Marie-Ève Martel: «Nous avons un grave problème d’accès à l’information»

Marie-Ève Martel est journaliste à La Voix de l’Est.

La loi d’accès à l’information est trop floue, mal adaptée à son époque, si bien qu’il est facile de la contourner pour les organisations qui ne souhaitent pas faire preuve de transparence. Ce constat sévère, c’est celui de la journaliste de La Voix de l’Est, Marie-Ève Martel, qui lancera le 2 novembre Privé de sens, un plaidoyer pour un meilleur accès à l’information au Québec.


« Ce que je souhaite surtout, c’est sensibiliser la population à revendiquer de l’information et à tenir leurs élus imputables. Ce n’est pas sexy, la loi d’accès à l’information, mais mon but est de vulgariser ce que c’est. Ce n’est pas seulement une affaire de journalistes. Oui, nous avons un grave problème d’accès à l’information au Québec et il y a des impacts sur la démocratie locale! »

Dans son livre, Marie-Ève Martel relève plusieurs aberrations, comme cette municipalité qui refuse de donner une copie numérique du registre foncier, un document pourtant publié sur son site internet. « Ce que je dis beaucoup dans mon livre, c’est que la loi est censée uniformiser le traitement. Il n’est pas normal que la même demande, pour le même document, n’obtiennent pas la même réponse dans des délais comparables d’une ville à l’autre. Il y a beaucoup d’arbitraire. On laisse beaucoup de flou pour ceux qui gèrent l’accès à l’information. À part pour des évidences, la capacité d’obtenir un document dépend de la volonté et des connaissances de la personne en place. Le degré de transparence varie aussi aux quatre ans, selon les personnes qui sont élues. » 

Le livre <em>Privé de sens</em>, de Marie-Ève Martel, sera publié le 2 novembre.

Pour Marie-Ève Martel, l’accès à l’information est une forme de reddition de comptes. « Quand les gens sont informés, ils peuvent faire avancer davantage la réflexion publique. Sinon, on a des citoyens moins informés qu’ils devraient l’être et des organisations moins transparentes qu’elles devraient l’être. »

La journaliste estime que les politiciens jugent à tort qu’ils perdront le contrôle s’ils divulguent de l’information. « C’est comme s’ils avaient peur que les citoyens s’en servent à mauvais escient. Pourtant, cette information nous appartient. D’autres ont simplement peur de passer à Infoman

Pendant la pandémie, si le gouvernement avait rendu publics les avis de la Santé publique, peut-être qu’il y aurait eu moins de contestation. Il est plus facile de penser qu’il y a un complot quand on ne nous donne pas l’information complète.

C’est aussi le rôle de Villes et des organisations publiques, selon elle, d’aider les citoyens à bien comprendre les renseignements qui leur sont communiqués. « Ce n’est pas tout de rendre les documents accessibles. Ils doivent être intelligibles. »

La loi de non-accès à l’information

Mme Martel propose une refonte complète de la loi, notamment en instaurant des formations obligatoires pour les personnes responsables de l’accès à l’information. Les petites villes, elles, pourraient se regrouper pour déléguer cette tâche à la MRC, question de partager le fardeau parfois trop lourd pour les ressources en place. « C’est une question de volonté politique. Il ne faut pas laisser autant de flou, parce qu’à l’heure actuelle, certains l’appellent la loi de non-accès à l’information. Il faut que les exceptions, évoquées pour ne pas donner des documents, demeurent des exceptions. »

Marie-Ève Martel plaide du même coup pour inculquer le concept d’accès à l’information dans les écoles et pour éliminer le facteur politique de la démarche d’accès. 

Privé de sens est une suite logique du premier essai de l’auteure, Extinction de voix, un plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale, paru en 2018.