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LES FAITS

La lettre en question dépeignait effectivement un portrait très sombre des effets de la 5G (et des autres formes radiofréquences comme celles des nos cellulaires) sur la santé, allant du cancer aux fausses couches en passant par la dégénérescence maculaire et le TDAH, sans oublier le déclin des abeilles… Le tout avec moult études et hyperliens à l’appui.

Cependant, quand on y regarde de plus près, on se rend vite compte que les auteurs de la lettre ne présentent qu’une partie bien particulière de la réalité, et en laissent tout un pan dans un énorme angle mort. Voyons quelques exemples.

- Pas des études. Certaines des sources qu’ils citent ne sont pas des études à proprement parler, mais plutôt des organisations militantes qui font activement campagne contre la 5G et les autres radiofréquences, comme Physicians for Safe Technology et le site Microwave News.

- Les mal citées. Dans d’autres cas, il s’agit d’authentiques études, mais qui ne disent pas vraiment ce que la lettre leur fait dire. Par exemple, les auteurs ont mis un hyperlien vers un article indiquant qu’une étude aurait trouvé un lien entre l’usage du cellulaire et «les dysfonctions de la reproduction». Cependant, quand on remonte à la source et qu’on lit l’étude en question, parue dans la revue savante Sleep en 2020, on réalise qu’elle ne met pas en cause les radiofréquences, mais suggère simplement un lien avec le manque de sommeil associé à l’usage tardif des téléphones intelligents.

- Triés sur le volet. La lettre ouverte fait également un tri qui me semble très orienté dans les statistiques qu’elle présente. Après avoir présenté comme une certitude l’idée que le cellulaire augmenterait le risque de cancer du cerveau, ses auteurs avertissent que le glioblastome (le type de cancer du cerveau le plus dangereux) «a quadruplé en France depuis 1990». C’est effectivement ce que leur source indique, mais il faut noter que la tendance n’est pas la même partout — surtout quand on tient compte de l’âge moyen de la population, qui vieillit avec le temps et va donc naturellement faire plus de cancers. Par exemple, lisait-on dans Neuro-Oncology l’année dernière, de 1995 à 2015, les diagnostics de glioblastome sont passés de 3,9 à 4,2 par 100 000 habitants aux États-Unis, et d’environ 3,6 à 4,3 au Canada (cette même étude avait toutefois trouvé une augmentation beaucoup plus forte en Angleterre, de 2,3 à 5,2). On est loin du «quadruple», ici. De même, une étude publiée en 2018 dans la revue médicale BMJ – Open n’a trouvé une augmentation des glioblastomes en Australie qu’entre 1993 et 2002, «probablement à cause de progrès dans l’utilisation des MRI [une technique d’imagerie médicale] durant cette période», et aucune tendance à la hausse entre 2003 et 2013. Alors le cas français, s’il est spectaculaire, n’a rien de particulièrement éclairant sur le lien cancer-cellulaire.

- Solidité exagérée. Parlant de ce lien cancer-cellulaire, d’ailleurs, lettre ouverte exagère fortement la solidité de la preuve scientifique. Il existe, certes, un certain nombre d’études qui ont suggéré que l’exposition aux radio-fréquences pourrait endommager l’ADN ou causer des cancers et, si on cherche bien, on peut trouver quelques scientifiques qui voient dans ces travaux une «preuve» que les cellulaires sont cancérigènes — certains sont d’ailleurs cosignataires de la lettre. Mais on trouve aisément beaucoup, beaucoup d’autres études et rapports qui concluent à l’inverse. Par exemple, cette année dans Bioelectromagnetics, un chercheur de Bristol a suivi les tendances dans l’apparition de cancers du cerveau (notamment) en Angleterre entre 1996 et 2017, mais n’a trouvé que des indices «faibles» et «improbables» d’un lien avec le cellulaire. Même chose au Canada, où une étude sur l’incidence des gliomes (une forme de tumeur au cerveau qui peut dégénérer en glioblastome) entre 1992 et 2015 a observé des tendances qui n’étaient «pas compatibles» avec un lien cellulaire-cancer.

En outre, plusieurs des études présentées en preuve dans la lettre ouverte, loin d’avoir convaincu la communauté scientifique, ont été vivement critiquées. C’est le cas d’une étude de l’Institut Ramazzini, en Italie, qui avait conclu que les rats exposés aux radio-fréquences développaient plus de tumeurs, mais qui a été décrite comme une «erreur statistique» (statistical fallacy) par la suite.

Et il en va de même de l’étude du National Toxicology Program, parue en 2018, qui aurait établi «un lien clair entre le rayonnement des téléphones portables et le cancer», selon la lettre ouverte. En fait, après avoir exposé des rats et des souris pendant deux ans à des doses parfois massives (et irréalistes) de radiofréquences, cette étude n’a trouvé qu’un petit surplus d’une forme rare de tumeur au cœur chez les rats mâles, mais pas chez les femelles, et rien chez les souris. Ça n’est pas exactement ce que j’appellerais un «lien clair» et, en raison d’une série de faiblesses méthodologiques majeures, ces résultats ont été qualifiés de «loin d’être robustes» par un groupe de réviseurs indépendants en 2020.

Bref, ce n’est pas pour rien que des agences sanitaires comme l’Institut de la santé publique du Québec et son équivalent de Colombie-Britannique , en plus de l’Union européenne et le National Cancer Institute aux États-Unis, entre bien d’autres, n’ont trouvé aucun signe probant d’un danger après avoir examiné l’ensemble de la littérature sur le sujet — au contraire de la lettre ouverte, qui n’en présente qu’une partie. C’est parce que malgré des masses et des masses d’études sur la question, on n’a toujours pas trouvé de signe probant qui indiquerait de manière minimalement solide l’existence d’un danger.

Peut-être qu’un jour, on aura plus de données, ou de meilleures, qui convaincront une grande partie de la communauté scientifique que les ondes cellulaires et/ou la 5G causent le cancer ou d’autres problèmes de santé. Mais pour l’heure, on est de toute évidence encore très, très, loin du compte.

VERDICT

Partiel, partial et très exagéré. La lettre ouverte ne présente qu’une petite partie de la littérature scientifique, et uniquement les études qui appuient la thèse voulue. Le résultat est que le texte exagère énormément la solidité des «preuves» qui démontreraient les dangers de la 5G et des ondes cellulaires. En réalité, on n’a présentement aucune raison de croire que ce danger existe.

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DES INFOS À VÉRIFIER?

La déclaration d’un ministre vous paraît douteuse? Une information qui circule vous semble exagérée, non fondée? Écrivez à notre journaliste (jfcliche@lesoleil.com). La rubrique «Vérification faite» prendra le temps de fouiller les faits, en profondeur, afin de vous donner l’heure juste. Car nous non plus, on n’aime pas les fausses nouvelles.

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