Salle de nouvelles: l’histoire d’un suicide annoncé

La metteur en scène Marie-Josée Bastien

Marie-Josée Bastien n’a pas revisionné le film Network (1976) avant de mettre en scène l’adaptation de Lee Hall traduite par David Laurin sous le titre Salle de nouvelles. Dès le 26 octobre, le théâtre du Trident a l’honneur de présenter la première adaptation francophone de cette pièce en Amérique du Nord.


«Je me souviens de quelques images, mais je ne voulais pas le revoir», partage la metteuse en scène légèrement superstitieuse, qui a déjà travaillé sur d’autres adaptations de longs métrages. Elle se réserve la surprise de découvrir ce que sa vision de l’œuvre aura de commun avec celle des réalisateurs.

Pour ceux qui se souviennent du film de Sidney Lumet, l’adaptation est réputée pour lui être très fidèle, rapporte Marie-Josée Bastien. Dans une salle de nouvelles de New York aux États-Unis, un présentateur se fait congédier. Howard Beale (Denis Bernard) a tout de même le temps d’enflammer l’auditoire avec des propos sans filtre et d’annoncer en ondes qu’il se suicidera lors de son prochain bulletin.



Aussi choquante que soit cette déclaration, son équipe y voit plutôt une occasion pour gonfler les cotes d’écoute en faisant la promotion de l’événement. «La détresse humaine de cet homme est laissée de côté pour être récupérée par la machine, résume Marie-Josée Bastien. L’ambition insatiable de tout le monde se met en branle.»

La machine s’accélère

L’histoire progresse tel un train qu’on s’attend à voir dérailler à chaque instant, sans savoir où il terminera sa course folle, évoque la metteuse en scène.

Marie-Josée Bastien

Dans la pièce, comme dans la vie, le rythme s’accélère pour la salle de nouvelles. «Lee Hall a adapté le scénario du film au rythme d’aujourd’hui. On est plus vite qu’il y a 40 ans. On est dans un monde d’images, de petites coupures, de segments», explique-t-elle.

Les acteurs doivent d’ailleurs se soumettre à la cadence de cette production exigeante. «Ils courent, ils suent; c’est super exigeant! Il y a beaucoup de scènes qui se répètent avec des petites différences et c’est extrêmement difficile pour le cerveau», souligne Marie-Josée Bastien.



Au-delà du rythme, elle a aussi voulu mettre en évidence l’aspect intemporel des thèmes abordés dans cette pièce «féroce».

«On dirait que ç’a été écrit hier. C’est comme une prophétie, note-t-elle. On est à un stade où tout peut être scénarisé, même la détresse d’un homme.»

Cette machine, qui se nourrit de l’humanité dont elle vide le personnage de Howard Beale, prend de plus en plus de place sur le plateau de télévision, comme les vidéos sur la scène. La manière de filmer évolue également au fil de cette production que la metteuse en scène qualifie de tragédie satirique. Cette progression visuelle, qui accompagne une proposition temporelle singulière, mettra en évidence l’intemporalité du propos, croit Marie-Josée Bastien. «La façon de filmer change, mais le propos reste toujours le même: on a besoin de la misère des autres pour accepter notre propre vie.»

Salles de nouvelles – Network est présentée au théâtre du Trident du 26 octobre au 20 novembre. En janvier, cette coproduction réalisée avec Duceppe et Le Théâtre Niveau Parking prendra la direction de la métropole.