie. «Pour moi, ce phare est un monument qui symbolise la résilience d'un peuple», ajoute-t-il. «C’est notre patrimoine historique et on doit en protéger l'intégrité pour les générations futures.»
Robert Savoie n’a pas d’objectif précis en termes de nombre de signataires, notant que la pétition sera envoyée aux décideurs «si le nombre le justifie». Une pétition semblable, lancée en 2014, avait récolté un peu plus de 2000 signatures.
Les différents intervenants régionaux proposent d’intégrer le phare de Cap-des-Rosiers au parc Forillon, situé à quelques mètres de là. Par ce transfert, le phare passerait des mains de Pêches et Océans Canada à Parcs Canada, un organisme dont la mission vise notamment à protéger des infrastructures patrimoniales.
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En 2015, la députée et ministre régionale libérale, Diane Lebouthillier, a lancé des démarches en ce sens avec Parcs Canada, qui n’ont finalement jamais abouti. À de nombreuses reprises, la ministre a soutenu que «le phare [...] n’est pas en péril actuellement», ajoutant que ce dernier «était là avant nous, et il va sans doute nous enterrer». Lors de la dernière campagne électorale, Mme Lebouthillier a affirmé que Parcs Canada «n’avait pas les moyens» de prendre en charge et assurer les réparations sur le phare de Cap-des-Rosiers.
Les derniers chiffres, qui datent de 2017, estiment qu’il en coûterait au moins 7 M$ pour effectuer une réfection complète.
La ministre et son équipe n’ont pas répondu à la demande de commentaires du Soleil.
Un enjeu politique récurrent
C’est loin d’être la première fois que le phare de Cap-des-Rosiers fait les manchettes. Au cours des dernières années, nombre d’organismes, de groupes citoyens et d’élus ont tenté de faire débloquer le dossier. La ville de Gaspé a même officiellement demandé à Ottawa de prendre ses responsabilités. Lors de la dernière campagne électorale, la caravane du Bloc québécois s’y était même arrêtée pour dénoncer l’inaction d’Ottawa.
Le président de l’organisme Patrimoine Gaspésie, l'historien Jean-Marie Fallu, a tenté à deux reprises de faire du phare de Cap-des-Rosiers un enjeu électoral. En août dernier, M. Fallu avait interpellé directement le premier ministre Justin Trudeau, lui demandant d’agir. «C’est difficile de comprendre [le désengagement du gouvernement fédéral]», se désole-t-il. «La préservation et la mise en valeur du phare font consensus dans le milieu. Généralement, le politique s’en rend compte et s’en accapare», soutient M. Fallu.
Ce dernier croit toutefois que le nouveau ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, pourrait faire avancer le dossier. «Ça fait longtemps qu’on a pas eu un ministre responsable de Parcs Canada du Québec. C’est une bonne opportunité de faire avancer le dossier», espère-t-il.
«Le phare de Cap-des-Rosiers est une icône au niveau national [...] Il faut faire tout ce qu’on peut pour le sauver. Cette pétition est une autre preuve que les citoyens sont derrière le projet», conclut l’historien.