Déposé jeudi en chambre par le ministre de la Justice Simon Jolin-Barette, le projet de loi introduit notamment la distinction entre la mention du sexe et la mention de genre. Si Divers-Gens, qui sensibilise et milite pour les droits des jeunes adultes de la communauté LGBTQ2+ de la Haute-Yamaska et de Brome-Missisquoi, salue le geste, son application concrète dans le projet de loi est problématique une fois qu’on passe de la théorie à la pratique.
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Il cite par exemple l’article 23, qui impose des « des traitements médicaux et des interventions chirurgicales impliquant une modification structurale des organes sexuels » pour faire changer la mention de sexe sur un document officiel. L’article 247 du projet de loi mentionne que ces chirurgies doivent être confirmées par un autre médecin que celui qui les a réalisées.
« Le projet de loi vient stériliser toutes les personnes trans qui voudraient faire un changement de mention de sexe, puisque l’hormonothérapie, et encore plus les chirurgies, ont des effets irréversibles sur les gamètes et les organes reproducteurs qui réduisent ou empêchent de concevoir un enfant par voie naturelle. En plus de forcer les personnes non-binaires à choisir un type de corps ou l’autre, dans la plus grande binarité. Ironique non ? » questionne Cédric Champagne, coordonnateur de l’organisme Divers-Gens, qui n’hésite pas à parler d’un « recul sur les droits acquis ».
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Coming out forcé
Par ailleurs, bien que l’article 41 propose d’ajouter une mention de genre en parallèle à la mention de sexe, cela a pour effet de stigmatiser les individus dont le genre n’est pas nécessairement en adéquation avec le sexe, forçant ainsi un coming out. « Quand je montre mes documents légaux, si j’ai une mention de sexe et de genre, cela signifie qu’il y a une différence entre les deux, donc que je suis une personne trans. Chaque fois que je dois produire un document légal, tout le monde peut voir que je suis une personne trans » note Pal Masse, qui occupe la présidence du conseil d’administration de l’organisme.
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Pour les personnes intersexes, dont la mention de sexe est indéterminée, l’article 24 du projet de loi prévoit qu’il faudra se conformer au nouveau Code civil, ce qui les force à faire un choix qui ne représente pas nécessairement leur identité, ajoute M. Champagne, qui rappelle qu’en suivant la logique du projet de loi, il faudra subir une chirurgie « invasive » pour obtenir la mention de changement de sexe. « Les personnes intersexes seront donc forcées d’avoir recours à une chirurgie, ce qui invisibilisera leur statut de personnes intersexes en le faisant passer à exclusivement homme ou femme. Notons que les personnes intersexes militent pour le droit de conserver leur corps tel quel depuis des dizaines d’années », fait-il valoir.
Retraits demandés
Ce faisant, Divers-Gens demande à ce que les articles 23, 24, 33 et 41, ainsi que tous les articles qui s’y rattachent (22, 25, 26,37, 40, 42, 43, 137, 240, 245, 246, 247, 248, 249, 250, 252, 253, 254, 257, 258, 259) soient biffés du projet de loi.
Pour corriger l’anomalie, l’organisme propose plutôt d’offrir la possibilité de changer la mention de sexe sur le certificat de naissance sans l’ajout d’une catégorie d’identité de genre ou bien de changer la mention de sexe pour le genre « X ». Enfin, il suggère la possibilité de retirer la mention de sexe, ce qui aurait pour effet de ne pas isoler les personnes intersexes « comme étant les seules pouvant avoir une mention de sexe indéterminée » et de ne pas isoler les personnes trans « comme étant les seules ayant une mention de sexe et une identité de genre » distinctes.
Ce faisant, les risques de discrimination s’en verraient aussi diminués, estime-t-on.