Dans Portneuf, halte au gaspillage agricole

Anne-Sophie Grenier et Philip Long, ici avec leur fils, Ethan, sont copropriétaires de la ferme maraîchère Grenier Long, à Saint-Basile. Ils ont accueilli à bras ouvert des glaneurs bénévoles venus récupérer leurs surplus de légumes.

Accroupie près d’un plant, Marie-Ève Picard empile dans le creux de ses bras quelques grosses courgettes vertes qui ont failli être gaspillées.  


Avec des zucchinis, Marie-Ève prévoit cuisiner du pain, des muffins et des tranches sur le BBQ. Ses cinq enfants de 6 à 13 ans s’en régaleront. Et la maman de Donnacona gagnera un peu de lousse sur son budget d’épicerie. 

«Étant monoparentale et à faible revenu, dit Marie-Ève, c’est une belle façon d’apporter des produits frais à ma famille et de redonner aux autres», dit-elle. 

En ce mardi matin ensoleillé, Marie-Ève fait partie d’une dizaine de personnes qui récupèrent des fruits et légumes à la ferme maraîchère Grenier Long, à Saint-Basile, dans la MRC de Portneuf.

Ils participent à une opération de glanage, une initiative de la Table de concertation en sécurité alimentaire de Portneuf qui consiste à cueillir les fonds de champs ou les surplus agricoles pour les offrir à ceux qui en ont besoin. 

En fait, pour chaque opération de glanage, un tiers des fruits et légumes récoltés vont aux cueilleurs, un tiers aux organismes d’aide alimentaire de la région et un tiers aux producteurs agricoles. Mais, la plupart du temps, ces derniers refusent leur part et préfèrent la donner, remarque Sylvie Germain, chargée de projet à la Table de concertation en sécurité alimentaire de Portneuf.

C’est le cas à la ferme Grenier Long, qui en est à sa première saison agricole. Les jeunes copropriétaires, Anne-Sophie Grenier et Philip Long, ont accumulé en cette fin de saison un excédent de légumes sur leur terre. Il leur reste une multitude  de tomates cerises, des centaines de courgettes, des patates et des carottes à cueillir ou à tirer de terre.

«On a plein de légumes qu’on va perde, alors j’aime mieux pouvoir les donner», dit Philip. «C’est important pour nous de pouvoir aider les gens.» Cet ancien militaire, qui s’est rendu en mission en Afghanistan et en Haïti, a vu beaucoup de gens qui peinaient à se nourrir suffisamment là-bas. Et il sait qu’ici aussi, des gens ne mangent pas à leur faim. Il tient à contribuer à l’effort régional contre la faim. 

Il y avait des tomates cerises à profusion à la ferme Grenier Long, mardi matin.

Anne-Sophie est elle aussi sensible à l’insécurité alimentaire. Et elle s’en voudrait de gaspiller les légumes qu’elle et son conjoint ont mis tant d’heures et de soins à faire pousser.

Cet été, la productivité à la ferme Grenier Long a finalement excédé les prévisions. Mais il manquait au couple du temps et de bras pour tout récolter. «Là, cette année, on était justement lui, moi, avec le bébé à temps plein à la maison!» dit  Anne-Sophie, qui attend un autre enfant. Le renfort des glaneurs était plus que bienvenu. 

Parfois, le temps presse pour éviter le gaspillage. La semaine dernière, une opération de glanage a été organisée chez un producteur de Cap-Santé qui avait accumulé beaucoup de surplus. «Si on n’y allait pas cette semaine-là, autant le maïs que le concombre allaient être gaspillés», dit Sylvie. 

À la mi-août, des glaneurs ont cueilli 110 livres de framboises chez un producteur fruitier de Deschambault. Les framboises ont été distribuées à l’organisme Saint-Vincent-de-Paul à Saint-Marc-des-Carrières et le Frigo Solidaire à Saint-Casimir.

À la source

Le projet de glanage de la Table s’inspire de l’expérience de Des Chenaux récolte, une initiative de glanage de la MRC voisine de Des Chenaux, à laquelle la Table s’est associée l’an dernier.

Dans Portneuf, le glanage est un moyen de concrétiser l’idée derrière le projet MAÏS de la Table de concertation en sécurité alimentaire de Portneuf, qui vise à récupérer les denrées excédentaires auprès du milieu agroalimentaire. 

Alors que les dons alimentaires proviennent souvent de gens qui donnent de la nourriture, le projet MAÏS se distingue en misant sur les aliments à la source, c’est-à-dire à même les fermes.

«On a vraiment étudié les différents volets du système alimentaire et on s’est dit : “bon, qu’est-ce qu’on peut faire au niveau de la production?”» dit Sylvie Germain. 

L’été dernier, la Table de concertation en sécurité alimentaire de Portneuf avait collaboré avec trois fermes. Cette année, au moins cinq producteurs de municipalités différentes ont participé à l’initiative, selon Sylvie Germain. 

La Table de concertation continue à recruter des glaneurs. Elle organise des activités de cueillette de juin à novembre pour récolter les aliments demeurés au champ ou invendus. Elle peut aussi se rendre chez certaines personnes qui ont des surplus de fruits et légumes dans leur jardin.  

À la Ferme Grenier Long,  Marie-Ève Picard se prépare à récolter des carottes et des patates. Elle les cuisinera aussi à la maison, où il sera hors de question de les gaspiller.