La volonté du gouvernement Legault d’«en prendre moins, mais d’en prendre soin» s’est donc clairement heurtée à deux murs: celui de l’aggravation de la pénurie de main-d’œuvre, désormais vue comme une crise dans tous les secteurs de l’économie, et celui de la fermeture des frontières en raison de la pandémie, qui a bloqué en grande partie l’immigration en 2020 et en 2021.
Ainsi, sans tambour ni trompette, le ministre du Travail, Jean Boulet, a annoncé par voie de communiqué jeudi que le Québec prévoit toujours accueillir entre 49 500 et 52 500 immigrants en 2022, comme le prévoit le Plan d’immigration gouvernemental, mais à cela s’ajoute un «rééquilibrage de 18 000 personnes immigrantes qui n’ont pas pu être admises en 2020», soit un total de 67 500 à 70 500 personnes.
Dans son communiqué, M. Boulet, qui est temporairement responsable de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration durant l’absence de sa collègue Nadine Girault, ne fait aucune mention de la pénurie de main-d’oeuvre, invoquant plutôt la relance économique. Il reconnaît cependant l’impact de la pandémie et de la fermeture des frontières sur l’immigration et précise que Québec «a demandé formellement au gouvernement fédéral d’accorder la priorité au traitement des demandes de résidence permanente des personnes qui sont déjà sur le territoire québécois» et réclame l’accélération du traitement de ces demandes.
Il ajoute que «le gouvernement n’a ménagé aucun effort pour assurer une véritable force d’intégration» des nouveaux arrivants et invoque des «investissements majeurs en francisation, en services d’accompagnement et d’intégration dans toutes les régions du Québec», sans toutefois présenter l’ajout de nouvelles sommes à celles déjà prévues.
Outre le nombre, le Plan d’immigration prévoit que «la proportion de personnes immigrantes connaissant le français au moment de leur admission devrait être autour de 82 % des admissions reportées de 2020», que «la cible (de) 65 % d’immigration économique en 2022 est maintenue» et que «71 % des admissions reportées de 2020 proviendront de l’immigration économique».
Tonnerre d’applaudissements dans le monde des affaires
La hausse du nombre d’immigrants attendus est unanimement accueillie avec enthousiasme dans le milieu des affaires, certains en demandant même encore plus.
C’est le cas de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), qui se réjouit également de la hausse des seuils d’immigration économique, sa présidente-directrice générale, Véronique Proulx, parlant «d’une réelle solution à la pénurie de main-d’?uvre. Le bassin de travailleurs n’est pas suffisant. Les entreprises s’arrachent les travailleurs: on déshabille Pierre pour habiller Paul», fait-elle valoir dans un communiqué.
MEQ demande du même souffle d’augmenter l’immigration économique permanente, d’accélérer le processus d’admission, de raccourcir les délais d’immigration au Québec, de créer un programme pilote d’immigration permanente pour le secteur manufacturier et de mettre sur pied des missions de recrutement international dans des pays de la Francophonie.
De son côté, le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Karl Blackburn, se dit «surpris et heureux par cette annonce inattendue». Le CPQ réclame une hausse des seuils d’immigration depuis longtemps pour s’attaquer aux besoins de main-d’œuvre. Il note toutefois que «le vrai défi pour le gouvernement est de s’assurer que la machine administrative soit en mesure de répondre aux attentes qu’il s’est fixées», soulignant les délais anormalement longs pour le traitement des demandes.
Enfin, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui représente les PME, estime que ce rattrapage est plus que nécessaire alors que «le tiers des PME doivent refuser des ventes et des contrats et repousser des projets d’affaires en raison de la pénurie de main-d’œuvre», souligne son vice-président au Québec, François Vincent.