Des pommes tombées près de l’arbre, souvent juste en dessous. Un père, une mère ou un proche parent conseiller municipal, maire ou mairesse, député ou candidat. Gagne ou perd, ça parlait politique à la maison. Le modèle les a inspirés.
J’en ai recensé une dizaine pour l’élection municipale du 7 novembre à Québec. Des «fils de» et des «filles de» qui ne renient rien de leur trajectoire familiale, mais veulent aujourd’hui tracer la leur.
Tous et toutes ont accepté avec enthousiasme de se regrouper dans les marches menant à l’hôtel de ville pour cette photo, éminemment politique, mais non partisane.
Trois «Québec forte et fière», trois «Équipe Savard», trois «Québec 21» et un «Transition Québec». Démocratie Québec avait aussi une candidate «qualifiée», mais a décliné l’invitation.
J’ai senti chez chacun et chacune la fierté et une émotion à marcher dans les traces de leurs parents.
«Un privilège», résume Catherine Vallières-Roland, candidate dans Montcalm–Saint-Sacrement.
Son père Marc Roland, militant de la première heure du Rassemblement populaire (parti de Jean-Paul L’Allier) est aujourd’hui son directeur de campagne.
Elle était trop jeune pour l’aider lorsqu’il a été candidat (trois fois). Mais elle a fait campagne avec lui pour d’autres candidats. «Les amis de mon père étaient aussi des candidats à l’époque.» Les Mainguy, Cantin, Frohn, etc.
«J’ai toujours baigné là-dedans», dit-elle. «De vivre ça avec mon père comme directeur, qui m’appuie, me guide dans cette aventure-là, c’est vraiment un privilège.»
«On a le père, le fils, ne manque que le Saint-Esprit.» La boutade des maîtres de cérémonie amusait à l’époque les curés (et les autres dans l’assistance).
Éric Mercier continue de la raconter avec plaisir. Il était alors député de Charlesbourg et son père Ralph (aujourd’hui décédé) conseiller municipal et président d’arrondissement. Il leur arrivait de partager la tribune lors d’annonces publiques.
«Je suis là pour poursuivre l’héritage que mon père», dit-il. Et aussi le sien. «Moi et mon père, on a accompli beaucoup de choses dans l’arrondissement de Charlesbourg.»
Suivre les traces, le mot est ici un euphémisme. Éric habite la même maison familiale bigénération depuis plus de 50 ans.
«Je suis tombé dans la marmite étant tout jeune», dit-il. Il allait dans les cocktails avec son père. «Je l’admirais, je l’écoutais. Mon père a été un mentor et un exemple.»
Steeve Verret (district Lac-Saint-Charles–Saint-Émile) n’a pas eu besoin de faire du porte-à-porte pour son père conseiller municipal à Saint-Émile. Pierre Verret était président des Chevaliers de Colomb, du Club Optimiste, etc. Dévoué à «aider les gens», il a été élu trois fois par acclamation dans les années 1990. «Alors on a fait du porte-à-porte pour les autres.» Lorsque Steeve fut à son tour candidat en 2005, son père a cogné aux portes à ses côtés, car le fils a dû se battre pour gagner (sauf une fois).
Chez les Domm, politique et valeurs environnementales sont une affaire de famille. Le père, Richard Domm, fut candidat à tous les niveaux et membre fondateur et président du Défi Vert de Québec (2007 à 2012).
Son fils Samuel Moisan-Domm avait tenté sa chance au fédéral à 18 ans (Parti vert) et le voici à nouveau candidat dans Des Monts.
«J’ai comme baigné là-dedans», dit-il. Il a fait du porte-à-porte avec son père. «Élection, pas élection», ça parlait politique à la maison. «Je vais répéter ce que mon père dirait : c’est important qu’il y ait de partis progressistes écologistes pour faire peur aux autres partis et les forcer à adopter ces idées.» Essayer de les pousser à l’action. «Qu’on soit élu ou pas» n’importe pas tant.
Claude Duplessis a fait du porte-à-porte, posé des pancartes et distribué des dépliants pour sa mère, Suzanne Duplessis, députée fédérale. Il s’en souvient. «C’est grand Louis-Hébert!»
Le fils n’a pas le même profil communautaire que sa mère. Ingénieur en géologie, il vient plutôt à la politique pour le «projet de métro léger qui lui tient à cœur».
Il est conscient «des risques de rebonds possibles sur la famille» quand on s’engage en politique. «Il ne faut pas dire ou faire de niaiseries et tu espères que tes enfants n’en feront pas.» Les siens sont dans la vingtaine, il ne s’inquiète pas. Feront-ils à leur tour du porte-à-porte? «Ils n’ont pas dit non, mais n’ont pas dit oui encore.»
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La famille d’Émilie Villeneuve était politique. Des deux bords de l’arbre généalogique. Un grand-oncle, Robert Giroux, conseiller municipal à Sillery sous Charles H. Blais. Un oncle conseiller municipal à North Hatley.
Les grands-parents parlaient politique, raconte la candidate dans Sillery–Saint-Louis. «La politique était dans l’atmosphère.» Très jeune (elle l’est encore), elle a eu envie d’en apprendre sur la politique. «Pas juste de chialer, mais y participer.» Je ne l’ai pas pris personnel.
Fille de l’ex-mairesse de Saint-Jean-Chrysostome et de Lévis Danielle Roy-Marinelli, Christine a vu sa «mère les deux pieds sur terre, extrêmement ouverte et respectueuse envers tout le monde».
«Ma mère est un modèle qui m’inspire», confie Christine Marinelli.
Comme les autres candidats réunis ce midi-là, elle a cependant sa «personnalité» propre. La politique, «je veux le faire à ma sauce». «J’espère pouvoir faire un beau mélange de moi et d’elle.»
Elle aimerait «pouvoir reproduire la conciliation travail-famille» réussie par sa mère. Elle a le souvenir que celle-ci «n’a jamais été absente. J’ai toujours senti que ma mère était présente pour nous».
«Mes parents nous ont toujours conscientisés à l’éveil du citoyen, à développer notre curiosité, raconte Maude Mercier Larouche (Sillery–Saint-Louis).
Sa mère, Cécile Larouche, fut conseillère municipale à Sainte-Pétronille (1981-1985), puis journaliste à Radio-Canada où elle a couvert la politique municipale.
Elle était aussi militante féministe.
«Ma mère a tracé la voie. Des débats politiques et des débats d’idées, j’en fais depuis toute petite à la maison.»
Oui, mais réussissiez-vous à placer un mot?
«On était quatre autour de la table et parfois trois à parler en même temps, s’amuse-t-elle. J’ai appris à faire ma place [...] C’était en moi depuis longtemps cette fougue-là, cette fibre-là.» C’est elle qui a pris les devants pour devenir candidate.
La pomme n’est pas tombée loin de l’arbre, mais elle voit une différence avec la génération précédente.
«Les Facebook, les Twitter, ça, nos parents n’ont pas connu ça. La différence et la nouveauté, c’est les médias sociaux», analyse-t-elle. Un «piège pour certains», mais aussi, un «outil de communication extraordinaire».
Dans ce verger des traditions politiques, Louis Martin pourrait sembler l’intrus. Il ne vient pas d’une famille engagée dans la vie publique, mais les traditions commencent toujours quelque part.
Sans s’être consultés, son oncle et lui font leur entrée en même temps sur la scène municipale, lui dans le district de Cap-Rouge, son oncle à Roberval. Si on parlait peu de politique dans les fêtes de famille, ça pourrait bien changer.
Professeur de sciences politiques à l’Université Laval et observateur attentif de la vie municipale, Philippe Dubois ne n’étonne pas de ces candidatures issues d’une filière familiale.
C’est «significatif», dit-il. Pour les partis, il y a un «intérêt stratégique» à choisir des gens connus.
«Ces gens profitent d’un réseau de compétences supérieur à celui d’un candidat nouveau.» Ils ont une meilleure «socialisation politique». Savent comment faire du pointage, faire sortir le vote et faire du financement.
Sans parler de la notoriété.
«Le nom Mercier à Charlesbourg, ça parle encore aux gens et surtout, à des gens qui votent», note-t-il. C’est un «raccourci intéressant» pour le citoyen qui ne sait pas pour qui voter. Et un raccourci aussi pour le parti, analyse-t-il. «C’est gagnant-gagnant.»
L’impact de la filière familiale n’a cependant «pas été étudié empiriquement», prévient M. Dubois. L’impact sur la participation a cependant été documenté.1
Les gens vont davantage voter «s’ils ont l’impression de connaître le candidat», expose Philippe Dubois.
La filière familiale est donc un atout, mais elle n’est pas une garantie de succès.
Marc Boucher, mari de l’ex-mairesse de Sainte-Foy et de Québec, n’avait recueilli que 18 % du vote lorsqu’il s’est présenté dans Le Plateau en 2009 (battu alors par Marie-Josée Savard d’Équipe Labeaume). On trouverait facilement d’autres exemples.
(1) Dubois, P.R. et Gélineau, F. «Les motifs de la participation électorale aux élections municipales québécoises : le cas de 2017». Cahier de recherche électorale et parlementaire, 20. Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, Université Laval, 2021.